Je suis
toujours surpris par le nombre de personnes qui ne connaissent rien ou n’ont
jamais entendu parler des premières victimes des camps de concentration et
des programmes d’euthanasie nazis.
Les
premières victimes des Konzentrationslager, ou camps de
concentration, ont notamment été les opposants politiques d’Hitler : les
socio-démocrates, les intellectuels et les communistes.
« Les
premiers camps de concentration ont été établis en Allemagne peu de temps
après la nomination d’Hitler au poste de chancelier, en janvier 1933. Au
cours des semaines qui ont suivi l’arrivée des Nazis au pouvoir, les SA (Sturmabteilungen,
communément appelés les « chemises brunes »), les SS (Schutzstaffel
; la garde d’élite des Nazis), la police et les autorités civiles locales
ont organisé des camps de détention en vue d’incarcérer les opposants
politiques réels ou imaginaires du parti Nazi.
Les
autorités allemandes ont établi des camps aux quatre coins de l’Allemagne afin
de pouvoir détenir les masses de gens suspectés d’activités subversives. Les
SS ont établi des camps principaux à Oranienburg, au nord de Berlin ; à
Esterwegen, près d’Hambourg ; à Dachau, au nord-est de Munich ; et
à Lichtenberg, en Saxe. A Berlin même, la Columbia Haus a accueilli jusqu’en
1936 les prisonniers qui faisaient l’objet d’une enquête de la Gestapo, la
police secrète allemande. »
Aussi
brutaux qu’ils aient pu être, ces premiers camps de concentration avaient
pour objectif d’éliminer les opposants au régime. Nous ne devrions jamais
oublier comment ceux qui ont su garder la tête froide ont été forcés à la
soumission, comment leurs voix ont été tues, comment ils ont servi d’exemple
à tous les autres.
Les
premières victimes des camps de la mort ont été les handicapés, les personnes
souffrant de déficience mentale, et les individus les moins productifs.
Hitler a signé de sa propre main un arrêté demandant l’exécution des hommes,
femmes et enfants à la charge des hôpitaux et écoles gérés par le
gouvernement, ou placés auprès d’institutions privées. La raison pour
laquelle ils ont été exécutés est que leur vie était perçue comme trop
onéreuse, pas suffisamment productive, et comme un poids pour le peuple et l’Etat.
Etaient aussi inclues les personnes atteintes de troubles qui aujourd’hui
sont perçus comme soignables, comme la dépression. Si vous présentiez le
moindre signe de faiblesse, on se débarrassait de vous, souvent brutalement,
par inanition.
Pourquoi
en avons-nous si peu entendu parler ? Il existe peut-être deux ou trois
raisons à cela.
La
première est bien évidemment que les plus faibles, comme c’est encore le cas
aujourd’hui, ne peuvent pas compter sur beaucoup de monde pour prendre la
parole en leur faveur face à un Etat en expansion et à des sociopathes. Existe-t-il
quelque part un groupe de pression qui prenne la défense des pauvres et des
handicapés, des malades et des faibles ? Les églises et certains groupes
protestent parfois, mais sont facilement marginalisés et écrasés par les
slogans et les insultes.
La
deuxième est une triste vérité. Ces premiers meurtres de masse ont compromis
une grande portion de la classe professionnelle allemande : avocats,
médecins, infirmières, économistes, journalistes et intellectuels.
Les gens
qui savaient ce qui se passaient approuvaient ou se contentaient de garder le
silence. S’opposer à de telles politiques était une bien triste décision de
carrière, puisque les opposants les plus bruyants ont commencé à être
transportés vers Dachau dès 1933.
Au départ,
la propagande allemande reposait énormément sur la notion que certaines
personnes n’étaient pas vouées à vivre au sein d’une société économiquement
et physiquement puissante. Lentement mais sûrement, les cœurs des Hommes se
sont endurcis. Les besoins de l’Etat, qui était en réalité un gang de
sociopathes imbus de leur personne et avides de pouvoirs et de richesses,
sont vite devenus la plus grande priorité.
A
compter de 1935, bien que leur persécution ait commencé en 1933, les
homosexuels ont été officiellement considérés comme des membres improductifs
de la société.
Dans l’esprit
des Nazis, les hommes homosexuels étaient des hommes faibles et efféminés qui
n’étaient pas capables de se battre pour la nation allemande. Ils les
percevaient comme incapables de produire des enfants et de participer à la
croissance de la population. Les Nazis étaient certains que les races
inférieures produisaient plus d’enfants que les Ariens, et tout ce qui était
susceptible de diminuer le taux de naissances allemandes était perçu comme
représentant un danger racial.
Comme nous le savons tous, cette folie a
culminé sur l’un des meurtres de masse les plus horrifiants de l’Histoire
humaine, l’extermination des Juifs, et dans une certaine mesure, des Slaves.
D’autres groupes non-Ariens ont également été décimés, notamment les
tziganes. Il est difficile d’imaginer jusqu’où les choses auraient pu aller
si la guerre n’y avait pas mis fin.
Les gens tendent aussi à oublier que les
camps étaient aussi utilisés comme centres de travaux forcés. Les plus
faibles ont été éliminés dès leur arrivée, et les autres ont travaillé jusqu’à
l’épuisement dans les usines et dans le cadre de projets spéciaux. Les
décisions prises avaient toujours un certain élément « pratique ». L’heure
était au triomphe de l’utilitarisme et de la folie.
Comme tous les autres actes les plus
terribles, tout n’a pas commencé par une seule décision ou un seul évènement,
mais par une intolérance profonde envers les personnes et les idées
différentes. Une fois cette intolérance ancrée dans la sphère politique, une
volonté est née de se débarrasser des plus faibles, des plus vulnérables et
de ceux qui n’avaient personne pour prendre leur défense. Une soif insatiable
de pouvoir, d’argent et de sang s’est fait sentir. Les lois de Dieu et des
Hommes ont été oubliées. Qui restait-il alors pour rester debout face au vent
glacial qui soufflait sur les terres ?
Voici comment une nation et son peuple
peuvent commencer leur descente vers le barbarisme et la bestialité :
par un programme de mécontentement populaire, par le recours aux médias pour
endurcir les cœurs et les emplir de peur, et enfin par la détermination de
classes « indignes de vivre ». Par la marginalisation des pauvres,
des vulnérables et des « autres ».
Certains se construisent une image
romantique d’eux-mêmes et de leur groupe, se perçoivent comme plus forts et
plus audacieux que d’autres, exceptionnels, tels des prédateurs méritant leur
proie de droit. Avec le temps, ils deviennent corrompus, grotesques, et se
transforment en bêtes.
C’est ainsi qu’évolue la soif de pouvoir.
Elle ne satisfait qu’elle-même, et consume tout le reste.
Aktion
T4 - A Timeline of the Nazi Euthanasia Program