C’est n’est pas comme si
l’Europe était finalement sortie des bois après des années de récession, de
sauvetages de banques en sauvetages de nations, la saleté proprement balayée sous
le tapis. Ses banques continuent de sombrer dans une mêlasse toujours plus
épaisse : le fiasco des marchés émergents.
Depuis que le
programme de QE à l’infini s’est transformé en une chimère au début du mois
de mai quand la cacophonie de la Fed sur d’éventuelles réductions d’achats
d’obligations se répercutait autour du monde, un désordre volatile s’est
développé sur les marchés émergents et dérapé avec les devises, les actions
et les obligations. L’Argentine a dévalué. Le Venezuela est un cas désespéré.
La Turquie, sous l’emprise d’une crise politique et démocratique, a laissé
flamber ses taux d’intérêts dans un effort de renforcer la lire. Le Brésil,
l’Inde, l’Indonésie et l’Afrique du Sud ont du mal à contenir les ravages. La
Chine ralentit aussi. Et nous n’entendons plus que le son de succion de la
monnaie qui s’en va.
Ce que le QE a apporté, la fin
du QE a emporté.
Les banques européennes en
péril brandissent des bilans mystérieux remplis d’actifs en décomposition
dont personne ne peut dire mot, et dont le caractère sacré personne n’est
supposé douter [lisez mon exposé sur le régulateur bancaire français qui s’en
est pris à deux bloggeurs dans le doute plutôt qu’aux banques… Gagging Doubt: French Crackdown On French And American Bloggers Who
Question Megabank Balance Sheets].
Selon des analystes de
Deutsche Bank, il se trouve que ces banques illustres sont embourbées dans le
marasme du crédit avec des prêts aux marchés émergents qui représentent
jusqu’à 3,4 trillions de dollars (plus de quatre fois l’exposition des
banques américaines).
« Nous pensons que les
chocs des marchés émergents seront d’une grande importance en 2014 », a
expliqué Matt Spick, analyste chez Deutsche Bank –
probablement la sous-estimation du siècle. « Quand les devises seront
combinées à des ralentissements en termes de revenus et une hausse des
dettes, les banques exposées seront en grand danger ».
Je n’ose même pas imaginer
quelles banques tomberont les premières.
Voici, selon un document
publié par la BRI, comment les rendements des obligations gouvernementales
des marchés émergents, leur volatilité et les devises se sont comportés
depuis que la cacophonie s’est fait entendre en mai (indiquée par les lignes
verticales noires). Ce n’est pas beau à voir :
L'odeur putride de la crise
empeste les banques européennes illustres à plusieurs niveaux. Les revenus
des marchés des capitaux et des activités bancaires primaires risquent de
s’effondrer. L’effondrement d’une devise porterait grandement atteinte au
capital investi dans le pays en question ainsi qu’aux revenus. A mesure que
les taux d’intérêt grimpent – ils n’ont pour l’instant pas encore
suffisamment augmenté – et que les économies commencent à tituber, une portion
des 3,4 trillions de dollars de prêt fera l’objet de défauts ou se
décomposera lentement.
Chaque pays d’Europe a sa
propre spécialité. Les banques britanniques sont exposées à hauteur de 518
milliards de dollars à la région de l’Asie pacifique. Les banques espagnoles
sont exposées à hauteur de 475 milliards de dollars à l’Amérique du sud. Les
banques françaises ont 200 milliards de dollars de prêts liés aux économies
d’Europe en développement, comme c’est aussi le cas des banques italiennes.
Chaque banque vit son propre
cauchemar. Barclays est exposée à l’Afrique du Sud. Les banques espagnoles
BBVA et Santander ont respectivement dans leurs bilans 107 et 132 milliards
de dollars de prêts liés à l’Amérique latine, et la moitié de la portion de
Santander est attachée au Brésil. BBVA et la banque italienne UniCredit sont enfoncées jusqu’au cou en Turquie.
Standard Chartered – qui tire plus de 90% de ses
revenus d’Asie, d’Afrique et du Proche-Orient – et HSBC est extrêmement
exposée en Indonésie et en Inde. L’indice bancaire européen a perdu 7,7% au
cours de ces deux dernières semaines.
Le président de la BCE, Mario Draghi, est-il aussi prêt à sauver les marchés émergents
grâce à une promesse de faire « le nécessaire » pour ne pas avoir à
sauver ses propres banques les unes après les autres ?
Une action en entraîne une
autre : les effondrements de devises et l’inflation en Argentine et au
Venezuela, combinés au chaos en Turquie et au ralentissement de la croissance
en Inde et en Chine rendent les marchés émergents très peu intéressants pour
les capitaux fébriles – et à mesure qu’ils disparaissent, les problèmes se
transforment en crises. Le choc monétaire qui en découle peut à son tour
enclencher un choc du crédit. Une hausse des taux et une économie en difficultés
entraînent des défauts. Parce que c’est une séquence établie des marchés
émergents, la monnaie fébrile, qui a déjà vécu une situation similaire, prend
de l’avance et s’enfuit. Et la catastrophe arrive.
Les glorieuses banques
européennes ont 12% de leurs actifs sur les marchés émergents, mais en tirent
un quart de leurs revenus. Ils sont, comme l’a dit Spick,
analyste chez Detsche Bank, « anormalement
profitables ». D’où leur désir insatiable de tirer autant de profit
qu’elles le peuvent où que ce soit malgré la crise de la dette en Europe.
Mais aujourd'hui, les profits
touchent à leur fin. Au cours de la semaine qui s’est achevée le 29 janvier,
6,3 milliards de dollars sont sortis des
actions des marchés émergents, le plus important flux sortant enregistré depuis août 2011. Les actions et obligations
des marchés émergents ont chuté au point de voir le directeur d’UBS, Sergio Ermotti, intervenir et mettre un terme à l’affaire, si ce
n’est que temporairement. Comme il l’a dit à Bloomberg, « sur le court
terme, les choses paraissent quelque peu surfaites ».
Les conséquences en ont été
positives. Les actions des marchés émergents sont remontées. A deus ex machina.
Mais il en faudra bien plus pour empêcher les banques européennes de demander
aux contribuables une autre série de plans de sauvetage et aux détenteurs
d’actions, aux détenteurs d’obligations et aux déposants toujours plus de
bail-ins.
Les derniers baissiers du
marché des actions sont partis hiberner, humiliés par des années de
ralliements. En restant fidèles à l’idée que les actions devraient être
basées sur les réalités économiques, ils ont perdu des clients, de la monnaie
et leur emploi. Je vous conseille de lire Stocks Plunge: ‘And
This Too Shall Pass,’ Or Something