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Dans la nasse !

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Published : August 01st, 2011
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Category : Editorials

 

 

 

 

D’ambition modeste puisque destiné à « éloigner les incertitudes », mais « allant dans la bonne direction », un accord encore flou dans les détails de réduction du déficit et de déplafonnement du montant de la dette est finalement intervenu dimanche soir à Washington, qui devrait être voté par les deux chambres d’ici mardi soir.


Symboliquement, il ne comprend aucune remise en cause des avantages fiscaux des plus fortunés. De nombreux arbitrages restent à faire en matière de coupes budgétaires, qui permettraient ensuite d’enjamber l’échéance des prochaines présidentielles, l’essentiel reste à décider. L’idée est de procéder graduellement dans les dix années à venir, moins abruptement qu’en Europe, mais l’exercice n’en sera pas moins lourd de conséquences.


Que ce soit aux Etats-Unis ou en Europe, une même nasse est mise à l’oeuvre : par tous les moyens, les Etats sont sommés de réduire leur voilure et diminuer leur endettement. Hier ennemi public n°1, faisant désormais pâle figure, l’inflation cède le pas à la dette.


Quand il ne s’agit pas d’une commission bipartisane chargée d’opérer les coupes budgétaires d’ici à Thanksgiving fin novembre prochain, on parle de la nécessaire adoption de « règles d’or » figeant dans le marbre constitutionnel l’équilibre budgétaire. Comme si la sanction des marchés n’était pas suffisante et que des mécanismes supplémentaires, se voulant irréversibles, étaient nécessaires pour l’obtenir sans férir. Faut-il croire que la tâche est difficile et qu’il faut mettre toutes les chances de son côté !


Dans toutes les propositions sur le tapis, l’objectif est de prioritairement diminuer les dépenses sans accroître les recettes, au nom de la diminution de la pression fiscale et sans toucher à toutes les formes d’évasion fiscale. De créer un contexte où les coupes seront automatiques et ne pourront faire l’objet de débat que dans un cadre contraignant à l’extrême. Imposant le choix de sacrifices au nom du réalisme.


En Europe, les Allemands jouent le rôle du méchant avec le BCE, qui n’en a que pour la nouvelle gouvernance et les sanctions automatiques. Wolfgang Schaüble, le ministre des finances, est à la recherche en interne au pays des conditions politiques permettant de garantir le sauvetage de la zone euro, il multiplie à cet effet les gages à l’aile libérale de la coalition au pouvoir. Dernier en date : sa proposition d’arrêt immédiat des subventions européennes aux pays ne respectant pas le Pacte de stabilité. Une brillante idée qui les plongera davantage dans l’insolvabilité.


Aux Etats-Unis, le couperet s’annonce différemment, une commission bipartisane du Congrès devant se mettre d’accord dans les quatre mois, faute de quoi un paquet de mesures défini à l’avance serait automatiquement mis en oeuvre. C’est tout au moins ce que prévoit l’accord en cours d’adoption.


Au-delà de ces échéances proches, il est question d’aller plus loin. Les républicains américains proposent eux aussi d’adopter un nouvel amendement à la Constitution, afin d’imposer l’équilibre budgétaire. En Europe comme aux Etats-Unis, on remarque toutefois qu’une telle règle ferait obstacle aux investissements à long terme, ceux que seul l’Etat finance. Et qu’il faudrait définir le périmètre de ce qui serait pris en compte, notamment les Etats fédéraux ou les collectivités locales, sur lesquels il serait facile de se défausser.


En Europe, on oppose que la Loi fondamentale allemande impose cet équilibre depuis 1949, ce qui n’a pas empêché d’y déroger et d’accroître l’endettement. La loi adoptée en 2009, pour application en 2016, prévoyant d’ailleurs des « circonstances exceptionnelles » permettant de passer outre.


Aux Etats-Unis, l’adoption d’un amendement à la Constitution supposerait une majorité qualifiée des 2/3 à chacune des deux chambres et sa ratification par les 3/4 des Etats fédéraux. Mais de nombreuses voix préconisent que l’équilibre soit calculé sur plusieurs années, tandis que d’autres font remarquer que des exceptions devraient être nécessairement prévues, à l’approbation du Congrès, ce qui ferait de cette disposition de la Constitution la seule qui ne serait pas intangible…


Qu’importe ces arguments ! Toutes ces constructions n’ont qu’un seul et unique objectif : créer les conditions pour faire accepter une sévère rigueur budgétaire afin de diminuer les déficits sans tarder, telle qu’elle s’installe en Espagne, en Irlande, au Portugal, en Grèce, au Royaume Uni, et s’annonce ailleurs. Aboutissant aux Etats-Unis à démanteler le peu qui existe de solidarité sociale, et à la réduire en Europe. Ainsi qu’à plonger dans la récession les fleurons de l’économie occidentale, à quelques exceptions près, qui ne sauraient durer dans ces conditions. Signant la première contradiction d’une situation qui les accumule.


Ces constructions poursuivent d’autres objectifs, moins visibles, également destinés à défendre les intérêts du système financier. Céder la place aux établissements financiers sur le marché obligataire, où il y a foule, a été précédemment identifié. Mais le but poursuivi est aussi de redonner de la vigueur à la dette souveraine, devenue un placement risqué.


Vitor Constancio, vice-président de la BCE, avait le 15 juin dernier transgressé un interdit en s’alarmant de la concurrence montante entre les banques et les Etats sur le marché obligataire, et du risque de hausse des taux qui en résultait. Cette fois-ci, c’est Nikolaus Von Bomhard, Pdg de Munich Re, le premier réassureur mondial qui gère 200 milliards d’euros d’actifs, qui a mangé le morceau. « Il n’existe plus de placement absolument sûr, auquel nous étions habitués depuis des années », a-t-il estimé en faisant référence aux crises européenne et américaine, précisant : « Un emprunt d’Etat n’est plus ce qu’il était par le passé. » L’idée est bien donc de revenir aux amours perdues et aux plaisirs d’antant.


De plus en plus décorrelé du monde économique, enflée à l’extrême et sans autre référence de valeur que celle du marché, si capricieux, la sphère financière a besoin d’étais pour consolider son échafaudage instable. Si les Etats ne peuvent plus être les prêteurs en dernier ressort, via leurs banques centrales, en raison de l’énormité des engagements que cela supposerait, ainsi que des dangers de l’inflation qui pourrait en résulter, qui mettrait tout l’édifice financier à bas, que reste-t-il d’autre comme point d’appui ?


Voilà la seconde contradiction: le capitalisme financier en est venu à scier la branche sur lequel il était assis et voudrait maintenant qu’elle soit rafistolée. Mais si le prix à payer entraîne globalement dans la récession l’économie occidentale, Etats-Unis en tête, comment l’objectif pourra-t-il être atteint ?


La réaction mitigée des marchés asiatiques, ce matin, prend en compte les résultats très décevants de l’économie américaine dévoilés en fin de semaine dernière.





Billet rédigé par François Leclerc




Paul Jorion






(*) Un « article presslib’ » est libre de reproduction en tout ou en partie à condition que le présent alinéa soit reproduit à sa suite. Paul Jorion est un « journaliste presslib’ » qui vit exclusivement de ses droits d’auteurs et de vos contributions. Il pourra continuer d’écrire comme il le fait aujourd’hui tant que vous l’y aiderez. Votre soutien peut s’exprimer ici.   

 

 

 

 

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Paul Jorion, sociologue et anthropologue, a travaillé durant les dix dernières années dans le milieu bancaire américain en tant que spécialiste de la formation des prix. Il a publié récemment L’implosion. La finance contre l’économie (Fayard : 2008 )et Vers la crise du capitalisme américain ? (La Découverte : 2007).
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