On a beaucoup parlé, ces derniers jours, de ce fameux contrat du
siècle dont le gouvernement australien nous aurait honoré. Certaines chaines
d’infos en continu ont même consacré une journée entière à l’évènement.
Pensez donc, près de 35 milliards d’euros, ce n’est pas rien. Sauf que, en
réalité, la France recevra au mieux 8 milliards d’euros. Sur plusieurs
années…
Ce qui est clair, c’est que la qualité de l’offre de DCNS l’a largement
emporté sur les autres propositions, qui émanaient notamment des industriels
allemands et japonais. Une offre qui comporte non seulement la conception
de 12 sous-marins de dernière génération, mais aussi une coopération
technologique qui va lier la France et l’Australie pour de nombreuses années.
Ce qui est moins clair, en revanche, aussi bien pour les médias mainstream
pressés de faire le buzz que pour les communicants de l’État eux-mêmes, c’est
le montant réel de ce que d’aucuns ont appelé le “contrat du siècle”.
Pour l’Australie, priorité à l’économie locale
L’Australie est un grand pays, mais c’est surtout une île et, à ce titre,
une force militaire maritime est juste indispensable. Or la flotte de
sous-marins australiens est aujourd’hui vieillissante, peu adaptée
aux contraintes technologiques et stratégiques du XXIe siècle. Il lui fallait
donc impérativement revenir dans la course en matière d’armement maritime
afin de rester une force pertinente à cheval entre l’Océan Indien et le Pacifique,
là où les deux autres grandes puissances de la région Asie-Pacifique (la
Chine d’un côté et les États-Unis de l’autre) ont chacune doublé
leurs dépenses militaires au cours de ces dernières années.
C’est pourquoi le gouvernement australien a décidé de mener un chantier
titanesque pour une valeur de 50 milliards de dollars australiens,
soit environ 34,5 milliards d’euros. Voilà l’origine du montant
souvent repris dans les médias ces 10 derniers jours. Sauf que
l’essentiel de cette somme restera en Australie, le pays insistant
pour conserver la plus grande partie du processus de fabrication des
armements. Car, comme tous les autres pays du monde, l’Australie a elle aussi
souffert de la crise, et cette opération sera également l’occasion de booster
l’économie nationale, notamment en favorisant l’industrie australienne et en
générant de l’emploi (2900 créations pour les chantiers
navals d’Adelaïde).
Un très gros contrat… mais pas aussi gros qu’on le pense
Et le contrat du siècle pour la France alors ? Soyons clairs, la France a
effectivement remporté un marché de plusieurs milliards d’euros qui
devrait donner du travail à au moins 4000 personnes pendant 5 ou 6 ans,
le temps de fabriquer les 12 sous-marins commandés. Mais ce ne sera pas 34,5
milliards. On estime que la part revenant aux industriels français avoisinera
les 8 milliards d’euros, ce qui reste énorme, mais guère
éloigné des autres contrats d’armement que notre pays a déjà réussi à
conclure avec l’étranger. Évoquons par exemple la vente de 24 Rafale au Qatar
pour 6,3 milliards d’euros, 50 hélicoptères et 5 sous-marins au Brésil pour 6
milliards, 24 Rafale et une frégate à l’Égypte pour 5,2 milliards, suivie de
près par la vente de 36 Rafale au gouvernement indien pour 5 milliards
d’euros, etc. Et n’oublions pas le contrat qui devrait prochainement être
signé avec les Émirats arabes unis portant sur la fourniture
de 60 Rafale, pour la coquette somme de… 15 milliards d’euros
!
En attendant cette nouvelle commande, on peut toutefois considérer le
contrat Australien comme exceptionnel à plus d’un titre. Tout d’abord pour
son montant, certes, même s’il ne s’agit pas de plusieurs dizaines de
milliards d’euros comme on l’a dit au départ. Mais c’est aussi l’une des
rares fois où l’excellence technologique française aura su
damer le pion en même temps aux champions que sont le consortium japonais
Mitsubishi-Kawasaki d’une part (donné pourtant favori) et le géant allemand
TKMS. C’est donc le Barracuda français qui équipera la
marine australienne dès 2027, un sous-marin qui sera produit en 12
exemplaires, non pas à Cherbourg… mais en Australie, à Adelaïde, ce qui va
nécessiter un important transfert de compétences technologiques.
Seul le système de combat devrait rester d’origine américaine (Raytheon et
Lockheed Martin), comme c’est déjà le cas sur les bâtiments Collins équipant
actuellement la marine australienne, et le système de propulsion nucléaire
devrait être remplacé par… des moteurs diesel ! Nul doute
que cela a dû peser dans la balance pour rendre le prix des sous-marins
français plus abordable : évalué à 1 milliard d’euros, chaque bâtiment
français devrait ainsi revenir à un peu plus de 600 millions aux Australiens.