‘Les Autrichiens avaient
raison’, voilà une phrase que l’on entend de plus en plus souvent, et pour une
bonne raison. La bulle sur l’immobilier et son explosion ont été pointées du
doigt par les Autrichiens, et personne d’autre. Les économistes Autrichiens
avaient raison au sujet de la bulle sur la dot-com. Ils avaient raison à
propos de la stagflation des années 1970 et de l’explosion du prix du métal
jaune après la fermeture du guichet de l’or.
Listez les évènements que nous
avons traversés, et vous verrez que les Autrichiens ont eu raison depuis le
début : au sujet du contrôle des prix, du protectionnisme, des plans de
sauvetage, des guerres, des régulations, des libertés civiles, et ainsi de
suite.
Mais les problèmes qui
touchent à la monnaie fiduciaire et des cycles économiques sortent du lot,
parce que les Autrichiens disposent d’une perspicacité unique. Ils sont les
seuls à toujours avoir pensé que la monnaie fiduciaire offre de mauvaise
motivations à l’industrie bancaire, que les manipulations des taux d’intérêts
par les banques centrales distordent la structure de production, que la
combinaison de monnaie papier et de système bancaire central mène tout droit
vers une calamité économique.
Ces idées n’ont rien de
nouveau, bien que nombreux soient les gens qui ne les découvrent
qu’aujourd’hui pour la première fois. Depuis la publication du livre de Mises,
La Théorie de la Monnaie et du Crédit, en 1902, qui nous mettait en
garde des dangers que le papier monnaie et le système bancaire central
représentent pour la libre entreprise, les Autrichiens ont eu raison.
Cela nous donne donc plus de
cent ans de ‘nous vous l’avions pourtant dit’.
Et au beau milieu de toutes
ces années a eu lieu un épisode oublié de l’histoire monétaire dont nous
tirons des leçons aujourd’hui. Il concerne le rôle controversé joué par Henry
Hazlitt, qui s’opposait au système monétaire de Bretton Woods établi après la
seconde guerre mondiale.
Influencé par Mises, Hazlitt a
utilisé sa position d’éditeur au New York Times pour mettre la population en
garde contre ce projet, et a correctement prédit qu’il découlerait sur une
inflation à l’échelle mondiale. Pour avoir fait ce qu’il a fait, il a été
déchu de son poste d’éditeur. Il a payé très cher le fait d’avoir eu raison,
mais cela n’a pas suffi à l’arrêter. Il a continué de prôner la vérité.
Le Times devrait lui présenter
une excuse officielle et admettre que son éditeur avait parfaitement raison.
Mais n’y comptons pas trop.
Revenons où nous en étions.
A la fin de la seconde guerre
mondiale, la condition monétaire des nations du monde était déplorable. Les Etats-Unis
faisaient face à une énorme dette héritée de la guerre, bien qu’ils étaient
encore les créditeurs du reste du monde. Les Etats-Unis disposaient également
d’une très importante pile d’or. Tous les autres pays étaient plus ou moins
en banqueroute, chose que seul des programmes gouvernementaux gargantuesques
sont capables d’accomplir. Les devises majeures étaient détruites, et les
économies étaient tombées avec elles.
Comme la mode le voulait
autrefois, les élites du monde se sont rassemblées pour réfléchir à une
solution coordonnée. Elles se sont réunies du premier au 22 juillet 1944 à
l’hôtel Mount Washington, à Bretton Woods, NH, pour rédiger les Articles de
l’Accord. Un an et demi plus tard, en décembre 1945, cet accord fut ratifié.
En mars 1947, l’une des monstruosités créées à la suite de cet accord, le
Fond Monétaire International, entra en opération.
Quel était l’objectif de ce
projet ? Il était le même que celui qui a conduit à la fondation de la
Réserve Fédérale, et que ceux qui ont guidé les réformes monétaires tout au
long de l’histoire moderne. L’idée était de promouvoir la croissance,
d’encourager la stabilité macroéconomique et, plus absurde encore, de contrer
l’inflation. Bien entendu, aucun de ces objectifs n’a été atteint.
Il existe d’autres analogies
liées à la Fed. De la même manière que la Fed devait servir de prêteur de
dernier recours et de fournisseur de liquidités en période d’instabilité, les
accords de Bretton Woods obligeaient les nations signataires à rendre leur
devise disponible à d’autres pays pour prévenir tout problème temporaire de
balance de paiements.
L’origine de ces déséquilibres
de balance de paiements n’a pas été abordée. Il semblerait que tout le monde
pensait qu’ils étaient semblables à une période de mauvais temps, à des
tremblements de terre ou des inondations, à quelque chose qui de temps à
autres s’abat sur un pays. La vérité, c’est que les problèmes monétaires liés
à la balance des paiements sont créés par de mauvaises politiques, par les
gouvernements qui gonflent leur masse monétaire, qui dépensent trop, qui
s’endettent, qui contrôlent leur économie, imposent des restrictions
commerciales, créent des états providence, partent en guerre, et ne
respectent pas les principes de propriété privée.
Comme tous les autres projets
gouvernementaux, Bretton Woods devait faire face aux symptômes plutôt qu’aux
causes de problèmes, et traiter ces symptômes de manière à rendre possible
voire encourager la propagation de la maladie. Il a lié les devises entres
elles à des niveaux irréalistes, offert un mécanisme de plans de sauvetage
pour permettre aux gouvernements et aux établissements bancaires de continuer
de faire ce qu’ils ne devraient pas, et prolonger les problèmes voire les
aggraver sur le long terme.
Les gouvernements remplacent
depuis longtemps la bonne monnaie par de la mauvaise. Leur objectif, comme
celui de la dernière vague de plans de sauvetages aux Etats-Unis et en
Europe, était d’envoyer de la monnaie vers les pays en banqueroute pour les
encourager à poursuivre les politiques et pratiques à l’origine même de leur
problème.
Le problème central du système
monétaire né après la seconde guerre mondiale est l’abolition de l’étalon or,
ou plutôt la destruction par le gouvernement de ce qu’il en restait par le
biais de l’inflation, de la dette et de la dévaluation. Les économistes
Keynésiens ont bien entendu encouragé cela, puisqu’ils perçoivent la création
monétaire comme une sorte de panacée pour la maladie de l’économie mondiale.
Keynes, grand maître de la
conférence de Bretton Woods, a lui-même recommandé d’en faire ainsi et en a
acclamé les résultats. A ses yeux, une devise flexible et sans étalon était
la clé de la manipulation macroéconomique de ses agrégés bien-aimés. Et,
d’une manière assez perverse, il avait raison sur ce point. Un gouvernement
se trouve contraint par un étalon or. Il ne peut se contenter de décider de
manipuler la demande ou de manipuler l’offre. Il ne peut dépenser plus que ce
que ses moyens lui permettent. Il doit payer pour ses programmes grâce à la
taxation, et doit donc restreindre son appétit pour les aides sociales et la
guerre. Il n’existe pas d’Etat Keynésien sous l’étalon or, pas plus qu’un
accro à la cocaïne ou aux jeux d’argent sans le sou.
Le message de Keynes à Bretton
Woods, pour reprendre Mises, était que l’élite du monde ne pouvait faire du
pain à partir de pierres. Et, sous l’influence de Keynes, la cible de Bretton
Woods a été le libéralisme, qui pour beaucoup était responsable de la Grande
Dépression. Les élites sont sorties de la seconde guerre mondiale avec une
appréciation accrue pour le principe de planification centrale. Elles s’en
réjouissaient.
Le projet de reconstruction
économique de Bretton Woods n’est pas allé aussi loin que Keynes l’aurait
espéré. Il proposait une banque centrale mondiale et une devise unique pour
toutes les nations, qu’il souhaitait baptiser le ‘bancor’, afin qu’il ne
puisse plus y avoir d’échappatoire à l’inflation. Le projet attend toujours
d’être mis en place. Les conférés de Bretton Woods, sous la pression des
Etats-Unis – qui voulaient faire du dollar le nouveau bancor – ont adopté une
position de compromis. Ils ne créeraient pas d’étalon or, bien que le nouveau
système fût mentionné comme tel pour des raisons de crédibilité. Ce qu’ils
ont mis en place a été un étalon or-dollar, ou plus précisément, un étalon or
de copinage.
Le système de Bretton Woods a
établi un étalon or fixé à 35 dollars par once. Mais le dollar était la seule
devise à être fixée par rapport à l’or. Toutes les autres devises ont été
fixées par rapport au dollar, ce qui a obligé les Etats-Unis, en tant que
créditeur du monde, à émettre des dollars vers le reste du monde tout en
maintenant son lien avec l’or. C’était la recette parfaite d’un désastre,
comme vous vous en doutez certainement.
Un étalon or dans un pays n’a
rien de mauvais. Les Etats-Unis pourraient aujourd’hui retourner à un tel
système. Mais ce n’est pas ce que Bretton Woods a établi. Le dollar n’était
pas convertible en or à l’échelle domestique. Il n’était pas possible pour un
individu de se rendre à sa banque et d’échanger des dollars contre de l’or.
Les dollars étaient uniquement convertibles à l’échelle internationale, et
uniquement par les gouvernements, et les Etats-Unis étaient forcés de leur envoyer
de l’or contre des dollars sur simple requête. Cela limitait l’expansion de
crédit à l’échelle locale, mais pas suffisamment. Très peu étaient assez
courageux pour demander de l’or à l’Empire. Et pourtant, il était clair dès
le départ que le projet pousserait éventuellement les Etats-Unis à revenir
sur leur parole. Il a fallu attendre vingt ans pour que cela se produise,
longtemps après que les signataires de Bretton Woods aient quitté la scène.
L’effondrement du projet a
commencé longtemps après son établissement. Mais ses effets ont été déguisés
sous la forme de contrôles de devises. Une fois les années 1960 arrivées, la
Fed jouait son rôle traditionnel de financier pour le gros gouvernement. La
pression sur le dollar s’est faite trop importante, et les gouvernements
étrangers se sont trouvés plus intéressés par l’or que par le papier. La
combine s’est effondrée comme un château de cartes sous le gouvernement
providence et guerrier de Nixon. C’est à ce moment-là que le monde est entré
dans un régime papier. Tous les économistes pensaient que le prix de l’or
s’effondrerait. Tous, sauf les Autrichiens.
A suivre…
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