Pas de doute, question réformes, on est servi. Il ne se passe pas une semaine sans que l’exécutif, frétillant dans tous les sens comme un chihuahua cocaïnomane au milieu d’un champ de tir, n’annonce une nouvelle fournée de lois et l’ambitieux projet de réformer ceci ou cela, avec force moulinets, autant pour épater le petit peuple que les médias et, plus importants, le reste du monde, penché sur le cas français comme il le ferait au chevet d’un grand malade. Malheureusement, en réalité, c’est, au sens littéral, un véritable feu d’artifices.
Artifices comptables, artifices politiques, artifices économiques, toute la panoplie d’expédients à la petite semaine est de sortie pour tenter de faire croire que le gouvernement n’est pas en surplace frénétique et agité et qu’il y a bien une direction à la gigue nerveuse qu’il impose au pays.
Et il suffit de revenir sur quelques unes des récentes annonces tonitruantes et de les mettre en face de la réalité pour se rendre compte de l’écart. Je ne reviendrai que très rapidement sur les soi-disant économies que l’État aurait faites. Entre les dépenses publiques de l’État central qui continuent de grimper, et celle des collectivités territoriales qui explosent carrément, on peut se dire que la réduction des achats de trombones, de papier et de cartouches d’encre n’a pas suffi à compenser les milliers d’emplois « aidés » (i.e. subventionnés), les renouvellements enthousiastes de départs à la retraite ou les embauches via tous les types de contrats possibles dans la fonction publique (territoriale ou hospitalière notamment). Bref, l’austérité a durement frappé les fournitures et la papeterie, mais on reste loin du compte.
Pour ce qui est des autres réformes, celles claironnées à droite et à gauche, le comique de la situation échappera probablement au contribuable, au consommateur, au citoyen directement impacté. Le choc de simplification n’a pour le moment choqué que par son manque d’ambition. Les petits et gros camouflages de la feuille de paie en sont un exemple flagrant où non seulement, on ne voit pas l’économie que ces changements vont offrir (loin s’en faut), mais où la réforme ressemble surtout à un nouveau cheval de Troie (ici, pour le financement des syndicats). Toujours pour rire, on apprend dernièrement que le gouvernement recule même sur la suppression pourtant aisée des petites taxes, et qu’il ne parvient, toute honte bue et ses gonades manifestement encore en vente sur LeBonCoin, à ne réaliser que 5 millions d’euros d’économies sur cette mesure — 5 millions, alors que le déficit de l’État pour 2013 s’établissait par exemple à 90 milliards d’euros, soit 18.000 fois plus, ce qui permet de toucher du doigt l’infini du moquage de visage à l’œuvre ici.
Ah, il y a aussi la fumeuse réforme territoriale. Je dis fumeuse, parce que, comme prévu, cette réforme devient la marrade la plus grotesque de ce quinquennat à chaque semaine qui passe, ou, à tout le moins, dans le top trois avec la loi ALUR de Duflot et l’écotaxe, qui constituent d’assez bons exemples de ce qu’il ne faut surtout pas faire. Entre le Sénat qui agrandit gentiment le nombre de régions et les conseillers généraux et autres élus locaux qui se battent pour ne surtout pas disparaître, le projet, devenu parfaitement illisible, est en train de se dégonfler lentement, avec le même bruit un peu gras qu’une baudruche produit en fin de course.
Pourtant, il n’aurait pas fallu grand-chose pour apporter un souffle de ce changement qu’on nous avait vendu à tous les meetings hollandesques. Bien sûr, ce « pas grand-chose » nécessite un courage, une détermination qui sont maintenant totalement évaporés du paysage politique français actuel. Bien sûr, il aurait fallu envisager les choses autrement que sous l’angle dogmatique et fossilisé de nos poussiéreux socialistes. Bien sûr, il aurait fallu s’attendre à un débat de fond assez musclé dans la société civile, sur les bancs de l’Assemblée nationale, et partout ailleurs. Certes.
Mais il n’empêche. D’autres pays sont les preuves réalistes et vivantes que c’est possible.
Ainsi, on aurait pu mettre en place la flat tax, mesure parfaitement réaliste qui consisterait à remplacer la myriade de taux de taxation différents par un unique, calculé de façon transparente et simple, sur tous les biens et services. Un seul taux pour les impôts, un seul taux pour la TVA, le même, partout. Avec une flat tax (à 18% par exemple), la France retrouvait rapidement une fiscalité lisible et un attrait commercial pour le reste du monde. Seuls les fervents tenants des petites magouilles, des usines à gaz et des complexifications inutiles de l’administration auraient été perdants.
Ainsi, on aurait pu appliquer en France un code du travail qui a fait ses preuves, par exemple le code suisse, à la fois court et lisible, et qui, jusqu’à preuve du contraire, n’a pas déclenché une paupérisation catastrophique de la population qui lui est assujettie, ni un chômage galopant, ni d’incessants conflits sociaux, ni des faillites par milliers, ni une évaporation de la protection sociale. Seuls les inspecteurs du travail à la sauce Filoche, les milliers de ponctionnaires et de syndicalistes toujours à l’affût de bonnes planques sucrées auraient été perdants.
Ainsi, on aurait pu instaurer une concurrence libre et totale dans les différentes formes d’assurance (maladie, vieillesse, chômage), et ce avant que leurs déficits structurels catastrophiques ne les emportent et laissent sur le carreau, ici et maintenant, des centaines de milliers d’individus qui ont cru à la fable collectivistes leur pipeautant qu’ils étaient couverts alors que l’édifice auquel ils donnent une part toujours croissante de leur salaire n’est plus qu’un vaste champ de ruines et une fumisterie au bénéfice exclusif d’un petit nombre, qui lui, aurait été perdant…
Mais non. La petite paire de testicules du gouvernement, héritée des précédents qui ne s’en sont jamais servi, est sagement restée dans sa boîte en bois laqué, placée aux enchères sur eBay ou en vente sur LeBonCoin sans jamais trouver preneur. À la place de ces trois propositions couillues mais réalisables, qui auraient redonné d’immenses marges de manœuvre au pays, et l’auraient durablement sorti de la crise dans laquelle il s’enfonce maintenant avec une quasi-délectation, nous avons droit à une longue série de petites improvisations amusantes et dilatoires.
Moyennant quoi, le socialisme va jouer sur sa capacité à réenchanter la politique, parce que, rappelez-vous bien : le socialisme, vraiment, c’est magique™.
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