Superbe illustration de Plantu sur la fracture
sociale et ses stéréotypes inconscients.
Juillet 2011
Mes chères contrariées, mes chers contrariens !
Franchement, la Belgique que c’est beau, surtout les paysages
comme vient de le dire Gérard Depardieu, un riche français qui
a décidé d’être riche mais en Belgique, juste de
l’autre côté de la frontière… Et franchement,
ce n’est pas l’un des endroits les plus beaux du monde.
J’adore les Belges, enfin ce qu’il en reste parce qu’au
rythme où ça va, il y a des coins en Belgique où
l’on trouve plus de Français que de Belges, mais cela n’a
rien à voir avec de l’exil fiscal.
Gégé aime le plat pays, tout plat, très très plat, il aime aussi la campagne, et puis je
crois aussi qu’il aime ne pas se faire entièrement ratiboiser
par Monsieur l’État.
Mais on doit continuer à dire que l’impôt à
75 % est juste. Après tout, il est riche notre Gégé
national, et puis franchement, ses sous il les gagne en faisant des films
pour nous Français. Il nous doit tout, donc on peut tout lui
reprendre.
Quelque part ce raisonnement se tient. D’un autre
côté, celui qui essaiera de me prendre 75 % de mes revenus
n’est pas encore né.
Non, rassurez-vous, je ne me sens pas concerné par les
problèmes des très riches, pas du tout. Justement, en tant que
classe moyenne qui va finir par devenir pauvre, je me dis que le jour
où l’État me taxera 75 %, j’arrêterai tout
simplement de travailler… comme ça l’État
n’aura rien à y gagner du tout, et moi plus grand-chose à
perdre.
J’irai prendre mon RSA. J’irai m’inscrire à
la CMU. Juste avant je me mettrai en situation de surendettement (ou presque)
vu qu’un titulaire du RSA est insaisissable (si, si). Ensuite je vais
aux CAF pour remplir le dossier des APL. Je pars en province où les
listes d’attentes pour HLM sont de l’ordre de quelques semaines
(2 à 3 mois) voire inexistantes dans certaines petites villes. Je ne
vivrai de rien. Enfin officiellement…
Et voilà par quel processus notre pays perdant ses plus riches
à force de trop les taxer, pour ne pas dire carrément les
voler, va être obligé de taxer les moins riches, qui feront
pareil ou lèveront le pied, je pense à certaines professions
libérales qui préfèrent maintenant fermer leur cabinet
une ou deux journées par semaine… plutôt que de se
fatiguer pour 10 % de plus de résultat à la fin de
l’année.
Une fois que ces gens-là auront arrêté de produire
plus pour gagner plus, il ne restera que les classes moyennes à taxer,
celles qui ne peuvent pas s’expatrier.
Logiquement, entre travailler pour rien ou être assisté
en échange de rien, l’écrasante majorité choisira
de façon économiquement rationnelle le chemin de
l’assistanat. Soit dit en passant, nous n’en sommes plus si loin
que ça de cette situation.
Nous arriverons donc au résultat suivant : moins de
secteur privé productif, donc moins de création de richesses,
pour plus de demandes d’aides, de subvention et d’assistance.
Résultat évident : le même échec que
lors de l’effondrement de l’ex-empire soviétique.
L’espérance
de gains illimités est un facteur de développement
indéniable
Oui, je sais, les riches sont très méchants. Une fois
posé ce postulat gaucho-bobo à la mode, prenons un tout petit
peu de recul.
L’un des ressorts du développement des
sociétés humaines depuis la nuit des temps repose sur quelques
principes très simples. Mais alors vraiment très simples.
1/ Il faut laisser les créateurs créer et les
entrepreneurs entreprendre (ce qui n’empêche pas de
réguler et d’encadrer).
2/ C’est parce que l’entrepreneur et le créateur
vont avoir une espérance de gains illimités que le jeu va en
valoir la chandelle, sinon autant rester tranquille chez soi et ne pas se
fatiguer.
Fondamentalement, l’économie et le développement
ne reposent que sur ces deux principes essentiels.
Nos gouvernements peuvent les nier et trouver toutes les
justifications à 75 % de taxations sur les revenus, eh bien ils se
trompent lourdement. D’autant plus lourdement que cette taxation sur
les revenus de 75 % est la dernière d’une série de
taxations qui part des charges sociales, en passant par la TVA, sans oublier
la taxation de l’épargne sur des sommes mises de
côté après avoir été déjà
taxées sur le revenu.
Mais
c’est normal et ce sera de pire en pire
Il faut bien retenir ce chiffre. PIB 55 % public, 45 % privé.
Donc n’oubliez pas que les 45 % de richesses produites par le
privé même taxées à 100 % ne permettent plus de
financer le public.
Comme personne ne veut baisser les dépenses parce que
c’est douloureux et que l’on déteste avoir mal, notre
gouvernement fait la seule chose que nous sachions faire en France, nous
taxons !!
La situation de pression fiscale ne peut donc pas
s’améliorer. Et c’est toujours dans la même optique
que le gouvernement vient d’annoncer une taxation supplémentaire
sur les plus-values des résidences secondaires. Je vous passe le
détail du barème mais en gros il faudra passer encore plus
à la casserole ou à l’essoreuse fiscale.
Notre
dernière liberté, le choix du pays où nous pouvons vivre
Mais nous avons (encore) la liberté de partir. De quitter la
France et d’aller nous faire taxer ailleurs dans des contrées
plus accueillantes (fiscalement parlant j’entends).
Attention. Comprenez-moi bien. Je ne fais pas l’apologie de
l’exil fiscal. Je suis français, profondément
attaché à mon pays, à mon terroir. Je n’ai pas
envie d’aller vivre ailleurs.
Je suis le premier à avoir étrillé notre cher
Johnny H., chanteur de son état, ne vendant des CD qu’en France,
se faisant opérer ici au frais de la sécu et de la
collectivité (même s’il s’est fait plus ou moins
rater), et refusant de payer son écot et sa dîme à un
pays qui lui a « tant donné ».
Je l’ai étrillé car sous Sarkoléon,
même si la pression fiscale n’était pas indolore loin
s’en faut, elle n’était pas au stade du confiscatoire.
Or aujourd’hui, la fiscalité française est devenue
clairement confiscatoire pour certaines catégories disons-le de
riches.
Mais le riche n’est pas un criminel. Enfin, pas
forcément. Mais le pauvre n’est pas forcément qu’un
brave type sympathique et gentil. La misère n’est pas
systématiquement le bien ou le bon.
Les riches d’aujourd’hui peuvent, dans un monde ouvert,
partir librement où bon il leur chante d’aller ou presque.
Si le gouvernement veut les tondre sans complexe :
- il faut
refermer les frontières avant qu’ils ne partent tous ;
- il faut réinstituer pour les adultes une autorisation
fiscale de sortie du territoire ;
- il faut
supprimer toutes les transactions en espèces ;
- il faut
remettre des douaniers partout et surveiller nos frontières avec des
miradors et des drones militaires.
On peut faire tout ça. C’est même assez facile et
c’est une logique.
Mais objectivement, est-ce là la logique de la création
de richesses ? Je ne parle volontairement pas de création de
valeur qui n’a de sens que financier, mais bien de création de
richesses qui est une idée bien plus large, un Mozart créant
une richesse bien plus que simplement financière parce
qu’également culturelle par exemple.
Oui aux impôts. Mais pas de façon confiscatoire.
Un mouvement
de protestation qui sera populaire
À l’heure actuelle, les classes moyennes qui font ou
défont les gouvernements et les stabilités des pays regardent
avec méfiance ces méchants riches partir pour ne pas verser
leur obole, ou en tout cas ne plus verser une obole qu’ils
considèrent désormais comme du vol pur et simple.
De la même façon que la France va se « grécifier » progressivement à
partir de 2013, les classes moyennes vont commencer à se sentir
pressurer dès le début de l’année prochaine.
Lorsqu’elles devront payer de plus en plus, sans percevoir
d’aides, et voyant ce que leurs impôts permettent de financer,
elles rejoindront les riches dans leur mouvement de protestation.
Le problème n’est pas que quelques riches aillent
« richer » en Belgique, en
Suisse ou sur le tapis rouge percé de l’anglais Cameron.
Non, l’important c’est de se rendre bien compte que ce
mouvement de refus de l’impôt des riches préfigure un
refus franc et massif à venir des classes moyennes d’une pression
fiscale qui sera vite, très vite intolérable.
Ce mouvement préfigure le rejet d’une part de plus en
plus importante de la population française du schéma de
répartition de l’État-providence.
De la fracture
sociale à la fracture fiscale
Il y a une fracture sociale. Elle est connue depuis bien longtemps et
fut le thème de la campagne de Chirac en 1995.
Ce que l’on va voir apparaître, au-delà de la
fracture sociale c’est une fracture fiscale, où les classes
moyennes ne voudront plus payer pour les classes inférieures,
peut-être parce que par certains aspects, elles n’arrivent plus
à s’identifier mutuellement.
Nous allons donc tout droit vers l’explosion du pacte social
français, parce que les gens eux-mêmes n’en voudront plus,
ou pour être plus précis, ceux qui peuvent payer… ne
veulent plus payer.
C’est sans doute choquant à lire, mais c’est une
réalité qui apparaît de plus en plus crûment et qui
renvoie à la typologie même de notre société et
à ses communautarismes que nous avons voulu exacerber.
Nous en
sommes arrivés au moment où les uns ne veulent plus payer pour
les autres.
C’est donc la cassure définitive de notre contrat social
qui permettait un « vivre ensemble », et c’est
grave. Très grave, et porteur de germes de grande déstabilisation
sociale. Mais beaucoup préfèrent ne pas voir…
Charles
SANNAT
Directeur des Études Économiques Aucoffre.com
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