La vérité officielle se déconnecte de la réalité vécue par
les acteurs de l’économie (les ménages et les entreprises) dans les pays où
les gouvernements s’obstinent à voir l’économie comme un champ
d’expérimentation de théories dépassées au service d’une pseudoscience
prétendument régulatrice. L’exemple extrême fut l’Union soviétique.
L’histoire nous aide à comprendre le présent. Mais qu’est-ce qui nous permet
de comprendre et méditer les enseignements de l’histoire ?
La France souffre depuis 30 ans de ce syndrome qui la
conduit lentement dans un processus d’implosion interne. En Union
soviétique, l’inflation officielle n’existait pas pour la simple raison que
la liberté des prix y était interdite : les prix étaient fixés
autoritairement par le plan central dans le pays où l’on avait anéanti
l’expression des marchés. Est-ce que l’inflation avait réellement
disparu ? Pas le moins du monde !
La manifestation de l’inflation (son effet sur les prix)
était empêchée mais certainement pas la cause profonde. Il existait donc une
inflation réelle qui se manifestait par les files d’attente devant les
magasins d’Etat. On mesurait l’inflation réelle à la longueur des files
d’attente. Rappelons au passage que les prix étaient administrés dans la
France des années 70 gouvernée par la droite. Pourtant, l’inflation en France
était à ce moment supérieure à l’inflation en Allemagne où les prix étaient
libres. Ce n’est pas parce que l’on empêche les gens de dire qu’ils ont faim
que les gens ne sont pas affamés. Ils sont simplement obéissants ou
terrorisés.
Pareillement, le chômage officiel était nul en URSS tout
simplement parce que le chômage était interdit par le parti communiste de
l’union soviétique (PCUS). Aux yeux du parti, le chômage était un délit. En
effet, la carte du parti donnait droit à un travail. Du coup, si vous n’aviez
pas de travail, c’est que vous n’étiez pas membre du parti. C’était une
position plus inconfortable au pays des soviets et du parti unique.
Dans ce cas, vous étiez immédiatement suspecté d’être un
ennemi du parti unique, donc un ennemi de l’Etat. Il est cocasse de rappeler
que, dans les régimes socialistes, un chômeur était assimilé à un ennemi de
l’Etat alors que dans les pays capitalistes, il est considéré comme une
victime du marché. Chaque système a ses démons. Dans la réalité de l’Union
soviétique, on faisait semblant de travailler à travers le partage du travail
qui n’était qu’un chômage déguisé.
Aujourd’hui, il existe de nombreux exemples dans notre
pays pouvant illustrer ce décalage persistant entre la vérité officielle et
la réalité vécue par les acteurs : le décalage entre la valeur
officielle du diplôme et la valeur sanctionnée par le marché du travail, le
décalage entre la valeur officielle de l’euro et la réalité du pouvoir
d’achat de la monnaie unique telle qu’elle est vécue par les ménages, ou
encore les statistiques officielles du chômage et la réalité de la population
au travail, les statistiques officielles du tourisme et la réalité de
l’économie touristique, les statistiques de la délinquance et la réalité de
la violence vécue au quotidien, la thèse officielle du réchauffement
climatique et la réalité du changement climatique…etc.
Voilà pourquoi on résout rarement un problème économique
en créant une loi pour interdire l’expression de ses effets.
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