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L’Offshoreleaks, comme on l’appelle maintenant
en référence au Wikileaks, n’en est qu’à ses débuts
pour ceux qui s’inquiéteraient de son rendement et de la moisson limitée de
révélations publiées, et ses rebondissements ne font que commencer. Le
travail de décryptage de l’invraisemblable quantité de données est
gigantesque, et encore plus leur analyse. Et les deux entreprises dont les
données proviennent avaient pour l’essentiel leur clientèle en Asie et dans
les territoires de l’ancienne URSS, ce qui explique que peu de noms européens
apparaissent.
Les réactions ne se sont pas fait attendre, donnant la mesure de
l’évènement. Celle de l’OCDE, qui marche sur des œufs pour avoir mis
l’éteignoir sur le dossier et qui prétend aujourd’hui qu’il y a « une
base légale pour mener des enquêtes » (sous-entendant grâce à elle),
alors que leurs moyens n’ont jamais été le principal problème.
« L’information est maintenant publique » reconnait dans une
interview à l’AFP Pascal Saint-Amans, sans y être pour quelque chose, qui
croit pouvoir ajouter « cela ne peut pas faire de mal ». Il ne
manquerait plus qu’il dise le contraire !
Le prochain sommet du G8, qui aura lieu les 17 et 18 juin prochains et
sera précédé d’une réunion des ministres des finances avait inscrit à son
ordre du jour la lutte contre l’évasion fiscale. Cela tombe bien, à la petite
réserve près que ce sommet sera présidé par David Cameron, premier ministre
du plus important des paradis fiscaux. Olivier Bailly, le porte-parole de la
Commission a eu des mots déterminés en faisant état de sa « position
très ferme sur la fraude fiscale en général », évaluant à 1.000
milliards d’euros l’évasion fiscale annuelle. Mais il a détruit son effet en
éludant une question sur le Luxembourg. Car il faut quand même se rappeler
que si Jérôme Cahuzac était ministre du budget, le
chef de file de l’Eurogroup était le premier
ministre luxembourgeois ! Il y a donc du chemin à faire.
Que faut-il attendre de ces organisations et ces instances, vu leurs
déclarations tonitruantes précédentes restées lettre morte ? Peut-on croire
que les gouvernements européens, à la recherche de ressources fiscales, vont
enfin se décider à agir, sur ce dossier comme sur son petit frère de l’optimisation
fiscale ? Déjà, la droite française propose une amnistie fiscale sur le
modèle de celle de Berlusconi en Italie, assortie pour les fonds rapatriés
d’une taxation à hauteur de 5% (un cadeau), qui serait annulée en cas
d’investissement dans la création ou la reprise d’entreprises françaises…
Selon certaines estimations, l’évasion fiscale se chiffrerait à 40 milliards
d’euros par an, ce qui rapporterait au maximum deux milliards. Non, tous les
mécanismes sont parfaitement connus, il suffit de les démonter.
Ce qui est nouveau, ce n’est pas la révélation de l’ampleur de la finance
de l’ombre (le Guardian annonce que 177.000 entreprises britanniques auraient
comme siège un centre offshore, notamment dans l’Ile de Man et les îles
Vierges britanniques, où cela fait beaucoup au mètre carré), ni les noms de
personnalités connues qui ont émergé ou vont le faire, ce sont les nouvelles
vocations qui s’affirment.
Tout le travail qui a été réalisé est en effet le fruit de la
collaboration en réseau de journalistes d’investigation qui généralement
travaillent en solitaire, donnant une idée de la puissance d’une telle
pratique. L’initiative du groupe de travail de l’Assemblée sur l’exil fiscal
vient de suivre, rendant publique l’existence d’un rapport émanant d’un
« collectif d’officiers du renseignement intérieur » critiquant le
travail de la DCRI auquel ils appartiennent. Il en ressort, d’après « La
Croix » qui en a pris connaissance, que la fraude fiscale est surveillée
de très près mais ne fait pas l’objet de signalement aux autorités
judiciaires.
Si les uns après les autres les bouches et les dossiers s’ouvrent…
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VIENT DE PARAITRE : « LA
CRISE N’EST PAS UNE FATALITÉ » – 280 pages, 13 €.
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