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Jusqu’à présent, je croyais que François
Fillon, l’ancien premier ministre de Nicolas Sarkozy, était un
des nombreux rejetons de Charles de Gaulle. C’est bien comme admirateur
du Général que François Fillon s’est engagé
en politique. D’ailleurs, le 18 juin dernier, lors d’une
conférence à Londres, il a réaffirmé que son
modèle était le général de Gaulle.
Mais, il a été aussi le fils de Joël Le Theule, à qui il a succédé comme
conseiller général du canton de Sablé-sur-Sarthe, puis
comme député, en 1981, après avoir été son
assistant parlementaire.
Nous avons également connu François Fillon fils de
Philippe Séguin, partisan du gaullisme social, qu’il a suivi
dans ses nombreux combats.
A-t-il été le fils de
Nicolas Sarkozy ? Il le conteste fortement aujourd’hui. Mais nul
ne peut nier qu’il l’a accompagné fidèlement,
durant ses cinq ans à l’Elysée, comme premier ministre.
Sans se déclarer fils de Margaret Thatcher, François
Fillon était pourtant à Londres, le 18 juin dernier, pour participer
à la Margaret
Thatcher Conference on Liberty,
organisée par le Centre for Policy Studies.
À cette occasion, l’ancien premier ministre
français a affirmé qu’il y a un « tel rejet de
l’immobilisme politique, de l’excès de contraintes, de
l’excès de réglementations, de l’excès
d’impôts surtout, que le peuple français est en train de
devenir libéral, de réclamer la liberté ».
François Fillon s’est affirmé à bien des égards
« libéral » lors de cette conférence en
réclamant de « mettre la liberté au cœur du
débat idéologique français » et notamment la
« liberté de travailler ».
C’est ainsi qu’il s’est déclaré pour
« un code du travail réduit à sa plus simple expression,
c’est-à-dire aux dispositions d’ordre public
social », le reste étant renvoyé à la
négociation d’entreprise. Il a prôné
« la fin définitive des 35 heures avec la suppression de la
durée légale du travail et le renvoi à la
négociation d’entreprise ». Il a également
soutenu « le passage aux 39 heures dans la Fonction publique pour
permettre la réduction des effectifs, la réforme de la Fonction
publique, et pour redonner de l’espoir à des hommes et des
femmes à qui on promet aujourd’hui 10, 15 ou 20 ans de gel de
leur salaire ».
Dans une interview à Contrepoints,
François Fillon persiste et signe en défendant « une
réforme radicale du système social et en particulier de
l’indemnisation du chômage, une réforme radicale de la
formation professionnelle et l’enclenchement des baisses de
dépenses et en particulier des baisses d’effectifs avec les
réformes structurelles qui vont avec, c’est-à-dire que
l’on supprime des échelons administratifs, on privatise un
certain nombre de fonctions ».
Quant à la méthode, elle est claire pour François
Fillon : « la seule solution pour faire redémarrer le
pays, c’est un choc : se focaliser sur les dix réformes
économiques et fiscales les plus importantes, en trois mois, de
façon assez brutale, en utilisant tous les moyens que permettent les
institutions politiques françaises (et il y en a) pour aller vite. Et
ensuite, on se tient à la mise en œuvre de ces mesures ».
Le député Éric Ciotti,
un des bras droits de François Fillon, déclare que
Margaret Thatcher est « une bonne référence ».
Il ajoute que « notre pays n’a pas connu, au cours des
trente dernières années, son Ronald Reagan, sa Margaret
Thatcher, son Gerhard Schröder ! On en paye aujourd’hui le prix
fort ».
Tout cela ne peut que nous réjouir. Pour autant, ne soyons pas
naïfs. Permettez-moi de vous livrer quelques-uns des propos qu’un
homme politique de premier plan tenait il y a trente ans :
« Je me demande […] si, dans la
France d’aujourd’hui, nous ne pourrions pas avancer, au sujet du
libéralisme, ce que l’on disait naguère au sujet du
gaullisme : ‘Tout le monde a été, est, ou sera
gaulliste.’ Il suffirait alors de dire : ‘Tout le monde a
été, est, ou sera libéral’, à condition de
bien savoir qu’il s’agit de la signification française de
ce terme, et non de son sens américain.
[…] Je crois que l’homme politique
peut énoncer quelques propositions simples, sans doute sommaires, mais
qui ont l’avantage d’être claires. En premier lieu, il doit
prendre conscience que la place de l’État dans la
société française, et pas seulement dans
l’économie, est tout à fait excessive. Il faut donc la
ramener à de plus justes proportions. La place du marché,
ensuite, comme régulateur de la vie économique et de la
concurrence a été très insuffisamment respectée.
Il faut donc la rétablir. Enfin, la place du profit, comme
régulateur de la vie de l’entreprise privée, n’a
pas été assez reconnue. Il faut donc la restaurer.
[…] Dans notre pays, nourri de ce dirigisme
dont l’ancêtre lointain est peut-être le colbertisme, le
libéralisme a parfois été l’exception, tandis que
l’interventionnisme a généralement été la
règle.
[…] Car c’est dans ce marché,
où certains veulent voir sinon le diable du moins une entité
mystérieuse et maléfique, que se réalise la
volonté du plus grand nombre inspiré par des réactions
de simple bon sens. La plupart des hommes qui constituent le marché
veulent travailler à condition d’être justement
récompensés. Ils acceptent de travailler davantage, de prendre
des risques pour produire ou créer, mais à condition
qu’on ne leur prenne pas les fruits de cet effort. Enfin, ils veulent
bien épargner mais à condition que ce renoncement à la
consommation immédiate ne soit pas, tôt ou tard,
confisqué par le fisc. De même, s’ils vendent ou
achètent, ils souhaitent que ce soit au plus juste prix,
c’est-à-dire celui du marché. Ce bon sens, aussi ancien
que le moment où les hommes ont commencé à produire,
s’est trouvé codifié, identifié et justifié
de façon rationnelle. C’est là son immense mérite.
[…] L’État est devenu une
sorte de Gargantua dont l’appétit ne cesse de croitre au fur et
à mesure qu’il dévore. Les conséquences sont
graves car, à ce stade là, cela fait
d’ores et déjà plus d’un Français sur trois
– si l’on compte une population active de 21 millions – qui
travaille pour l’État. Ainsi s’accentue davantage la
rupture entre deux France, celle qui produit, s’expose au chômage
et aux risques professionnels, et la France de la fonction publique, aux
missions infinies. Que devient, dans ce domaine, la justice sociale ?
Quatre démarches, nationalisations, réglementation,
syndicalisation et fonctionnarisation pèsent ainsi sur la croissance
économique et le niveau de vie des Français. […]
Le libéralisme économique,
après une période d’éclipse, vient
d’opérer un retour en force dans les économies
industrialisées. Nous observons aujourd’hui ce qui se passe aux
États-Unis de Ronald Reagan, dans le Royaume-Uni de Margaret Thatcher
ou dans l’Allemagne d’Helmut Kohl. On voit le libéralisme triompher
et, d’ailleurs, réussir. Sauf en France. […]
Au total, le libéralisme, cela a
l’air de marcher… […] En paraphrasant un humoriste anglais
qui affirmait que le seul problème du christianisme était de
n’avoir jamais vraiment été essayé, je dirais que
le problème majeur du libéralisme en France est de
n’avoir jamais été vraiment mis en œuvre.
À nous de prouver que le
libéralisme ça marche aussi en France ».
Ces propos sont ceux de Jacques Chirac, le 26 janvier 1984, à
un dîner-débat organisé par l’Aleps. On sait ce
qu’il advint ensuite.
Reste à espérer que François Fillon ne soit pas
une engeance de Jacques Chirac.
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