Rien de tel qu’un bon match de foot international pour ruiner un peu plus la réputation de la France à l’étranger : alors que le Stade de France accueillait samedi soir la finale de la Ligue des champions opposant Liverpool au Real Madrid, tout s’est déroulé à peu près comme on pouvait l’imaginer compte-tenu du contexte, c’est-à-dire très mal.
Nous sommes en France et un événement sportif majeur ne peut se dérouler sans les inévitables débordements et les petits-à-côtés qui, sans eux, feraient oublier cette ambiance si particulière de la région parisienne qui donnent au pays sa réputation mondiale.
Sans surprise, la rencontre footballistique s’était d’emblée placée sous les meilleurs auspices puisque la RATP avait lancé un mouvement social perturbant notoirement la circulation des lignes A et B du RER, et ce alors que nombreux supporters britanniques et espagnols tentaient de rejoindre le Stade de France.
Toujours sans surprise, ces masses de supporters ont été assez mal gérées aux abords du stade et ont mis parfois plusieurs heures à passer les systèmes de sécurité apparemment mal taillés pour une rencontre qui attendait autour de 70.000 personnes.
Encore sans surprise, l’événement a naturellement attiré à lui toute la faune locale la plus festive qui s’est empressée d’ajouter son grain de sel créatif et espiègle à l’ambiance déjà survoltée. Les journalistes sur place, notamment étrangers, n’ont pas manqué de noter l’intéressante intervention de ces groupes de jeunes que la presse française s’est empressée de qualifier de « riverains » et qui ont apparemment organisé des séances de délestage amical des supporters venus là.
La surprise n’a toujours pas été totale lorsque ces mêmes « riverains » se sont introduits de force et par douzaines dans le stade, générant mouvements de foules et un léger agacement de la part des supporters et des familles venues assister au match dans des conditions à l’optimalité bousculée. Cette surprise n’a pas été plus présente lorsqu’enfin, une fois les esprits échauffés par ces débordements, les forces de police ont chargé, finement cornaquées par une préfecture connue et reconnue pour sa maîtrise des manifestations depuis les cinq dernières années.
Et c’est donc toujours sans la moindre surprise qu’on peut déclarer un véritable succès total sur les plans sportif, événementiel, sécuritaire et politique.
Grâce au professionnalisme et à l’organisation taillée au cordeau de nos élites parisiennes, grâce à l’ambiance si spéciale qui règne à présent en banlieue parisienne avec ou sans match de foot, grâce au commandement précis des forces de l’ordre par une préfecture à la pointe de l’événement, la France vient une fois encore et de façon éclatante de démontrer toute sa maîtrise.
Elle offre d’ailleurs ainsi une excellente idée de ce que donneront dans deux ans les Jeux Olympiques, s’ils ont bien lieu, qui seront organisés par les mêmes équipes, au même endroit : la recette semble prometteuse qui alliera des infrastructures au taquet avec une population locale acquise et préparée à l’événement, gourmande des opportunités qu’offriront des millions de touristes venus pour profiter des idées géniales de la Mairie et de la Préfecture de police de Paris.
Au passage, on appréciera à sa juste valeur les explications fournies par les autorités responsables.
Pour elles et le Darmanain en tête, les soucis auraient été provoqués par des supporters britanniques venus en masse pour soutenir Liverpool, et ce même si les images peinent à illustrer ces masses de hooligans roux et imbibés de bière tiède aux abords du stade, au contraire de nombreux autochtones Dionysiens effervescents agglutinés aux grilles et développant leurs capacités d’escalade créative.
Ces explications farfelues, ces pieux mensonges et cette vision particulièrement romancée de ce qui s’est passé sur place n’ont rien d’anodin.
Ils participent clairement de la déliquescence de l’État français qui devient ainsi chaque jour plus visible, et de l’absence de toute volonté de vraiment corriger le problème : comme ces colonnes le mentionnaient dans un précédent billet, il n’y a plus en France aucun courage pour affronter la réalité, et mettre fin aux situations catastrophiques qui se renouvellent donc avec une insistance croissante.
C’est fondamentalement le même discours, le même déni de la réalité, le même refus de poser les bons diagnostics qu’on retrouve derrière l’absence de tout courage pour traiter d’autres problèmes, depuis les tirs de mortiers dans les quartiers émotifs, en passant par l’effondrement culturel et éducatif des jeunes générations actuelles, jusqu’aux rodéos sauvages répétitifs.
Il n’est qu’à voir les récentes saillies d’égarées boboïdes concernant ces dernières pratiques pour comprendre l’ampleur du problème.
Même lorsque des enfants ou des adultes sont renversés, blessés ou tués lors de ces pratiques dangereuses et interdites, il est d’abord question d’en minimiser les dangers en les comparant avec le skateboard (ben tiens), d’excuser et de trouver un semblant de culture à cette Bike Life dont l’expression dans un cadre normé dans un espace adapté semble absolument impossible. Mieux encore : ce seraient les forces de l’ordre qui seraient responsables des accidents que ces rodéos provoquent assez régulièrement…
En pratique et exactement comme pour tout le reste, on a abandonné toute velléité de remettre réellement de l’ordre des ces pans de société française qui dérivent maintenant de plus en plus vite à l’écart du reste du pays. Il n’est pas plus question de renvoyer vigoureusement ces rodéos à leur marginalité qu’il ne serait question de remettre réellement l’enseignement des bases de français et de mathématique dans les classes de primaire, tout comme il n’est plus question de faire régner l’ordre et d’abaisser significativement la criminalité et les trafics de tous ordres dans ces quartiers émotifs. Le #PasDeVague est érigé en modèle indépassable, et on essaie simplement de faire passer chaque exaction, chaque dérive scandaleuse comme une occurrence rare et sans conséquence.
Le problème est qu’à présent, ces occurrences sont si nombreuses, si visibles, si répétitives et si graves que tout le monde se rend compte de l’imposture, y compris à l’étranger. Le manque de courage et de détermination dans les actes (et non dans les paroles, toujours bon marché) commence à se payer visiblement.
L’étape suivante sera atteinte lorsque les élites elles-mêmes ne pourront plus échapper aux conséquences de leur couardise. On s’en approche chaque jour.