In the same category

Démonstrations par l’absurde

IMG Auteur
 
Published : October 30th, 2010
1053 words - Reading time : 2 - 4 minutes
( 1 vote, 5/5 )
Print article
  Article Comments Comment this article Rating All Articles  
0
Send
0
comment
Our Newsletter...
Category : Editorials

 

 

 

 

Faut-il ou non s’engager dans une révision du traité de Lisbonne s’interroge-t-on à Bruxelles ? Présenté sous ce seul angle, il est difficile à ceux qui le préconisent de justifier de repartir dans une procédure, même allégée, qui a tout de même duré dix ans pour être bouclée… C’est pourquoi Angela Merkel, tout en restant ferme sur le principe, s’efforce de présenter sous un jour plus avenant sa proposition, en parlant de « deux phrases » à changer, et en suggérant des modalités d’amendement qui ne passeraient pas par des référendums populaires, hautement hasardeux dans certains pays alors que l’unanimité est requise.


L’actualité de ces deux jours est dominée par la réunion des chefs d’Etats et de gouvernements et par ce thème qui les oppose, reléguant au second plan une nouvelle qui éclaire pourtant leurs discussions. La Grèce s’enfonce et prend un mauvais chemin. Le coût de l’assurance contre son défaut de remboursement de sa dette – le taux des fameux CDS – grimpe sur le marché tandis qu’il apparaît que les objectifs de réduction du déficit grec ne seront pas tenus : les recettes fiscales diminuent, la croissance n’étant pas au niveau attendu, alors que le trou de la dette est plus profond que prévu. L’écart croît en conséquence, au lieu de diminuer.


Avec la Grèce, l’Irlande et le Portugal sont également entrés dans la zone des tempêtes. La date limite fatidique du vote du budget portugais approche sans qu’une majorité soit réunie à la chambre des députés pour l’adopter, les deux principaux partis ne parvenant pas à se mettre d’accord. La contribution de ce plan au rétablissement des finances portugaises n’étant pas par ailleurs d’une grande crédibilité. En Irlande, l’addition a encore augmenté. Bientôt posée sur la table, son règlement pose problème. Une chose en amenant une autre, les taux obligataires grecs et portugais, qui s’étaient détendus un peu, viennent de se tendre à nouveau.


Jean-Claude Trichet, tout en constatant une demande moins forte des banques aux guichets de la BCE – exprimant une amélioration sur le marché interbancaire – n’en a pas moins exprimé clairement sa prudence quant à la suite. Il n’ignore pas que les banques des pays de la zone des tempêtes sont sous perfusion et qu’il n’est pas possible de les débrancher. Les Grecs tentent une restructuration des leurs dans l’espoir d’en solidifier l’édifice, un remède qui permet de temporiser mais qui sera aussi illusoire que ne l’a été – ou le sera – la consolidation des caisses d’épargne espagnoles ou des Landesbanken allemandes.


Sous différentes variantes, un même scénario est en train d’être joué. Soumis à des obligations de réduction précipitée de leurs déficits et de leur endettement, une première vague de pays n’y parvient pas et n’a comme seule perspective que de s’enfoncer dans la récession. Plutôt que de devoir à nouveau improviser pour leur éviter un défaut sur leur dette dans l’urgence, il devient indispensable de mettre au point, pendant qu’il est encore temps, un nouveau « mécanisme de gestion de crise » permettant de maîtriser le défaut quand il interviendra.


Le fonds de stabilité financière européen (EFSF) n’est pas armé pour le faire, impliquant que les Etats se rendent sur les marchés pour prêter ensuite les fonds recueillis, à un taux plus favorable mais qui dans les faits sera encore trop élevé. Il ne dispose par ailleurs d’aucun moyen de faire face et de colmater les brèches, en cas de restructuration de la dette d’un pays déstabilisant par ricochet le système bancaire.


En vérité, il ne semble pas y avoir à ce propos de plan allemand très élaboré, et le problème reste entier de savoir comment procéder si son principe devait être finalement adopté. Or il y a urgence si l’on en croit les nouvelles en provenance des marchés, l’année 2013 – fixée comme échéance pour la révision du traité de Lisbonne – étant bien loin. Les gouvernements européens sont à nouveau en retard sur l’événement. Les sanctions politiques – suspension du droit de vote des Etats en dehors des clous – allant être écartées, le sommet va réaffirmer des sanctions économiques en cas de manquement à la discipline budgétaire et chercher à éviter les procédures référendaires pour avancer sur la question du filet de sécurité financier. Une procédure simplifiée prévue au traité leur tend les bras à ce propos.


Les marchés sont dans l’immédiat surtout suspendus à la décision de la Fed, la Bank of Japan ayant même décidé d’avancer sa réunion régulière au lendemain de celle de la banque centrale étasunienne, les 2 et 3 novembre prochains. Afin de pouvoir réagir sans tarder.


Les rumeurs se sont ces derniers jours propagées, selon lesquelles la Fed ne va pas brusquer le mouvement, soumise à des impératifs contradictoires, et qu’elle ne va engager qu’un programme progressif et par étapes d’achats de bons du Trésor américain. Mais l’attente reste néanmoins pesante. Les marchés monétaires cesseront-ils leur travail destructeur dans les pays émergents ? Cela semble peu probable. Tout juste les Américains pourront-ils se prévaloir de leur bonne volonté…


Le pilotage est de plus en plus à vue, alors que la visibilité continue de se réduire. Le pire étant que les commandes agissent dans le vide, inadaptées à des conditions de crise pour lesquelles elles n’ont pas été prévues et dans lesquelles elles sont inopérantes.


Prenant des directions symétriquement opposées, les Américains et les Européens réalisent simultanément une double expérience. Les uns fondent leurs espoirs dans la planche à billet, les autres dans la réduction des déficits publics. Mais ils vont faire la même démonstration : même par l’absurde, cela ne fonctionne pas.


Billet invité : François Leclerc

 


Paul Jorion

pauljorion.com



(*) Un « article presslib’ » est libre de reproduction en tout ou en partie à condition que le présent alinéa soit reproduit à sa suite. Paul Jorion est un « journaliste presslib’ » qui vit exclusivement de ses droits d’auteurs et de vos contributions. Il pourra continuer d’écrire comme il le fait aujourd’hui tant que vous l’y aiderez. Votre soutien peut s’exprimer ici.



Paul Jorion, sociologue et anthropologue, a travaillé durant les dix dernières années dans le milieu bancaire américain en tant que spécialiste de la formation des prix. Il a publié récemment L’implosion. La finance contre l’économie (Fayard : 2008 )et Vers la crise du capitalisme américain ? (La Découverte : 2007).


 

 

<< Previous article
Rate : Average note :5 (1 vote)
>> Next article
Paul Jorion, sociologue et anthropologue, a travaillé durant les dix dernières années dans le milieu bancaire américain en tant que spécialiste de la formation des prix. Il a publié récemment L’implosion. La finance contre l’économie (Fayard : 2008 )et Vers la crise du capitalisme américain ? (La Découverte : 2007).
Comments closed
Latest comment posted for this article
Be the first to comment
Add your comment
Top articles
World PM Newsflow
ALL
GOLD
SILVER
PGM & DIAMONDS
OIL & GAS
OTHER METALS
Take advantage of rising gold stocks
  • Subscribe to our weekly mining market briefing.
  • Receive our research reports on junior mining companies
    with the strongest potential
  • Free service, your email is safe
  • Limited offer, register now !
Go to website.