Le débat doit être tranché :
il faut choisir entre austérité et croissance. Ce sera
nécessairement soit l’un, soit l’autre, ces deux notions
s’excluant mutuellement. C’est en tout cas ce que les
médias ressassent à longueur de journée. Evidemment,
comme nous le verrons plus tard, poser la problématique sous ces
termes biaise le débat.
Cela correspond d’ailleurs à une
manipulation de rhétorique assez grossière, identifiée
par Arthur Schopenhauer dans son livre L'art
d'avoir toujours raison sous la dénomination de ‘fausse
alternative’. Il s’agit de donner le choix entre deux options A
et B, suggérant par là même que l’univers des
possibles se réduit à ces deux choix et qu’ils
s’excluent l’un l’autre. Si nous ne sommes pas pour B,
alors nous sommes nécessairement pour A. Ou alors vous êtes pour
A, donc vous êtes contre B. Et pour mieux emmener son interlocuteur
où l’on veut, une des deux propositions doit être
communément admise. Dans le cas présent, nous ne pouvons
être que pour la croissance, donc nous devons rejeter
l’austérité. CQFD.
D’ailleurs, les médias ne cessent de
le rappeler : l’austérité a déjà
été testée et est responsable de la situation
économique actuelle. Et qui plus est, elle vient d’être
rejetée en bloc par les électeurs grecs et français. On
aboutit ainsi à cette conclusion absurde que pour sortir de cette
crise de la dette, il faut… plus de dettes !
Selon wiktionnaire,
l’austérité est une « politique visant à réduire la dépense publique ».
Regardons donc l’évolution des dépenses publiques sur les
5 dernières années connues :
On voit que la zone euro est loin d’avoir
subi une cure d’austérité massive puisque l’on
observe juste un léger reflux en 2010 et 2011, après une nette augmentation
entre 2006 et 2009. On ne constate des baisses qu’en Espagne et surtout
en Grèce. Sinon, les dépenses publiques restent à chaque
fois au-dessus du niveau d’avant crise. La France a de son
côté augmenté de manière
‘remarquablement’ régulière ses dépenses
publiques. Celles-ci sont passées de 952,6 à 1 118,5
milliards d’euros entre 2006 et 2011, soit une progression de 165,9
milliards d’euros.
Pour compléter voici ci-dessous les
évolutions non plus en euros courants mais en pourcentage du
PIB :
On le voit clairement, les dépenses
publiques ont significativement augmenté jusqu’à 2009
avant de redescendre en 2010 et 2011, sans retrouver leurs niveaux de 2006.A
noter que la décrue la plus faible entre 2009 et 2011 a eu lieu en
France, là où précisément les dépenses
publiques étaient pourtant les plus élevées.
Les français ne sont toutefois pas aussi
réticents à l’austérité que l’on veut
bien le croire. En effet, un récent sondage montrait que pas moins de 60%
d’entre eux plébiscite cette solution pour relancer la
croissance. De nombreuses études (par exemple ici
et là)
ont d’ailleurs montré que pour ramener un budget à
l’équilibre il convenait de privilégier les baisses de
dépenses plutôt que les hausses d’impôts. Cette
deuxième étude, menée par l’American Enterprise
Institute, détermine même une configuration optimale : 85%
de baisse des dépenses et 15% de hausse des impôts.
Mais l’austérité
entraînerait-t-elle une baisse du niveau de vie ? Réduire
les déficits affecte nécessairement le train de vie : on
vit toujours mieux à crédit qu’à budget
équilibré ! Mais chacun comprend que cela n’est pas
un mode de vie soutenable (même pour un État), que la fuite en
avant ne peut durer éternellement et que la réalité finit
toujours par nous rattraper. Quand au niveau absolu
des dépenses publiques, il est neutre pour le pouvoir d’achat global des citoyens d’un
État. En effet, comme l’avait justement noté
l’économiste français Frédéric Bastiat,
« l'État ne peut
rien donner aux citoyens qu'il n'ait commencé par le leur
prendre ».
L’augmentation des dépenses
publiques, qui a creusé les déficits, est défendue par
la théorie keynésienne comme un remède censé
pallier à une baisse de l’activité économique.
Pour analyser l’efficacité de cette relance keynésienne,
on étudie donc la corrélation entre la croissance et
l’évolution de la dépense publique :
Alors que l’on aurait pu s’attendre
à court terme à une augmentation (certes payée à
crédit) de l’activité économique plus importante dans
les pays ayant procédé à une relance keynésienne,
les résultats empiriques font au contraire apparaître une
corrélation négative de -20% entre les deux variables. L’augmentation
des dépenses publiques pour relancer la croissance n’est donc en
général même pas efficace à court terme, elle est
contre-productive.
|