Lorsqu’on parle de la demande d’or, on se focalise souvent sur les
grands marchés que sont la Chine et l’Inde. Mais d’autres pays affichent une
solide demande. C’est notamment le cas en Allemagne, où l’appétit pour le
métal jaune s’est fortement développé depuis la crise de 2008 pour désormais
s’ériger en tant que l’un des marchés principaux du monde en ce qui concerne
la vente de métal physique aux particuliers. C’est ce qu’indique cette étude
du World Gold Council :
« Le marché de l’or d’investissement en Allemagne s’est fortement
développé durant ces 10 dernières années. Dans le contexte des crises
financières que nous avons connues et de politiques monétaires accommodantes,
les investisseurs allemands se sont tournés vers l’or pour protéger leur
patrimoine. En réponse à cette tendance, de nouveaux fournisseurs sont entrés
sur ce marché, afin d’offrir plus d’alternatives aux investisseurs. L’année
dernière, plus de 6 milliards d’euros ont été alloués à l’achat de pièces et
de lingots d’or en Allemagne. Mieux encore, il y a encore de la place pour de
la croissance : les sondages de consommateurs montrent qu’il y a une demande
latente que le secteur peut exploiter.
Le secteur allemand de l’or d’investissement a connu une transformation
radicale durant ces 10 dernières années. Avant 2008, ce marché était
confidentiel. La demande pour les pièces et les lingots d’or stagnaient à de
bas niveaux : entre 1995 et 2007, elle s’est élevée à seulement 17
tonnes par an, tandis que durant certaines années il y a eu même davantage de
vendeurs que d’acheteurs. Au début des années 2000, certaines banques sont
sorties du marché des métaux précieux physiques. Le marché des ETC n’avait
pas non plus de quoi fanfaronner : avant 2007, un tel produit
d’investissement n’existait pas en Allemagne.
À partir de 2009, le marché de l’or d’investissement allemand est devenu
l’un des plus importants du monde. La demande pour les pièces et les lingots
d’or a quadruplé entre 2007 et 2009, passant de 36 à 134 tonnes. Le marché
ETC a également enregistré une croissance impressionnante. Les actifs sous
gestion sont passés de 0 à 2007 à environ 36 tonnes 2 années plus tard.
Durant les années suivantes, de nouveaux produits ont fait leur apparition
sur ce marché.
Depuis, le marché de l’or d’investissement allemand est florissant. En
2016, 6,8 milliards d’euros y ont été investis. L’Allemagne s’est désormais
érigée en tant que marché de plus de 100 tonnes par an. (…)
Un tel changement de tendance pose 2 questions : pourquoi ce marché
s’est-il développé ainsi, et quid de l’avenir ?
La crise financière de 2008 a mis l’or sous le feu des projecteurs des
investisseurs allemands. Alors que la planète entière se faisait du souci
pour Lehman Brothers, les investisseurs allemands se mirent à s’inquiéter de
l’état de leur propre système bancaire. Landesbanks, ancien partenaire stable
des entreprises allemandes, semblait dans une situation précaire. Les gens
ont commencé à se faire du souci pour leur épargne. Afin d’empêcher des
retraits massifs et un effondrement du système bancaire, le 5 octobre 2008 le
gouvernement a garanti tous les comptes bancaires privés. Mais ce n’était
qu’un souci faisant partie d’un problème plus global : à travers
l’Europe, les banques étaient renflouées avec l’argent des contribuables.
Ces opérations de sauvetage furent tel un sparadrap appliqué sur une
blessure profonde. Tandis que les banques étaient sauvées, les pays qui
avaient volé à leur rescousse étaient en difficulté. La crise européenne de
la dette souveraine a mis en exergue le fait que les obligations
gouvernementales, censées être complètement sûres, ne l’étaient pas. Dans
certains cas, les investisseurs ont dû encaisser des pertes. Les entités
supranationales que sont la BCE, la Commission européenne et le FMI ont formé
la Troïka afin de sauver la Grèce, l’Irlande, le Portugal, l’Espagne et
Chypre. Depuis, ces pays ont souffert durant des années d’austérité en
tentant de rééquilibrer leur économie.
En réponse, les politiques monétaires européennes devinrent plus
accommodantes. En 2012, alors que le projet européen et sa monnaie étaient
sous pression, Mario Draghi fit le serment de faire « tout ce qui serait
nécessaire pour sauver l’euro ». Faisant face à une inflation basse et
une croissance économique anémique, la BCE lança un programme
d’assouplissement quantitatif agressif tout en poussant son taux sur les
dépôts en territoire négatif. Certaines banques commencèrent à appliquer des
taux négatifs à leurs clients.
Cette baisse du taux sur les dépôts à la BCE affecta les marchés
financiers. Le rendement des bunds allemands ne cessa de baisser. Depuis
2015, les obligations allemandes sur 2 et 5 ans affichent un rendement
négatif. Durant la même période, le DAX a atteint des niveaux records.
Les investisseurs allemands connaissent bien les effets d’érosion de la
richesse découlant de l’instabilité financière. L’épisode d’hyperinflation
des années 20 reste bien présent dans la mémoire collective. Mais, de façon
peut-être encore plus importante, les Allemands ont vu les devises papier
naître et mourir. Durant les 100 dernières années, l’Allemagne a connu pas
moins de 8 devises différentes. Il n’est donc pas vraiment étonnant que les
Allemands aient décidé de se tourner vers l’or afin de protéger leur richesse
dans un tel contexte économique
Depuis ces dernières années, il est désormais plus facile pour les
particuliers d’investir dans l’or. Les banques proposaient de longue date
leurs services sur le marché, en tant que vendeurs en gros et au détail. Mais
le marché a évolué. Alors que certaines banques ont cessé leurs activités
dans la vente d’or au début des années 2000, des entrepreneurs ont pris la
relève. (…)
On estime qu’il y a de 100 à 150 marchands d’or non-bancaires à l’échelle
nationale. Le cas le plus emblématique est peut-être celui de Degussa. Ce nom
est depuis longtemps associé au marché de l’or en Allemagne. En 2012, un
nouvel élan fut imprimé à la marque à travers une série de campagnes de
marketing importantes, qui ont fait sa propre promotion mais aussi de l’or en
général.