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Des ambitions sans moyens

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Published : December 21st, 2011
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Category : Editorials

 

 

 

 

“L’Union européenne apprécierait que les membres du G20, ainsi que d’autres pays membres du Fonds monétaire international financièrement solides, soutiennent les efforts visant à préserver la stabilité financière mondiale en contribuant à augmenter les ressources du FMI”, a déclaré hier soir Jean-Claude Juncker, le chef de file de l’Eurogroupe.


C’est par cet appel peu glorieux que la dernière réunion des ministres des finances s’est conclue, après enregistrement de promesses de prêts bilatéraux au FMI pour un montant de 150 milliards d’euros. Les Britanniques ont refusé leur écot et l’objectif de 200 milliards n’a pas été atteint : “Le Royaume-Uni a toujours été prêt à envisager des ressources supplémentaires pour le FMI, mais pour sa mission mondiale”.


Les discussions concernant le MES (Mécanisme Européen de Stabilité) n’ont quant à elles pas encore abouti : elles portaient sur le calendrier d’appel de son capital de 80 milliards d’euros, ainsi que sur le projet de son augmentation, avant d’aller ensuite sur les marchés pour emprunter et disposer de 500 milliards d’euros. On revient sur cette inconnue : le MES est un FESF mieux capitalisé mais pourvu des mêmes défauts de construction. L’appel du capital est prévu échelonné en cinq fois, mais les deux premiers versements pourraient être regroupés, afin de rendre le dispositif plus crédible. Toutes ces mesures sont à l’image des difficultés que les États européens rencontrent quand il s’agit de refinancer la dette des pays en difficulté, devant pour ce faire emprunter alors qu’ils doivent réduire leurs déficits, et que les soutiens extérieurs à la zone euro qu’ils appellent font défaut ou sont minimes. La Russie a annoncé pouvoir aller jusqu’à 5 milliards de dollars.


Une fois de plus, le compte n’y est pas si l’on prend en considération les besoins de financement italiens et espagnols, additionnés à la poursuite des programmes déjà décidés. La crédibilité de l’ensemble des décisions du dernier sommet est en cause par voie de conséquence. Devant le Parlement européen, Mario Draghi, le président de la BCE, a élargi le sujet et mis en évidence les tensions “sans précédent” qui parcourent le marché obligataire en donnant les chiffres tous besoins confondus pour le seul premier trimestre 2012. Ceux des États seront de 250 à 300 milliards d’euros et les banques auront besoin de 230 milliards d’euros, sans compter 200 milliards d’euros d’obligations collétarisées qui viendront à échéance courant 2012. Mener de pair l’ensemble de ces refinancements dans le contexte actuel est une tâche problématique.


Une fois n’est pas coutume, cette situation a conduit la BCE a faire part de ses inquiétudes à propos du système bancaire, au risque de contribuer à affoler les marchés. Celle-ci estime dans son dernier rapport semestriel que “l’augmentation ces six derniers mois de la probabilité qu’une ou plusieurs banques de la zone euro fassent défaut a été plus rapide et plus forte que par le passé, cet indicateur de risque systémique atteignant des sommets jamais observés depuis le début de son calcul en 2007”. Il tourne autour actuellement autour de 25%, selon la BCE.


Vitor Constancio, le vice-président de la BCE, en a tiré comme conclusion que les risques pour la stabilité financière “se sont accrus de façon considérable au second semestre”, ainsi que la contagion entre crise de la dette, fragilité du secteur et faible croissance économique. Pour estimer ensuite que les financements illimités décidés par la BCE “éliminent toutes les excuses [invoquées] pour réduire le crédit”. Une enquête réalisée en France par l’Association française des trésoriers d’entreprise” (AFTE) – les grandes d’entre elles – a cependant abouti à la conclusion que “les recherches de financement sont jugées quasiment aussi difficiles qu’elles l’étaient à la fin de l’année 2008”, les marges bancaires ayant par ailleurs tendance à augmenter.


S’essayant dans son nouveau costume au langage elliptique qu’affectionnent les banquiers centraux, Mario Draghi a délivré son verdict au Financial Times : “L’important est de restaurer la confiance des gens – des citoyens comme des investisseurs – dans notre continent”. “La politique monétaire ne peut pas tout faire” a-t-il excipé, campant sur ses positions et renvoyant à la discipline budgétaire, ainsi qu’aux réformes structurelles habituelles; à la nécessité d’également disposer d’un pare-feu, en référence au FESF dont la BCE s’apprête à devenir le gestionnaire (mais pas le financier). Critique implicite de ce qui a été accompli, il a considéré dans son interview que l’on a mis la charrue avant les bœufs, et qu’il aurait fallu que le fonds soit opérationnel avant d’envisager la recapitalisation des banques. De même que pour la décote de la dette Grecque, qui aurait dû attendre.


Cette dernière question a été l’occasion d’exprimer une chose peu fréquente de la part d’un banquier: un cri du cœur. “C’était une idée épouvantable qui a un impact fort en terme de manque de confiance des investisseurs”, a déclaré dans le quotidien économique italien Il Sole 24 Ore Baudouin Prot, depuis peu président de la BNP. Ajoutant “Il est très désagréable que cet incident ne soit pas encore terminé et il est inacceptable” que certains essaient de faire monter cette prise en charge par les banques du déficit grec.


Pouvait-on attendre ? La Grèce va traverser « une période cruciale », a averti Pantélis Kapsis, le porte-parole du gouvernement. Tout est suspendu, dont le versement d’une nouvelle tranche d’aide de 89 milliards d’euros, aux progrès des négociations entre le gouvernement et l’Institute of International Finance (IIF) sur la décote de la dette grecque, sans lesquels le dernier plan ne tient pas debout. Des signaux apaisants sont lancés à son propos, mais peu de progrès sont enregistrés. Tandis que les dérapages budgétaires se poursuivent et que de nouvelles mesures d’austérité vont être exigées : le bateau est ivre.


L’Espagne est bien placée pour la rejoindre. Alors que le taux de chômage officiel approche 23%, un nouveau train de mesures de rigueur budgétaire est en passe d’y être adopté, dont l’ampleur dépendra de la réduction du déficit cette année. Si celui-ci est comme prévu de 6%, il sera de 16,5 milliards d’euros, mais s’il devait s’établir à 7%, 10 milliards d’euros de plus d’économies seraient à trouver dans le budget 2012, qui doit être adopté avant la fin mars. Il était de 9,3% du PIB en 2010. La “loi de stabilité budgétaire” devra être adoptée en janvier, qui complétera la “règle d’or” adoptée en septembre dernier, selon laquelle le déficit structurel ne pourra pas dépasser 0,4% du PIB à partir de 2020, et la dette 60%. Cette première phase est toujours la plus facile, c’est ensuite qu’il apparaît que le navire ne répond pas comme prévu aux commandes.


Mariano Rajoy, le chef du gouvernement, a également estimé indispensable de poursuivre l’assainissement du secteur bancaire, afin de “dissiper les doutes sur la valeur des actifs, surtout immobiliers, qui empêchent un accès adéquat au marché des entités financières et contaminent aussi la crédibilité de la dette publique”, tout en appelant à ce que la valorisation des immeubles et terrains en possession des banques soit “très prudente”… De l’art de dire une chose et son contraire.


Poursuivant son tour du monde avec escales, Christine Lagarde vient au nom du FMI avertir à nouveau que l’économie mondiale “se trouve à un tournant très dangereux”, tentant ainsi de récolter des fonds pour sauver l’Europe. En France, la ministre du budget, Valérie Pécresse, justifie le montage impliquant le FMI, car “seul le FMI a la compétence pour mettre en place des plans de redressement des finances publiques et contrôler ces plans de redressement”, à l’opposé de la BCE.


Ainsi va cahin-caha le monde, ce matin.




Billet rédigé par François Leclerc

 

 



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