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“L’Union
européenne apprécierait que les membres du G20, ainsi que
d’autres pays membres du Fonds monétaire international
financièrement solides, soutiennent les efforts visant à
préserver la stabilité financière mondiale en
contribuant à augmenter les ressources du FMI”, a
déclaré hier soir Jean-Claude Juncker, le chef de file de
l’Eurogroupe.
C’est
par cet appel peu glorieux que la dernière réunion des
ministres des finances s’est conclue, après enregistrement de
promesses de prêts bilatéraux au FMI pour un montant de 150
milliards d’euros. Les Britanniques ont refusé leur écot
et l’objectif de 200 milliards n’a pas été atteint
: “Le Royaume-Uni a toujours été prêt à
envisager des ressources supplémentaires pour le FMI, mais pour sa
mission mondiale”.
Les
discussions concernant le MES (Mécanisme Européen de
Stabilité) n’ont quant à elles pas encore abouti : elles
portaient sur le calendrier d’appel de son capital de 80 milliards
d’euros, ainsi que sur le projet de son augmentation, avant
d’aller ensuite sur les marchés pour emprunter et disposer de
500 milliards d’euros. On revient sur cette inconnue : le MES est un
FESF mieux capitalisé mais pourvu des mêmes défauts de
construction. L’appel du capital est prévu
échelonné en cinq fois, mais les deux premiers versements
pourraient être regroupés, afin de rendre le dispositif plus
crédible. Toutes ces mesures sont à l’image des
difficultés que les États européens rencontrent quand il
s’agit de refinancer la dette des pays en difficulté, devant
pour ce faire emprunter alors qu’ils doivent réduire leurs
déficits, et que les soutiens extérieurs à la zone euro
qu’ils appellent font défaut ou sont minimes. La Russie a
annoncé pouvoir aller jusqu’à 5 milliards de dollars.
Une
fois de plus, le compte n’y est pas si l’on prend en
considération les besoins de financement italiens et espagnols,
additionnés à la poursuite des programmes déjà
décidés. La crédibilité de l’ensemble des
décisions du dernier sommet est en cause par voie de
conséquence. Devant le Parlement européen, Mario Draghi, le président de la BCE, a élargi le
sujet et mis en évidence les tensions “sans
précédent” qui parcourent le marché obligataire en
donnant les chiffres tous besoins confondus pour le seul premier trimestre
2012. Ceux des États seront de 250 à 300 milliards
d’euros et les banques auront besoin de 230 milliards d’euros,
sans compter 200 milliards d’euros d’obligations collétarisées qui viendront à
échéance courant 2012. Mener de pair l’ensemble de ces
refinancements dans le contexte actuel est une tâche
problématique.
Une
fois n’est pas coutume, cette situation a conduit la BCE a faire part de ses inquiétudes à propos du
système bancaire, au risque de contribuer à affoler les
marchés. Celle-ci estime dans son dernier rapport semestriel que
“l’augmentation ces six derniers mois de la probabilité
qu’une ou plusieurs banques de la zone euro fassent défaut a
été plus rapide et plus forte que par le passé, cet
indicateur de risque systémique atteignant des sommets jamais
observés depuis le début de son calcul en 2007”. Il
tourne autour actuellement autour de 25%, selon la BCE.
Vitor Constancio,
le vice-président de la BCE, en a tiré comme conclusion que les
risques pour la stabilité financière “se sont accrus de
façon considérable au second semestre”, ainsi que la
contagion entre crise de la dette, fragilité du secteur et faible
croissance économique. Pour estimer ensuite que les financements
illimités décidés par la BCE “éliminent
toutes les excuses [invoquées] pour réduire le
crédit”. Une enquête réalisée en France par
l’Association française des trésoriers
d’entreprise” (AFTE) – les grandes d’entre elles
– a cependant abouti à la conclusion que “les recherches
de financement sont jugées quasiment aussi difficiles qu’elles
l’étaient à la fin de l’année 2008”,
les marges bancaires ayant par ailleurs tendance à augmenter.
S’essayant
dans son nouveau costume au langage elliptique qu’affectionnent les
banquiers centraux, Mario Draghi a
délivré son verdict au Financial Times :
“L’important est de restaurer la confiance des gens – des
citoyens comme des investisseurs – dans notre continent”.
“La politique monétaire ne peut pas tout faire” a-t-il
excipé, campant sur ses positions et renvoyant à la discipline
budgétaire, ainsi qu’aux réformes structurelles
habituelles; à la nécessité d’également
disposer d’un pare-feu, en référence au FESF dont
la BCE s’apprête à devenir le gestionnaire (mais pas le
financier). Critique implicite de ce qui a été accompli, il a
considéré dans son interview que l’on a mis la charrue
avant les bœufs, et qu’il aurait fallu que le fonds soit
opérationnel avant d’envisager la recapitalisation des banques.
De même que pour la décote de la dette Grecque, qui aurait
dû attendre.
Cette
dernière question a été l’occasion
d’exprimer une chose peu fréquente de la part d’un
banquier: un cri du cœur. “C’était une idée
épouvantable qui a un impact fort en terme de manque de confiance des
investisseurs”, a déclaré dans le quotidien
économique italien Il Sole 24 Ore Baudouin Prot,
depuis peu président de la BNP. Ajoutant “Il est très
désagréable que cet incident ne soit pas encore terminé
et il est inacceptable” que certains essaient de faire monter cette
prise en charge par les banques du déficit grec.
Pouvait-on
attendre ? La Grèce va traverser « une période cruciale
», a averti Pantélis Kapsis, le porte-parole du gouvernement. Tout est
suspendu, dont le versement d’une nouvelle tranche d’aide de 89
milliards d’euros, aux progrès des négociations entre le
gouvernement et l’Institute of International Finance (IIF) sur la
décote de la dette grecque, sans lesquels le dernier plan ne tient pas
debout. Des signaux apaisants sont lancés à son propos, mais
peu de progrès sont enregistrés. Tandis que les
dérapages budgétaires se poursuivent et que de nouvelles
mesures d’austérité vont être exigées : le
bateau est ivre.
L’Espagne
est bien placée pour la rejoindre. Alors que le taux de chômage
officiel approche 23%, un nouveau train de mesures de rigueur
budgétaire est en passe d’y être adopté, dont
l’ampleur dépendra de la réduction du déficit
cette année. Si celui-ci est comme prévu de 6%, il sera de 16,5
milliards d’euros, mais s’il devait s’établir
à 7%, 10 milliards d’euros de plus d’économies
seraient à trouver dans le budget 2012, qui doit être
adopté avant la fin mars. Il était de 9,3% du PIB en 2010. La
“loi de stabilité budgétaire” devra être
adoptée en janvier, qui complétera la “règle
d’or” adoptée en septembre dernier, selon laquelle le
déficit structurel ne pourra pas dépasser 0,4% du PIB à
partir de 2020, et la dette 60%. Cette première phase est toujours la
plus facile, c’est ensuite qu’il apparaît que le navire ne
répond pas comme prévu aux commandes.
Mariano
Rajoy, le chef du gouvernement, a également
estimé indispensable de poursuivre l’assainissement du secteur
bancaire, afin de “dissiper les doutes sur la valeur des actifs,
surtout immobiliers, qui empêchent un accès adéquat au
marché des entités financières et contaminent aussi la
crédibilité de la dette publique”, tout en appelant
à ce que la valorisation des immeubles et terrains en possession des
banques soit “très prudente”… De l’art de dire
une chose et son contraire.
Poursuivant
son tour du monde avec escales, Christine Lagarde vient au nom du FMI avertir
à nouveau que l’économie mondiale “se trouve
à un tournant très dangereux”, tentant ainsi de
récolter des fonds pour sauver l’Europe. En France, la
ministre du budget, Valérie Pécresse,
justifie le montage impliquant le FMI, car “seul le FMI a la compétence pour mettre en place des plans de
redressement des finances publiques et contrôler ces plans de
redressement”, à l’opposé de la BCE.
Ainsi
va cahin-caha le monde, ce matin.
Billet rédigé par
François Leclerc
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