C’est décidé : le gouvernement déploie donc ses onctueuses méthodes pour « freiner » l’épidémie, avec un art consommé pour ménager la chèvre, le chou et le sourire de la crémière qui s’est trompé de proverbe. Avalanche de textes, rafales de simplifications administratives tortueuses et impossibles à résumer en quelques dizaines de lignes serrées, conférences de presse et déplacements ministériels, tout y est pour qu’on comprenne bien qu’un nouveau combat vient de commencer.
Et pour lutter contre un virus qui fait de la résistance et semble se moquer des confinements et autres bricolages prophylactiques, quoi de mieux qu’éparpiller des masses de policiers et de gendarmes partout sur le territoire ? Ce que les masques, la distanciation sociale et les vexations à base de petits cerfas ne parviennent pas à réaliser, nul doute que notre fière maréchaussée va y parvenir avec brio.
C’est pourquoi, à la suite des décisions prises ces derniers jours avec calme, pondération, préparation et tout l’assentiment des scientifiques triés sur le volet et tous d’accord d’une seule voix consensuelle, le ministre de l’Intérieur, le brave petit Gérald Darmanin, a lancé plus de 90.000 agents de la paix dans nos villes et nos campagnes, afin d’intensifier un bon coup la répress… pardon les contrôles sanitaires permettant d’enfin contrôler le virus.
Le principe est simple : en multipliant la présence policière partout sur le territoire et, notamment, dans les gares, sur les autoroutes et dans les aéroports, on garantit une grosse frousse aux méchants miasmes qui réfléchiront à deux fois avant d’infecter les Français. Et, de façon parfaitement accessoire, on va aussi pouvoir contrôler les individus louches – forcément louches – qui tentent bêtement d’exercer leur droit de déplacement alors que tout le monde sait que le virus n’attaque que ceux qui bougent.
Il faut en finir avec l’innocence par défaut du père de famille lambda, du citoyen moyen qui promène son chien ou de la mère de famille qui va faire des courses ! Ce n’est pas ainsi qu’on pourra instaurer une Hygiène Sanitaire Totale et Définitive dans l’Hexagone.
Ainsi, au contraire des attroupements de clandestins cornaqués par des associations lucratives sans but sur des places publiques, ceux qui, actuellement, essayent de recouvrer une vie normale et de faire leurs petites affaires dans leur coin sans enquiquiner personne sont en réalité fort dangereux et représentent une menace terrible pour tous ceux qui sont déjà enfermés et pour le pouvoir.
Voilà donc des dizaines de milliers de nos forces de l’ordre mobilisées pour pruner du badaud, cette engeance pénible qui, au lieu de rester chez elle à mourir de Covid, veut égoïstement reprendre ses activités pour ne pas mourir de faim, de désespoir, de dépression ou de toutes ces maladies qu’on ne surveille plus.
Or, distribuer des amendes, c’est finalement assez simple et lucratif : le citoyen lambda ne se déplace que fort rarement armé d’un mortier d’artifice, ou en bandes bigarrées prêtes à défoncer du photographe. Le contribuable obéissant n’a que rarement sur lui de quoi suriner le fonctionnaire des forces de l’ordre, et la prune a même de fortes chances d’être payée. L’éducation, malgré tout, évite au père de famille solvable de filer un coup de tête bien appuyé à celui qui va le contrôler pour un motif futile dans un pays où, jadis, on se gargarisait des Droits de l’Homme.
Et puis, il faut bien comprendre que ce n’est pas vraiment le travail de la police et de la gendarmerie d’empêcher les quartiers dit « émotifs » de s’embraser, d’éviter que les petits caïds de cités viennent brûler ou mettre à sac un établissement scolaire ou d’arrêter les rixes des bandes organisées. Ceci est une des tâches du politicien qui la mène à bien en confisquant l’argent du contribuable (celui qui se fait aussi pruner de temps en temps) pour le distribuer généreusement à ces quartiers, ces caïds et des bandes afin de les calmer.
#StDenis, quand une simple patrouille de #Police dans une cité vire à l'affrontement.#SoutienFDO pic.twitter.com/mSUX7axB4t
— 🇨🇵Hussard 93🇨🇵 (@thouars791) March 26, 2021
Le but de la police et de la gendarmerie n’est plus d’assurer la paix des citoyens, mais bien la paix des politiciens lorsque ces derniers confisquent et lorsqu’ils distribuent, lorsqu’ils empêchent et lorsqu’ils tolèrent, autorisent ou favorisent. Et le but des politiciens, c’est accaparer et conserver le pouvoir pour ce qu’il représente lui-même (parce qu’une fois obtenu, à quoi peut-il servir sinon à être conservé, envers et contre tout ?).
C’est si vrai que lorsqu’un élu local tente – le naïf ! – de régler les problèmes locaux de ceux qui l’ont élu, il est immédiatement empêché par les instances nationales, ulcérées à l’idée qu’on pourrait se passer d’elles : le maire de Cannes ayant eu l’impudence d’organiser la vaccination des plus de 50 ans dans sa commune sans attendre l’autorisation explicite du gouvernement et de tout le Saint-Tremblement, le ministre de la Santé, qui n’a jamais été élu par les Cannois mais semble mieux savoir qu’eux ce qui est bon pour eux, s’est empressé de lui déclarer la guerre.
Flicaille partout, décisions ministérielles autoritaires et décalées du réel… Chaque jour qui passe, le pouvoir parisien s’enferme de plus en plus dans sa tour d’ivoire. Protégé par une garde prétorienne mal payée mais – pour le moment – obéissante, nos dirigeants s’entêtent à ne laisser aucune prise ni aux élus locaux, pourtant à l’écoute directe de leur population, ni aux médecins de famille, ni aux institutions locales de santé et d’organisation logistique. Pour Paris, tout doit venir d’une seule tête, « quoi qu’il en coûte ».
Eh bien justement, on voit ce qu’il en coûte : désorganisation, gabegies, pénuries, accumulation d’erreurs, détresse croissante de la population qui perd toute confiance dans ses institutions, son gouvernement et ses élus, bref, progressivement tout ce qui lui donne une raison de se tenir tranquille.
Nous arrivons progressivement au bout du « quoi qu’il en coûte » et nous allons bientôt toucher la zone du « plus rien à perdre ». Forcément, ça va bien se passer.