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J’ai eu récemment l’occasion de me
déplacer en France, et le trajet fut pour moi l’occasion de
développer quelques réflexions décousues dont je peux vous
faire part ici. Elles me sont venues à mesure que le train rampait
gentiment dans la campagne vers Paris.
Je dis « rampait » parce qu’avec les
services collectivistes collectifs de
transports, on a toujours des surprises.
J’ai eu le plaisir de visiter le Japon il n’y pas
très longtemps, pendant plusieurs jours. Et au Pays du Soleil Levant,
j’ai eu l’opportunité de tester leurs transports en
commun. En deux semaines passées sur place à faire le touriste franchouillard
un peu perdu, notamment par mon incapacité à déchiffrer
leur langue écrite particulièrement hermétique, je
n’ai pas eu à subir le moindre retard. Pas une pétouille.
Pas un problème. Là-bas, les trains, métros, trains
rapides, petits trains touristiques, et même les bus, avec tout ce que
cela suppose d’organisation routière pour parvenir à
cette prouesse, tous respectent leur emploi du temps avec une
précision suisse et une cadence méthodique toute japonaise. Ce
n’est pas compliqué : les horaires ferroviaires sont si
précisément tenus que les vaches calibrent leur digestion sur
le passage des trains.
Évidemment, le contraste avec l’Europe est
frappant. Pas autant qu’un syndicaliste CGT du Livre lorsqu’il
découvre que vous voulez supprimer les aides à la presse, mais
pas loin.
Le train a donc rampé dans le bocage français.
Pas sur tout le trajet. Un petit bout nous aura permis de tester la
Très Grande Lenteur et je peux confirmer qu’avec une vitesse
nulle, on ne peut mourir que d’une chose : d’ennui. Et à
la différence du Japon où les vaches voient passer les trains
avec apaisement, en Europe, les passagers des trains voient passer des vaches
plus dynamiques que leur locomotive.
Bien évidemment, le retard du train et les arrêts
aussi bizarres que champêtres et inattendus ne nous furent pas expliqués.
Le personnel de bord, consciencieusement occupé à vendre des
boissons et des petits biscuits bio-éthiques
à la farine d’enfant équitable, compensait en quelque
sorte par ses froufroutages rapides l’absence
de mouvement du wagon, mais ne put délivrer la moindre information ni
sur notre hypothétique retard, ni sur ses causes dont, il faut bien le
dire, il n’avait absolument rien à foutre et vous reprendrez
bien un peu de thé monsieur ? Un biscuit peut-être ?
Lorsque nous repartîmes, toujours sans la moindre
explication, nous croisâmes un champ d’éoliennes. Cette
volée de passé simple et d’accents circonflexes ne
m’empêcha pas de noter que pas un vent ne troublait la campagne
ensoleillée bien que fraîche en cette matinée de fin
d’octobre. Le ciel d’un bleu immaculé laissait entrevoir
la possibilité d’une journée radieuse à trotter
gaiement dans les champs en mâchant de la luzerne (je parle des vaches
dans le champ en face). Ces dernières, d’autant plus dynamiques
que nous étions mous et coincés dans nos boîtes de
conserves sur rails, répétaient un quadrille endiablé en
relâchant parfois un petit peu de méthane climato-réchauffiste, probablement histoire de nous
narguer.
De vent, toujours point. Cependant, les éoliennes
tournaient. (Et ce n’est pas les mouvements saltatoires des vaches sous
amphétamines qui animaient les pales des engins massifs, croyez-moi).
La conclusion qui s’impose est évidente : les
éoliennes étaient alimentées en courant
électrique pour tourner ainsi, toutes de concert (6 selon mon
décompte). En pure perte, je suppose. On pourrait se consoler en se
disant qu’avec tout ce soleil, c’était l’électricité
produite par des panneaux photovoltaïques, mais foin de
naïveté, en cette période de l’année, le
soleil, c’est très rare et parfois en pleine nuit, et avec une
production aussi pitoyables, il y avait fort à parier que ces
éoliennes tournaient par la force d’une puissante centrale
thermique ou de l’un d’un nombreux réacteurs
nucléaires encore en activité sur le territoire.
Pendant que ces pales tournaient et que les vaches dansaient,
coincé dans ce moyen de non-transport collectif qui boudait, je me
suis décidé à passer le temps en regardant les gros titres
de la presse.
On y annonçait une grève maousse pour le
14 novembre ; la saison grévicole
bat en effet son plein, et la récolte, poussée par une
conjoncture très favorable, promet d’être abondante. Les
acquis saucissiaux sont, en France,
indéboulonnables, et le plaisir subtil du grillage de merguez dans des
défilés colorés et bruyants ne saurait être
repoussé à une autre année pour de mesquines raisons
économiques. D’après de fiévreux journalistes
reportant l’événement très en détail, cette
nouvelle journée d’action sera destinée, par un
arrêt brutal de toute action, à lutter contre les terribles mesures
d’austérité mises en place en Europe, mesures qui se
traduisent, à peu près partout où ont lieu ces mouvements
sociaux par des hausses d’impôts phénoménales
pour payer les privilèges de quelques castes qui font grève,
justement.
Toujours plongé dans ma lecture de presse, je
découvrais, toujours aussi désabusé, que la BCE serait sexiste
parce qu’elle empêcherait des femmes d’atteindre un poste
de gouverneur. A parcourir les principaux titres dans la section
économique, toute la presse semblait bruisser de l’importante
affaire que constitue ainsi le méchant machisme des gouverneurs de
l’institution bancaire européenne.
Pendant ce temps, l’économie générale
de la zone euro part en quenouille, l’or continue de grimper, les
dettes s’accumulent, la déflation sévit sur les biens de
luxe, l’inflation se fait de moins en moins légère sur
les biens de première nécessité, et les bons des
trésors européens sont discrètement rachetés par
la Banque Centrale en question pour éviter la faillite pure et simple
de l’un ou l’autre état.
En réalité, toute la situation
européenne, et française a fortiori, se résume à
ces quelques faits d’une banalité confondante.
De la même façon que l’église
byzantine discutait sexe des anges alors que Constantinople tombait,
l’Europe s’attache aux sexes de ses gouverneurs pendant que sa
monnaie s’effondre. Dans le royaume d’Ubu que tout ceci est
devenu, le contribuable paye presque joyeusement pour qu’on fasse
tourner des éoliennes avec de l’électricité
coûteuse, que des passagers de trains arrêtés regardent
des vaches passer et non l’inverse, pour que des journalistes
rapportent tout ça au lieu de tenter l’analyse de la situation,
pour donner, enfin, aux cucurbitacées fadasses qui nous servent de
gouvernement un semblant d’information correcte pour qu’ils
puissent, peut-être, prendre des décisions vaguement
éclairées, pour changer.
Ne nous y trompons pas : ce que nous voyons, ce à quoi nous assistons, c’est la fin
lamentable d’une époque médiocre. Il semble
évident que cette fin s’accélère et ne se passera
pas bien : à mesure que les problèmes s’accumuleront et
que les non-réponses, les louvoiements et les mensonges pour camoufler
la réalité s’empileront comme les taxes, les gens vont
grogner de plus en plus fort. Je l’ai dit et je le redis ici : il
faudra que ça aille plus mal avant que cela aille mieux.
Mais le temps est maintenant propice, comme en témoigne
les mouvements animaliers (pigeons, moutons, dindons, et autres), au retour
à la réalité. Les gens, coincés par leur
portefeuille et leur pouvoir d’achat
obligation d’épargne, commencent tout juste à comprendre
qu’augmenter les impôts des autres, c’est, de façon
très concrète, accroître leur propre misère. Il
est encore petit, le petit ruisseau de gens qui comprennent que ce
collectivisme n’est que la guerre de tous contre tous, la recherche du
profit personnel au détriment des autres, et que cette recherche est
vouée à un échec retentissant. Il est encore maigre, ce
ruisseau d’individus qui fuient l’oppression socialiste, ou ce
ruisseau de ceux qui se relèvent en disant « assez, cela suffit
».
Bien sûr, ce pays est foutu.
Mais les petits ruisseaux font parfois de grandes
rivières.
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