Des syndicats comme organisations politiques… (1/2)

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Published : December 19th, 2014
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La Belgique a connu le 15 décembre sa première grève générale depuis des décennies. Les incidents qui l’ont émaillée, et l’exaspération d’une partie de la population qui subit des grèves tournantes depuis plusieurs semaines, ont remis au cœur de l’actualité la question de la légitimité des syndicats. Mais les arguments généralement utilisés, non-représentativité, recours à la violence, infractions diverses, n’ébranlent pas les grévistes. Ceux-ci sont convaincus que seule l’action syndicale garantit des salaires élevés et que les luttes précédentes leur ont offert leur niveau de vie actuel. Face à cette certitude, les reproches habituels s’effacent car, finalement, la fin justifie les moyens. Dans ce contexte, il est fondamental de savoir comment, et dans quelles conditions, l’action syndicale agit réellement sur les salaires.

 

Commençons par un petit détour sur la façon dont les salaires se formeraient sur un marché entièrement libre. Comme pour tout bien ou service, le prix du travail serait dicté par la productivité marginale. Il est évident qu’aucun entrepreneur n’embaucherait un nouveau travailleur à un prix supérieur à ce que lui rapporterait la production supplémentaire. Mais il ne peut pas non plus durablement maintenir le prix trop bas parce qu’un concurrent viendrait vite débaucher sa main d’œuvre et le mettrait dans l’impossibilité de maintenir sa production. D’un point de vue collectif, la meilleure situation est celle où les salaires qui s’alignent sur le point d’équilibre. Si les salaires sont trop bas, les travailleurs vont s’éloigner de la production, soit en retournant vers les travaux domestiques et la vie en autarcie, soit en émigrant. Si les salaires sont trop élevés, les entrepreneurs vont abandonner des marchés marginaux qu’ils ne peuvent plus satisfaire à un prix correct. La production maximale est donc assurée au point d’équilibre des salaires. C’est donc à ce niveau que les biens sont les plus abondants et la richesse réelle d’une population la plus élevée.

 

Sur un marché déterminé, c’est donc la valeur de l’unité de production supplémentaire qui va déterminer le salaire. Mais, cette valeur est elle-même déterminée par le développement des outils de productions. Dans un marché libre, l’augmentation des salaires et des conditions de vies des travailleurs est donc nettement plus liée à l’investissement capitalistique qu’à l’action des syndicats. Sauf à se transformer en investisseurs (ce qui n’est pas la tradition en Europe), ceux-ci ne peuvent influer qu’à la marge. D’un point de vue historique, il est particulièrement douteux que le formidable enrichissement des ouvriers occidentaux soit principalement dû à l’action syndicale. C’est plutôt le développement du capitalisme entrepreneurial et l’incroyable expansion économique du 19ième siècle qui en est la cause. Mais, néanmoins, l’action syndicale y joua un rôle.

 

En effet, le marché du travail est à ce point important que chacun cherche toujours à le manipuler et il ne fait aucun doute que des patrons tentent activement de réduire le coût du travail au-dessous de sa valeur de marché.

 

Outre les limitations légales évidentes, des employeurs peuvent recourir à différentes techniques. D’abord, la limitation de la circulation des travailleurs qui limite leur possibilité de faire jouer la concurrence. Le passeport fut instauré pour limiter les mouvements de population et le carnet ouvrier empêchait un travailleur de quitter son patron sans l’accord de celui-ci. Dans tous les cas, voyager sans document s’apparentait à du vagabondage et était sévèrement réprimé. Ensuite, la liberté d’information est indispensable à l’efficience du marché. Camoufler les conditions réelles de travail s’apparente clairement à une fraude économique. Le travailleur exposé à un risque ne l’accepterait qu’en échange d’un salaire supplémentaire. Il est donc essentiel pour l’ouvrier d’être informé valablement des conditions de travail. (Enfin, les obstacles à l’organisation d’une solidarité effective entre les travailleurs, par exemple par les complexités légales imposées aux caisses ouvrières de secours mutuel, permettent de précariser les ouvriers et, ainsi, de réduire leur capacité de négociation salariale.

 

À travers ces exemples, nous retrouvons les combats d’origine des syndicats et ces combats sont encore d’actualité dans de nombreux pays de par le monde. Dans tous les cas, il s’agit de lutter en faveur d’un marché du travail plus efficient et donc de permettre réellement aux salaires de s’élever vers leur niveau d’équilibre théorique.

 

[À suivre…]

 

 

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Consultant, formateur et écrivain, Thierry Damaux se passionne pour les processus de changement et d'innovation. Après des études de Science Politique et une spécialisation en management, il s'est consacré à la formation dans le milieu associatif. Aujourd'hui, il combine ses activités de consultant indépendant avec le journalisme économique et social. A travers ses articles, Thierry cherche à rendre perceptible l'effervescence actuelle du monde que cause l'effondrement des vieilles structures centralisées et bureaucratiques au profit d'initiatives individuelles.
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