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La seule chose positive que je trouve à la crise
grecque, c'est l'impression d'avoir tellement écrit sur le sujet que
je n'ai plus qu'à copier-coller de vieux articles avec comme
légende "je l'avais bien dit" pour produire du contenu en
phase avec l'actualité. Exercice puéril et facile dans lequel
je vais, faute de plus d'inspiration (un monde qui s'écroule, ça
ne m'excite guère...), me complaire. Mince satisfaction en
vérité, tant j'aurais voulu m'être trompé.
Rétrospective
Voici donc ce que j'écrivais le 4 novembre 2008, alors que le choeur des économistes "mainstream"
nous répétait à l'envi que, non,
décidément, un état ne pouvait pas faire faillite, et
que la dette publique était un faux problème :
"Par conséquent, la compétition des états
endettés pour attirer les faveurs des détenteurs de capitaux va
être plus rude. Et le phénomène que j’anticipais en
Août est en train de se produire : cette compétition rend les
prêteurs plus sélectifs et tend à remonter la "prime
de risque" demandée aux emprunteurs considérés
comme un peu moins fiables que les meilleurs.
Bon, nous y voilà, les taux grecs sont supérieurs à 20%
à deux ans, la Grèce est en défaut depuis des mois,
même si elle ne l'a pas encore reconnu officiellement. Le Portugal et
l'Irlande ne valent guère mieux.
Et quel était ce cassandre qui osait prédire dès octobre
2004 que l'explosion de nos dépenses nous emmènerait droit dans
le mur ? Je parlais de la France à l'époque, mais n'importe
quel pays européen pouvait correspondre à la description...
Il est à
noter que les dépenses sociales (incluant l'éducation)
représentent 63% du total, que le pourcentage lié au volet
"retraites" explose, et continuera d'exploser malgré les
réformes Fillon (qui ne solutionnent qu'un tiers du déficit à
l'échelon 2020…), que le volet "charge de la dette" ne
peut qu'augmenter car la dette augmente, donc les intérêts
augmentent mécaniquement. De surcroît, les taux
d'intérêt historiquement bas que nous connaissons pourraient ne
pas durer éternellement si les risques liés au manque de
provisions des systèmes de retraites des principaux pays
européens venaient à rendre les investisseurs méfiants,
ou pour toute autre raison. Encore une source d'inflation des dépenses
non maîtrisable.
Il s'ensuit que, sauf inflexion politique majeure, les impôts et autres
prélèvements ne peuvent qu'augmenter, ce qui sera le cas en
2005, les baisses d'impôts directs étant inférieures aux
hausses de charge prévues. D'autre part, la dépense
régalienne sera progressivement réduite à la portion
congrue, ce qui accroîtra les désordres liés à la
délinquance, et donc entraînera une moindre garantie des droits
de propriété, donc une méfiance croissante des
investisseurs, donc des pertes de croissance, donc des difficultés
financières croissantes pour l'état... et ainsi de suite.
Bref, si nous ne changeons pas rapidement de cap, ce cercle vicieux nous
emmènera droit dans le mur.
Vers l'éclatement de la bulle sociale ?
(...) pratiquement tous les pays, à l'exception des USA, ont connu
dans les trente dernières années des épisodes de
dépense publique excessive. Les statistiques montrent que pour tous
ces pays, lorsque la dépense publique s'est trouvée en phase
croissante au-delà d'un seuil critique compris entre 45 et 55%, cela a
correspondu à un début d'emballement des dépenses
sociales et des déficits publics risquant de menacer les finances de
la nation.
La France se situe clairement au seuil d'une phase d'emballement
incontrôlable de ses dépenses publiques. Un pays d'Europe a
connu les affres de cette situation et a connu une
quasi banqueroute en 1993, avant d'entamer un redressement long et difficile.
Il s'agit de la Suède, l'icône sociale-démocrate par
excellence. Ce pays a franchi durablement la barre d'une dépense
supérieure à 55% du PIB vers 1980 et n'a pas réussi au
début des années 90 à contrôler
l'éclatement d'une sorte de "bulle sociale" : Entre 1990 et
1993, le PIB chuta de 6%, le chômage passa de 3 à 8%, les
faillites se multiplièrent. En 1993, les dépenses ont atteint
67% du PIB et le déficit public annuel… 12% ! Le gouvernement
dut emprunter à des taux courts de plus de 60% (!) pendant quelques
jours pour couvrir ses difficultés de trésorerie et
défendre sa monnaie, avant de jeter l'éponge et laisser filer
la couronne suédoise qui fut sévèrement
dévaluée, obérant fortement le pouvoir d'achat de tous
les Suédois.
Depuis, la Suède a entrepris des réformes structurelles de fond
visant à assainir ses finances. Sans pouvoir passer pour un
modèle de libéralisme (la dépense publique y reste
élevée), elle a privatisé tout ce qui était
privatisable (poste, transports, électricité, etc…), a
contraint l'école publique à accepter une gestion de type
privé, et a (quoique insuffisamment selon de nombreux observateurs)
réformé son système de santé en y associant plus
largement le secteur privé. La garantie de l'emploi des fonctionnaires
à disparu, l'organigramme administratif a
été simplifié, la traque aux gaspillages provoque
régulièrement des changements profonds au sein des
administrations restantes.
La Suède a connu notre futur. A une seule exception près : elle
pouvait dévaluer la couronne, elle ! Et au début du
millénaire, les suédois ont été assez
intelligents pour rejeter l'Euro par référendum.
Un scénario seulement gris est-il encore possible ?
Ne suis-je pas trop pessimiste ? Peut-on encore imaginer pouvoir "sortir
de la crise" en douceur en France, en se contentant de quelques
réformettes, le temps que "la croissance revienne", comme la
pluie revient toujours après la sécheresse ? La faillite d'un
ou deux PIGS ne va-t-elle pas provoquer un nouvel épisode de
"Flight to Quality" vers les pays moins
mal considérés, comme la France, nous permettant de placer nos
dettes souveraines comme dans du beurre ? Je voudrais y croire, mais...
... Désolé, mais il n'est plus raisonnable de croire à
un retour à la normale sans histoire à ce jour. En effet, tout
début de désordre financier, dont on ne voit pas comment il
pourrait être évité, provoquera un nouvel épisode
de "passage en mode survie" des agents économiques, comme
lors de la faillite de Lehman Brothers,
provoquant une chute de toutes les commandes de biens jugés non
indispensables. Seule différence, le point de départ des
économies sera bien pire que lors de la crise
précédente, et les pays du sud n'ont pas une tradition de
négociation "tête froide" qui a permis de
libéraliser le modèle suédois dans le calme.
Pour qui le cygne sera-t-il noir, pour qui ne sera-t-il que gris ? Verra-t-on
un écroulement en série du système financier et des
pyramides de dettes, avec à la clé une chute du PIB de 20
à 30% ? Ou une sur-monétisation des dettes conduisant à
une résurgence de l'inflation à gros, voire très gros
chiffres, accompagnée d'une récession économique sans
précédent ? Que restera-t-il de la "cohésion
sociale", autrement dit de l'ordre public et de la paix civile, quand
des états régaliens en capilotade devront faire face à
des vagues de revendications violentes ?
J'exagère ? "Ils" ne laisseront pas l'Europe
s'écrouler ?
Mais franchement, quand nos politiques nous affirment que "tout est sous
contrôle" et que "la reprise est là", et que vous
voyez la situation en Grèce ou en Espagne, qu'ils affirmaient avoir
sauvé ou protégé des retombées il y a un an,
êtes-vous assez fou pour y croire encore ? S'ils comprenaient
moindrement ce qui est en train de se passer, auraient-ils laissé la
situation en arriver là ?
Pessimiste, moi ? Allons donc...
Vincent
Bénard
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