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La monnaie
est-elle un bien de consommation ou de production? Elle facilite la
production et la consommation, mais n'est ni l'un ni l'autre. Est-ce alors
une forme de capital? Elle constitue en fait une troisième
catégorie et une augmentation de sa quantité ne confère
donc aucun avantage. Démystifions ces quelques concepts.
Mythe no.
1: Il existe une quantité optimale de monnaie
La perte d'un bien de consommation ou d'un bien de production résulte
en un appauvrissement. Au contraire, le gain ou l'ajout d'un tel bien
amène un enrichissement. Cependant, la même chose ne peut
être dite d'un ajout ou d'une perte d'argent dans un système
économique. Comme l'écrit Ludwig von Mises dans The Theory
of Money and Credit: « Une augmentation de la
quantité de monnaie ne peut pas davantage accroître le
bien-être des membres d'une communauté qu'une réduction
de monnaie ne peut le détériorer. »
[Traduction libre] C'est que les changements de valeur de la monnaie s'ajustent
à la demande de celle-ci. De sorte qu'en dépit des variations
dans la quantité de monnaie la richesse totale demeure la même.
Les biens de production tirent leur valeur des biens de consommation qu'ils
servent à produire. Plus il y a de biens de production, plus on est
prospère. Mais il n'en va pas de même de la monnaie. Il n'y a
aucun avantage à obtenir d'une quantité additionnelle de
monnaie pour l'économie dans son ensemble. Les lois qui gouvernent la
valeur d'une monnaie sont différentes de celles qui gouvernent la
valeur des biens de production et de consommation.
Lorsque la demande d'un individu est comblée par une production
accrue, il y a enrichissement social car au moins deux individus sont
satisfaits, soit le consommateur et le producteur. Cependant, même dans
un système où la quantité de monnaie est
équivalente à une quantité d'or librement produite, il
n'y a pas d'avantage social à l'inflation (= croissance)
monétaire malgré le fait que l'échange entre un acheteur
et un producteur d'or soit satisfaisant pour chacun. En effet, une tierce
partie s'appauvrit en voyant la valeur de ses avoirs monétaires
diminuer – toutes choses étant par ailleurs égales
– suite à une augmentation de la quantité d'or. On ne
peut pas dire que, malgré la redistribution de richesse que cela
occasionne, la satisfaction totale demeure inchangée, car la
satisfaction ne se mesure pas.
En somme, la monnaie est un bien économique qui n'est ni un bien de
consommation ni un bien de production. Elle exige donc une grille d'analyse
différente. Les changements dans l'offre de monnaie ne
confèrent ni une augmentation ni une réduction de valeur
sociale. Tout ce qu'on peut dire de celle-ci est qu'elle ne se mesure pas.
Rappelons que pour bien comprendre la monnaie il faut comprendre que la
valeur est subjective.
Puisque le marché tend à déterminer le pouvoir d'achat
là où l'offre et la demande de monnaie coïncident, il ne
peut jamais y avoir un surplus ou une pénurie de monnaie. «
La quantité de monnaie disponible dans l'économie est
toujours suffisante pour permettre à chacun tout ce que la monnaie
fait et peut faire. » (Human Action, p. 421,
traduction libre)
La monnaie commence à circuler dans les marchés en des points
spécifiques, c'est-à-dire par l'entremise d'échanges
volontaires entre particuliers. Elle se répand de façon
asymétrique selon qu'un individu y accède tôt ou tard.
Les premiers à y mettre la main s'enrichissent, car ils se procurent
des biens aux prix actuels. Les biens les plus désirés
subissent alors une hausse de leurs prix. L'augmentation des prix se poursuit
mais de façon moins intensive jusqu'à ce que tous les biens
soient affectés à divers degrés. Les derniers à
s'approprier ce nouvel argent voient leurs revenus diminuer à cause de
la réduction du pouvoir d'achat de la monnaie comme conséquence
inévitable d'une augmentation de sa quantité.
Même si les pertes des derniers correspondent aux profits des premiers,
on ne peut affirmer que cette redistribution constitue un « jeu
à somme nulle », car il est impossible de comparer
les valeurs entre les individus. En d'autres mots, dans une théorie de
la valeur exclusivement subjective on ne peut légitimement
établir des comparaisons interpersonnelles d'unités de
satisfaction. Ainsi, peut-être que le perdant ne s'en fait pas et que
le gagnant est fou de joie ou vice versa.
Puisque les changements dans la quantité de monnaie ne sont pas
neutres, c'est-à-dire qu'ils entraînent inévitablement
des gagnants et des perdants, quels sont les avantages d'une production libre
de monnaie par rapport à la production monopolisée par la
banque centrale? Précisons d'abord que le mythe d'une quantité
optimale de monnaie n'est qu'une variation du mythe de sa neutralité.
La réalité nous indique plutôt qu'il y a des
conséquences aux variations de quantité de monnaie et qu'il
n'en existe pas de quantité optimale.
Le principal avantage d'une monnaie métallique est que l'expansion
monétaire est limitée par les coûts d'exploration et
d'exploitation minière. Au contraire, il ne coûte pratiquement
rien aux hommes de l'État pour produire le papier-monnaie et comme on
peut le constater, ils en profitent allégrement. Cette production sans
contrainte rend la monnaie sujette à des fluctuations de prix de
beaucoup supérieures à ce qui existait lorsqu'une monnaie
métallique était d'usage. Ces fluctuations, à leur tour,
entraînent une plus grande redistribution des richesses, donc moins de
liberté.
Mythe no. 2: La banque
centrale peut stabiliser les prix
Les politiciens et les fonctionnaires des banques centrales disent travailler
à la stabilité des prix. Ils y travaillent, certes, en
engageant d'autres fonctionnaires qui tentent de contrôler les prix des
biens et services qui sont inévitablement touchés par la
production de papier-monnaie, et de manière beaucoup plus
prononcée que dans un système où la production de
monnaie n'est pas monopolisée. Ainsi, l'intervention de l'État
dans la production de monnaie entraîne plusieurs autres interventions
sous prétexte de contrôler les prix. Or, si ces interventions
réussissent, pour un temps, à contrôler certains prix, c'est
au « prix » d'une plus grande variation de prix des
biens et services non encore contrôlés par l'État. De
plus, vous payez sans cesse davantage, par vos taxes, tous ces fonctionnaires
qui contrôlent et redistribuent. Imaginez tout ce qu'il vous resterait
sans eux! Dans une économie en croissance
la division du travail s'accentue et la population a tendance à
croître, ou du moins à rester stable par l'entremise des
naissances ou de l'immigration. Dans ces conditions, une augmentation de la
demande de monnaie prévaut. Cette demande accrue de monnaie augmente
son pouvoir d'achat. Toutefois, cette augmentation de pouvoir d'achat est
contrebalancée par la production de monnaie métallique, voire
complètement renversée par la mise en circulation de
papier-monnaie. Il s'agit de deux phénomènes différents
qui ne se neutralisent pas nécessairement.
Si l'offre de monnaie est relativement stable, ce qu'elle est dans un
marché libre, ceux qui désirent plus de monnaie doivent offrir
plus de biens en échange, ce qui a pour résultat de hausser le
prix de la monnaie et de réduire le prix des biens. Dans ces
circonstances, il y a davantage de biens et services disponibles. Cette
augmentation de choix est également une augmentation de richesse.
Notons que celle-ci est accompagnée de prix à la baisse des
biens et services, un phénomène associée à la
déflation qui, selon la plupart des économistes sauf ceux de
l'école autrichienne, est à éviter. On sort souvent des
épouvantails lorsque ne peut expliquer un phénomène
(voir FAUT-IL CRAINDRE LA DÉFLATION?, le QL, no
127). Dans le cas qui nous concerne il ne s'agit pas de
déflation, mais de simple baisse des prix grâce à la
compétition qui pousse les producteurs à offrir leurs produits
à meilleur coût. Cela n'est pas à éviter mais
à rechercher.
Dans un marché libre, les prix des biens et de la monnaie ne sont pas
stables, mais ils le sont encore moins dans une économie comme la
nôtre. L'offre et la demande de biens ainsi que l'offre et la demande
de monnaie sont changeantes, car les goûts et les évaluations
des gens changent. Malgré cela, étant donné qu'un
producteur minier doit rentabiliser son entreprise il n'est pas en mesure de produire
de la monnaie à volonté, de sorte que l'inflation qu'il produit
est limitée par sa quête de profit. Ce qui, à son tour,
réduit la variation des prix.
Les tenants d'une banque centrale soutiennent que puisque la
productivité est grande il faut davantage d'inflation,
c'est-à-dire de monnaie en circulation, pour stabiliser les prix.
Cependant, pour en arriver à cette conclusion ils doivent mesurer la
productivité, l'inflation et les prix. Or, malgré qu'on nous
rabâche constamment ces statistiques dans les médias populaires
aucune d'elles ne peut être mesurées scientifiquement.
Mises formulait les critiques suivantes à propos de ces indices: Primo,
ils ne mesurent pas les changements dans la qualité des produits. Secundo,
ils ne mesurent pas les changements d'évaluation des gens, qui,
à leur tour, entraînent des changements dans l'offre et la
demande. Tertio, ces indices requièrent de la part de leurs
utilisateurs une pondération différente selon les produits et
services, ce qui est pour le moins arbitraire. Quarto, ils
requièrent l'utilisation de moyennes qui donnent des résultats
différents selon la méthode choisie (mode, médian,
arithmétique, géométrique, etc.).
Les économistes ayant la prétention de stabiliser les prix ne
sont même pas en mesure de déterminer d'où proviennent
les variations du pouvoir d'achat. Viennent-elles de la quantité
accrue de monnaie? Du désir des gens de dépenser?
D'épargner? D'une évaluation révisée de leurs
besoins? Comment stabiliser les prix lorsqu'on est incapable de
déterminer la source de leurs variations? Rappelons également
que les indices de production (PIB) et d'« inflation »
(IPC) additionnent et multiplient des objets qui ne peuvent l'être. Il
faut donc prendre ces statistiques avec un grain de sel
Le nouvel argent en circulation est dépensé en des points
spécifiques. On ne peut échapper à la façon
asymétrique dont il est répandu. L'effet de richesse n'est pas
le même pour tous. La notion de neutralité de la monnaie est
aussi contradictoire que celle de la stabilité des prix. «
La monnaie est un élément de l'action et
conséquemment du changement. » (Human Action,
p. 419, traduction libre) À moins de vouloir fixer à jamais les
échanges et d'abandonner l'économie de marché, tenter de
stabiliser le pouvoir d'achat de la monnaie est illusoire.
Un marché libre utilise à son plein potentiel la
quantité d'argent en circulation. Une augmentation de la
quantité de monnaie par l'entremise de production minière est
lente et prévisible et par conséquent préférable
au monopole d'État. Dans un contexte où l'offre de monnaie
n'est pas monopolisée par l'État et que la production
croît par l'extension de la division du travail, les prix devraient
constamment baisser.
* Il s'agit d'un
résumé personnalisé des 2e et 3e parties de Mises on Money de Gary North.
André
Dorais
André Dorais a étudié en philosophie
et en finance et vit à Montréal. Essai originellement
publié par Le
Québecois Libre
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