Déversez les obligations toxiques américaines sur l’Europe, supplie Draghi

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Published : April 07th, 2015
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Category : Crisis Watch

Ce n’est que le début d’une tendance nouvelle qui pourrait bientôt devenir la dernière mode. Le président de la BCE, Mario Draghi, dans sa sagesse infinie, l’aura bien cherché : il a porté le taux d’intérêt des dépôts de la BCE à -0,2% et a fait la promesse d’acheter 60 milliards de dollars d’actifs par mois, qui incluent la dette des gouvernements de la zone euro, d’autres formes de dette et même, comme l’avait prédit de manière poignante le politicien allemand Frank Schäffler en juillet 2012, de « vieux vélos ».

La BCE rachètera cette dette à ses banques favorites, pour en porter le prix si haut que leurs rendements passeront bientôt à -0,2%, le même taux que celui des dépôts. Ces banques tireront un grand bénéfice de cet accord. Et n’oublions pas les rendements de la dette des gouvernements de la zone euro ont plongé. Les rendements des obligations allemandes sont désormais de 0,15%, leur niveau le plus bas depuis dix ans, et devraient bientôt atteindre -0,2%.

L’objectif : forcer les investisseurs à payer pour le privilège de financer les gouvernements de la zone euro, de la même manière que les déposants se retrouvent forcés de payer pour le privilège de prêter leur argent à des banques en péril.

Les compagnies d’assurance, mais aussi d’autres institutions financières, détiennent des obligations haut de gamme pour générer des sources de revenus prévisibles dans le futur, avec lesquelles rembourser les promesses faites aux propriétaires de leurs assurances vie et rentes – une grande partie du système privé de retraite. Mais à mesure que les intérêts passent dans le rouge, les revenus futurs s’amenuisent. Le système des retraites tout entier est en péril.

En Europe, la chasse aux rendements a sonné. Tout le monde ferme les yeux, se bouche le nez et plonge dans un océan de risques, portant au passage les rendements à la baisse. Les obligations des entreprises haut de gamme font l’expérience de rendements à zéro pourcent voire négatifs. Le 10 mars, alors que la BCE lançait son programme de QE, les rendements moyens des obligations des sociétés d’investissements étaient passés à 0,85%, bien qu’ils aient depuis grimpé pour atteindre 0,92%. Des rendements bien trop faibles pour que les promesses faites puissent être tenues.

Alors ils recherchent le salut dans les obligations. Ces créatures à risque se portent bien lorsque de la nouvelle monnaie est disponible en des quantités illimitées pour rembourser la plus ancienne. Mais c’est une lame à double-tranchant. En cas de revirement, les actionnaires perdent une grande partie de leur investissement et peuvent finir avec très peu d’argent en cas de restructuration, comme par exemple sous la protection du Chapitre 11 du Code sur la banqueroute.

C’est ce qui se passe actuellement aux Etats-Unis sur tous les secteurs. On n’appelle pas ces actifs « toxiques » sans raison. Par le passé, les investisseurs ont pris des risques parce qu’ils pouvaient en tirer des rendements importants. Mais ce n’est plus le cas aujourd’hui, ce n’est plus le cas depuis que les programmes de QE et la répression des taux d’intérêt à l’échelle globale ont ruiné l’évaluation du risque.

C’est pourquoi les rendements des obligations toxiques libellées en euro ont plongé, et que les rendements moyens ont atteint 3,56% le 27 février, bien qu’ils se soient depuis jeudi dernier repositionnés autour de 3,92%. Aux Etats-Unis, les rendements des obligations équivalentes libellées en dollars étaient de 6,30% selon BofA Merrill Lynch.

Il n’est pas nécessaire d’être un génie pour savoir ce qui arrivera ensuite.

Ceux qui émettent cette dette toxique aux Etats-Unis peuvent voir la différence. Ils savent où est offerte la monnaie peu chère. Ils savent où trouver des investisseurs désespérés poussés au bord de la folie par les politiques des banques centrales.

Le distributeur de produits pharmaceutiques, VWR Corp, basé à Radnor, PA, est devenu public en octobre et est parvenu à obtenir 536 millions de dollars. Voilà qui s’intègre dans la stratégie de sortie des propriétaires de sa firme d’investissement dirigés par Madison Dearborn Partners. Aujourd’hui, la société a besoin de plus d’argent. C’est pourquoi selon Bloomberg, elle a vendu jeudi dernier 503,8 millions de dollars d’obligations toxiques à l’Europe.

IMS Health, basée à Danbury, dans le Connecticut, offre ses analyses et ses services à Big Pharma et d’autres membres du système de santé américain. Elle a été rendue publique en avril 2014 et levé 1,3 milliard de dollars, pour frayer un chemin de sortie aux propriétaires de sa firme d’investissement, dirigée par TPG. Elle a pu lever 275 millions d’euros de monnaie peu chère en Europe.

Infor, une société de logiciels qui compte 70.000 clients dans 194 pays, appartient à la firme d’investissements Golden Gate Capital Partners. Elle a vendu 350 millions d’euros d’obligations toxiques.

D’autres sociétés américaines en ont fait de même. Depuis le début de l’année, elles ont vendu un total de 3,28 milliards d’euros d’obligations toxiques à l’Europe, un record pour cette période de l’année depuis la naissance de l’euro.

Mais ce n’est que le début. Et une autre conséquence inattendue du QE de la BCE est que le transfert des obligations toxiques et du risque depuis les Etats-Unis jusqu’à la zone euro – depuis les fonds d’obligations américains, les portefeuilles retraite et les sociétés d’assurance jusqu’à des Européens qui n’en savent rien et qui sacrifient une partie de leurs revenus à des assurances vie pour ajouter à leurs retraites futures.

C’est une bénédiction pour les Etats-Unis. C’est un peu comme si Draghi disait aux Etats-Unis d’envoyer leurs déchets toxiques à l’Europe, soigneusement emballés dans des discours de corporations et étiquetés « terreau première qualité », pour être vendus à un prix exorbitant.

A mesure que le QE de la BCE progressera, les rendements des obligations toxiques continueront peut-être de chuter, et les acheteurs pourraient devenir de plus en plus désespérés, jusqu’à ce que même nos sociétés énergétiques, qui sont très proches du défaut et de la banqueroute, puissent lever de la monnaie peu chère auprès des Européens qui font de leur mieux pour accumuler une épargne retraite. Voilà qui forcerait ces sociétés énergétiques en péril à rembourser leurs investisseurs américains. Ainsi, elles peuvent continuer de fracturer et de produire toujours plus de pétrole et de gaz, qu’elles vendent bien en-dessous de leur coût de production. C’est une combine qui fonctionnera tant qu’il y aura de l’argent facile disponible pour boucher les trous.

Aux Etats-Unis, le boom de la fracturation a commencé avec le gaz naturel. Il détruit aujourd’hui ses investisseurs. Lisez ceci : Investors Crushed as US Natural Gas Drillers Blow Up

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