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Lloyd Blankfein, dirigeant de la
banque Goldman Sachs, que la modestie n'étouffe pas, a affirmé
dans une interview qu'il accomplissait le travail de Dieu. Je ne suis pas
spécialement théologien, mais il me semble que Dieu n'aurait
pas confié ses bonnes oeuvres à un ...euh, enfin, un... ah,
oui, un présumé innoncent de la trempe de M. Blankfein. Et
malgré mon agnosticisme primaire, il me semble qu'un retour aux
principes de droit très simples hérités des
commandements fondateurs des civilisations judéo-chrétiennes
nous aurait au contraire protégés des agissements de ce triste
personnage, bien plus que les monceaux actuels de règles foisonnantes,
qui encouragent le vice.
La SEC entame des
poursuites contre Goldman Sachs
Une fois de plus, Goldman Sachs est au centre d'un scandale financier. Mais
cette fois ci, la tempête pourrait ne pas être que
médiatique, puisque la SEC, l'autorité des marchés
financiers des USA, a décidé de porter l'affaire devant la
justice.
Rappelons brièvement ce dont on accuse Goldman Sachs. Je vous avais
parlé de John Paulson, ce financier Texan qui avait réussi
à tirer profit de la déconfiture des obligations basées
sur des prêts immobiliers, en achetant des CDS
avant que la bulle immobilière n'explose.
Mais il
semblerait que la bonne étoile de M. John Paulson - A ne pas confondre avec Hank
Paulson, pas de lien familial, ancien PDG de... Goldman Sachs, lui aussi,
avant d'être ministre des finances de G.W. Bush et enfin gestionnaire
du plan de sauvetage des institutions financières ruinées par
la crise- n'ait que à voir avec son talent de financier,
mais plus probablement avec ses bonnes relations avec Goldman Sachs... et une
possible escroquerie dont la banque d'affaires aurait été - à ce stade, le conditionnel
est de rigueur, présomption d'innocence oblige- la
cheville ouvrière.
Des produits
conçus pour ne pas fonctionner !
John Paulson se
serait entendu avec Goldman Sachs pour créer des "Mortgage Backed
Securities", ces fonds de placements obligataires alimentés par
des prêts immobiliers, composées de prêts
particulièrement peu fiables, et acheter non pas les obligations
("CDO") émises par ces MBS, mais des "CDS" ou
Credit Default Swaps, des contrats d'assurance émis par des compagnies
protégeant les porteurs d'obligations d'un éventuel
défaut de paiement. Autrement dit, J.Paulson aurait passé
commande de produits pourris que Goldman aurait vendus à d'autres,
pour pouvoir parier contre ces mêmes produits !
Pourquoi Goldman
aurait elle plongé dans la combine ? D'une part parce qu'elle touchait
des commissions sur ces opérations, d'autre part parce que,
grâce à la technique de titrisation par tranche décrite
dans ces colonnes, elle arrivait à faire noter AAA la plus grande
partie de ces obligations pourtant pourries par des agences de notation dont
l'incompétence ne laisse d'étonner, et donc elle parvenait sans
peine à les revendre à des investisseurs dont certains s'estiment
aujourd'hui floués. Naturellement, GS s'abstenait bien de
préciser comment les prêts choisis pour ces MBS avaient
été sélectionnés, et c'est
précisément ce que la SEC lui reproche.
Pire encore, Goldman aurait également acheté des CDS sur ces
titres, ce qui aurait été normal si elle les avait garantis -le
CDS devenait alors le moyen d'assumer cette garantie-, mais il semble que
cela n'ait pas toujours été le cas. Autrement dit, elle aurait
parié sur le défaut de paiement de produits financiers qu'elle
vendait tout de même à ses investisseurs. Je suppose que vous
n'aimeriez pas que votre garagiste aille parier -sur un site comme intrade- sur vos
chances de survie au volant d'un véhicule qu'il vous aurait vendu, et
qu'il aurait spécialement fabriqué pour permettre à des
parieurs amis de faire de même !
Une affaire sur le
fil du rasoir pour la SEC ?
Bref, la SEC,
très normalement, après avoir découvert certaines
anomalies, a ouvert une enquête. Or, si moralement, et sauf improbable
fait nouveau les absolvant de toute faute, l'abjection du comportement et de
M. John Paulson et de Goldman Sachs ne fait aucun doute, il semblerait qu'en
droit, le cas de Goldman Sachs ne soit en rien
désespéré. Par ailleurs, l'autre protagoniste de
l'histoire, John Paulson, pour l'instant, n'est pas inquiété,
car il semblerait qu'il n'ait pas dérogé à la lettre des
déclarations et règlements auxquels ils devait soumettre son
activité*. Et certains analystes estiment que la SEC aura fort affaire
pour faire condamner sévèrement la banque, car celle ci aurait
respecté "à la lettre" ses obligations
légales. En tout cas, l'affaire pourrait se juger sur des détails sémantiques...
Mais d'autres analystes (et pas n'importe lesquels, voir liens en bas de
page) estiment au contraire que Goldman Sachs se défend maladroitement
et de fait, aggrave son cas.
(dernière minute avant
parution: les
mels de Goldman
semblent aggraver le cas de la banque. Encore un e-mail-gate...)
Le Mercatus Center a montré que la
production législative opposable aux banques
américaines a culminé à 70 000 pages annuelles et que
plus de 12 000 officiels étaient en charge de vérifier leur
application rien qu'au niveau fédéral. Le droit
américain des affaires et les subtilités des obligations
déclaratives financières outre-atlantique me sont
étrangers, mais constatons simplement qu'à ce stade, il est
possible que la construction réglementaire américaine, forte de
plusieurs centaines de milliers de pages et de milliers de bureaucrates en
charge de leur application, n'ait pas rendu légalement totalement
impensable ce que la morale considère sans la moindre
hésitation comme une escroquerie pure et simple.
D'ailleurs, nul doute que le département juridique de GS a
soupesé le pour et le contre avant de lancer de tels montages. Et a
estimé qu'il pouvait agir ainsi en restant dans les clous de la
réglementation actuelle. Il s'est peut être trompé, mais
la lettre de la législation actuelle lui a fait apparaître ce
schéma comme plausiblement acceptable par un tribunal. Et si
d'aventure un jury parvenait à une conclusion inverse, c'est encore
sur le foisonnement législatif que compteront les avocats de Goldman
Sachs pour réduire la peine de leur client.
Loi naturelle contre
droit positif : le "droit de Dieu" contre celui des états
Maintenant,
imaginons qu'à l'instar des juges du temps ancien, tel Saint-Louis
sous son chêne, juges qui fondaient leur droit sur quelques principes
simples et la coutume, le droit applicable à Goldman Sachs et M.
Paulson se soit réduit à une version à peine
étoffée des 10 commandements, du genre "tu ne voleras
point". Ou encore, qu'il ait été proche de la
déclinaison plus actuelle donnée par Jacques de Guénin,
président du cercle Frédéric
Bastiat, qui définit l'éthique
(libérale, cela va sans dire) de l'honnête homme comme celle qui
lui interdit "d'obtenir
de quiconque toute chose hors de son libre consentement, par la coercition,
la dissimulation ou la tromperie".
Dans une telle
écriture lapidaire du droit, où le juge serait amené
à se poser la seule question qui vaille:"y-a-t-il eu tromperie
- les parties prenantes
ont elles été honnêtes", et non "le formulaire R-105b comportait il
les avertissements obligatoires définis par la loi en fonction du
profil des investisseurs attendus", alors croyez vous que
Goldman Sachs et J. Paulson se seraient lancés dans une telle aventure
?
Là où les commandements simples du catéchisme que les
hommes attribuent à Dieu auraient sans doute fortement réduit
l'incitation des protagonistes de cette histoire à commettre les
fraudes qui leurs sont potentiellement imputables, le droit
pléthorique, -qualifié
de positif par les juristes de profession, ce qui n'est pas sans ironie en
l'espèce- issu de décennies de connivences
intéressées entre états et grandes puissances
financières, a favorisé l'émergence du vice.
Le droit "naturel" **, issu de principes moraux forts et
profondément humanistes, et du recours privilégié
à la jurisprudence comme principal outil de fabrication du droit, est
en tout point supérieur au droit "positif", constructiviste
et pléthorique, dont le foisonnement fournit aux prédateurs la
jungle -on parle
plutôt de "maquis juridique", notez bien-
dont ils ont besoin pour tenter de camoufler leurs mauvaises intentions.
L'efficacité d'une construction législative ne se juge pas, loin
s'en faut, au poids des textes qu'il faut faire respecter. Si réforme
de la finance il y a, elle ne doit pas reposer sur plus de lois, plus de
règles prétendument exhaustives, qui ne seront qu'autant
d'occasions de contournement à but lucratif, mais au contraire sur
plus de rigueur dans l'application de quelques règles très
simples, issues des principes ancestraux qui ont fondé la plupart des
morales des grandes civilisations, à commencer par la nôtre.
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*Certains observateurs
estiment que c'est une tactique de la SEC pour obtenir plus d'informations, et que le tour de J.Paulson viendra en temps utiles. Qui
vivra verra.
** J'invite les lecteurs
que la question intéresse à se procurer "le droit naturel et ses ennemis", de l'avocat Patrick Simon
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Bons articles sur
l'affaire Goldman Sachs-Paulson
Bloomberg : "Just how strong is the Securities and Exchange Commission’s
lawsuit against Goldman Sachs and a 31-year-old vice president
who nicknamed himself Fabulous Fab? It depends on
what the meaning of the word “selected” is".
Lawrence Copeland: "Why should financial
institutions, with their armies of finance professionals, quants specialists
and lawyers, be exempt from the caveat emptor principle which so often applies
to ordinary folk?"
Sam Antar I (lui même condamné
pour fraude financière il y a quelques années): "Goldman
Sachs chose not to wait until Monday and fully digest the implications of the
SEC complaint. After a relatively short consultation
with its attorneys, the company hastily issued a detailed press release later
Friday afternoon that I believe will land it into deeper potential
trouble."
Sam Antar II (plus
ardu) :" Goldman
Sachs is opening up itself to potential new allegations of securities law
violations by investors who rely on its comments about the SEC complaint.
Those deceptive comments can be used by the SEC to show an intent to defraud
investors in the underlying alleged securities law violation, as part of a cover
up by the company."
Gretchen Morgenson (NYT,
déjà citée ici) : "Mr. (john) Paulson, 54, was
not named as a defendant in the S.E.C. suit, but his role in devising the
instrument that caused $1 billion in losses for Goldman’s customers is
detailed in the complaint. Robert Khuzami, the director of enforcement at the
S.E.C., explained that, unlike Goldman, the manager of the hedge fund,
Paulson & Company, had not made misrepresentations to investors buying
the security, known as a collateralized debt obligation."
WSJ : "The SEC still faces
challenges in persuading a jury should the case go to trial, lawyers not
involved in the case said."
WSJ opinion, Gerald
O'Driscoll: "The
idea that multiplying rules and statutes can protect consumers and investors
is surely one of the great intellectual failures of the 20th century. Any
static rule will be circumvented or manipulated to evade its application.
Better than multiplying rules, financial accounting should be governed by the
traditional principle that one has an affirmative duty to present the true
condition fairly and accurately—not withstanding what any rule might
otherwise allow. And financial institutions should have a duty of care to
their customers. Lawyers tell me that would get us closer to the common law
approach to fraud and bad dealing."
Vincent
Bénard
Objectif Liberte.fr
Egalement par Vincent Bénard
Vincent Bénard, ingénieur
et auteur, est Président de l’institut Hayek (Bruxelles, www.fahayek.org) et Senior Fellow de Turgot (Paris, www.turgot.org), deux thinks tanks francophones
dédiés à la diffusion de la pensée
libérale. Spécialiste d'aménagement du territoire, Il
est l'auteur d'une analyse iconoclaste des politiques du logement en France, "Logement,
crise publique, remèdes privés", ouvrage publié
fin 2007 et qui conserve toute son acuité (amazon), où il
montre que non seulement l'état déverse des milliards sur le
logement en pure perte, mais que de mauvais choix publics sont directement
à l'origine de la crise. Au pays de l'état tout puissant, il
ose proposer des remèdes fondés sur les mécanismes de
marché pour y remédier.
Il est l'auteur du blog "Objectif
Liberté" www.objectifliberte.fr
Publications :
"Logement: crise publique,
remèdes privés", dec 2007, Editions Romillat
Avec Pierre de la Coste : "Hyper-république,
bâtir l'administration en réseau autour du citoyen", 2003, La
doc française, avec Pierre de la Coste
Publié avec
l’aimable autorisation de Vincent Bénard – Tous droits
réservés par Vincent Bénard.
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