Ce
qui suit est une transcription de la conférence que j’ai donnée au sujet
d’Adam Smith à Boodles, à Londres, le 19 février
2013.
Pendant
longtemps, les gouvernements ont redistribué les revenus et le capital des gens
au nom de l’équité. Ils viennent en aide aux chômeurs, aux malades et aux
vieillards. L’Etat pourvoie. Il est possible d’en dépendre. La conséquence,
c’est que presque tout le monde, dans les pays développés d’aujourd’hui,
dépend de son gouvernement.
Malheureusement,
les citoyens commencent à manquer de capital. Puisqu’ils n’ont plus d’argent,
les gouvernements eux-mêmes sont insolvables. Ils ont commencé à imprimer de
la monnaie dans l’idée que cela pourrait améliorer la situation, et ils sont
désormais condamnés à imprimer toujours plus pour pouvoir survivre. La
conséquence inévitable de tout cela ? Toutes les devises papier n’auront
un jour plus aucune valeur.
Pour apprécier
l’échelle de ces problèmes, nous devons comprendre les erreurs de parcours
que représentent les politiques économiques et monétaires. Commençons par
l’économie.
Sciences
économiques
Les économistes
modernes se réfugient généralement dans deux zones de confort distinctes :
les preuves empiriques et les mathématiques. Ils sont persuadés que parce que
quelque chose s’est produit par le passé, il se reproduira un jour. La
faiblesse de cette approche consiste en la substitution des aléas de la
nature humaine par la précédence. Nous ne pouvons jamais être certains des
causes et des effets. Après tout, l’action humaine est subjective, et donc
imprévisible.
Les
mathématiciens aiment à penser que l’économie est une science physique, et
non une science sociale incertaine. L’économie est une branche de la
psychologie humaine. Il ne fait aucun sens d’appliquer les mathématiques à la
psychologie humaine.
En conséquence,
le travail effectué par les excellents économistes comme Adam Smith a été
détruit par l’économie moderne. Les économistes classiques expliquaient les
bénéfices de l’abolition des tarifs et des guildes. Cette révélation est ce
qui a donné naissance à la révolution industrielle. Et puis Marx est arrivé,
et a persuadé les gens que l’économie est une lutte de classes, et que les
économistes du marché libre ne font que promouvoir les intérêts des hommes
d’affaires bourgeois au désavantage des travailleurs. C’est devenu la
justification du socialisme et du communisme. Keynes et ceux qui l’ont suivi
n’ont jamais suffisamment mis à l’épreuve les faux raisonnements Marxistes.
Ils ne se sont jamais lancés dans une tentative de réfutation de ce qui est dévenu le socialisme.
Très peu savent
que Keynes était un socialiste. Dans la remarque finale de sa Théorie
Générale, il prône l’euthanasie du rentier (ou épargnant) et demande à ce que
l’Etat fournisse les ressources du capital d’investissement. Il voulait que
l’Etat contrôle les profits.
Keynes était
avant tout un mathématicien. Il n’était pas plus un économiste que Karl Marx,
dont les idées ont conduit à la destruction économique de la Russie et de la
Chine, ou que John Law, qui a plongé la France dans la banqueroute grâce à
des idées similaires à celles de Keynes.
Les faux
raisonnements du Keynésianisme sont si nombreux que le grand économiste
Autrichien Ludwig von Mises a dit lui-même que la
seule déclaration correcte qu’il est jamais formulée
est « sur le long terme, nous sommes tous morts ».
Laissez-moi vous
présenter une définition de l’économie le plus simplement possible. Nous
divisons le travail. Chacun d’entre nous est un consommateur, un entrepreneur
que ce soit en termes de salaire et de profits, et un épargnant en prévision
du futur. Nous investissons notre épargne pour améliorer la production.
Chacun d’entre nous remplit ces fonctions dans les proportions qu’il choisit
personnellement, et interagit avec d’autres personnes qui font la même chose.
Nous échangeons nos biens à des prix sur lesquels nous tombons mutuellement
d’accord, et utilisons de la monnaie pour faciliter les échanges. Nous utilisons
la monnaie pour suivre nos comptes, et pour que nos calculs signifient
quelque chose, notre monnaie doit être saine. Ensemble, nous formons la
société, en offrant des produits pour lesquels d’autres sont prêts à payer.
L'Etat ne joue
aucun rôle dans ce processus. Il représente un coût pour la société,
puisqu’il nécessite une part de notre revenu et de notre épargne pour
survivre. Plus l’Etat est important, plus le fardeau qu’il représente est
lourd. Il détruit la richesse potentielle de la société. Mais il ne s’arrête
pas là. Le socialisme force la vaste majorité à abandonner son rôle
d’épargnant et à reposer sur l’Etat. Les gouvernements sont partout encombrés
par des obligations qu’ils sont incapables de satisfaire.
Monnaie
Du point de vue
monétaire, nos erreurs remontent au Bank Charter Act
de 1844.
Le Bank Charter Act a donné à la Banque d’Angleterre le monopole de
l’impression de monnaie soutenue par l’or et la dette du gouvernement. Il n’a
pas empêché les autres banques d’émettre du crédit bancaire, ce qui a
entraîné des cycles économiques alimentés par le crédit, qui sont facteurs de
déséquilibres.
L’utilisation de
l’or pour soutenir les devises du gouvernement s’est petit à petit érodée dès
1890, après quoi un certain nombre de pays, dont l’Angleterre, l’ont
complètement abandonnée. Un système d’étalon de change or fut mis en place à Bretton Woods. Finalement, en
1971, le président Nixon mit fin à la convertibilité du dollar en or.
Depuis lors,
l'expansion de la masse monétaire n’a fait qu’accroître exponentiellement. Le
quantitative easing est désormais indispensable,
sans quoi les taux d’intérêt se mettront à monter.
Les politiques
monétaires des années 1920 ont été utilisées pour gérer une économie de plus
en plus instable. L’ironie, c’est que cette instabilité prend racine dans
l’expansion de la monnaie et du crédit. La croissance de la masse monétaire
et du crédit bancaire représente de la dette. Seuls très peu d’actifs ne sont
pas encombrés par cette dette. Les prix des actifs ont besoin de toujours
plus de monnaie et de crédit pour être soutenus. C’est un processus fini, qui
s’est terminé avec la crise survenue il y a cinq ans.
Voici la toile
de fond. Regardons maintenant à quoi ressemble la situation actuelle, cinq
ans après la crise. Quatre problèmes, qui sont liés entre eux, ne peuvent
être résolus : l’économie, les banques, les finances gouvernementales et
la démographie.
Economie
Les économies
avancées ont été progressivement sapées par l’intervention des gouvernements
et de la monnaie fiduciaire. Elles sont taxées et régulées à un tel degré que
le laissez-faire n’existe presque plus.
Les dépenses du
gouvernement s’élèvent généralement à 50% du PIB dans les économies les plus
avancées ; parfois plus, parfois moins. Pour les entreprises
productives, c’est un peu comme courir un marathon avec un bureaucrate sur le
dos qui leur hurle de courir plus vite.
La mauvaise
allocation des ressources économiques, qui est le résultat de décennies
d’intervention gouvernementale, ne pourra pas durer indéfiniment. Les
entreprises ont cessé d’investir, c’est pourquoi les réserves monétaires des
plus grosses sociétés sont si importantes. La monnaie n’est plus investie
dans la production, mais se dirige vers les bulles sur les actifs. Dot-com, le marché immobilier, et aujourd’hui les taux
d’intérêts zéro des obligations gouvernementales… Ces bulles ont servi à
dissimuler un malaise rampant. Il ne peut y avoir de reprise économique.
Notre coureur de marathon s’effondre sous le poids du bureaucrate qu’il
transporte.
Le fardeau
représenté par le gouvernement est désormais trop important pour que nous
puissions le supporter.
Banques
Les banques sont
endettées à hauteur de 25 à 30 fois, ce qui ne serait pas catastrophique si
elles pouvaient se tirer d’affaire. Mais ce n’est plus le cas. Elles sont
vulnérables à une mauvaise dette existante mais peu reconnue, et à la chute
du prix des obligations gouvernementales. Tout ce qu’il nous manque pour
entraîner l’effondrement des banques est l’absence de reprise économique. Cet
effondrement apparaîtra plus rapidement si un ralentissement survient. Tout
ce dont nous avons besoin pour réduire les valeurs collatérales est une
hausse des taux d’intérêts. Tout ce dont nous avons besoin, c’est d’une chute
des prix des actifs.
Et puis il y a
le système bancaire parallèle, qui selon la BRI s’élève à plus de 60
trillions de dollars, dont 9 trillions de dollars au Royaume-Uni. Si une
banque d’investissement s’effondrait, le système bancaire parallèle pourrait
rendre la protection des autres virtuellement impossible.
L’exposition
transfrontalière est une autre aire de risque. Les prêts transfrontaliers en
Europe s’élèvent à un total de 3,5 trillions d’euros : 1,2 trillion en
France, 700 milliards en Italie, et 500 milliards en Espagne. Et ce ne sont
là que les risques évidents. Cela veut dire qu’un défaut de la part de l’un
de ces trois pays signifie l’effondrement total du système bancaire Européen
et des autres.
Pour qu’un tel
évènement ne se produise pas, les banques centrales doivent rendre
disponibles des fonds illimités sous forme de crédit et de monnaie. Comme l’a
dit Mario Draghi, ‘elles feront tout ce qui sera
nécessaire’. Sa solution ? Imprimer assez de devises fiduciaires pour
sauver le système.
Finances
gouvernementales.
Depuis la crise
bancaire, les finances du gouvernement se sont énormément détériorées, et ses
dettes ont flambé. Aucun pays, si ce n’est certains membres de la zone Euro,
n’est parvenu à réduire les dépenses de son gouvernement, et ceux qui l’ont
fait ne l’ont fait que sous le poids de pressions financières et parce qu’ils
ne pouvaient pas imprimer de monnaie. Le fait est que partout, les dépenses des
gouvernements sont de plus en plus mandatées sous forme de pensions, de
services sociaux et d’assistance médicale, ce qui rend la réduction des
dépenses très difficile.
Jusqu’il y a
très récemment, tout le monde pensait que la reprise économique génèrerait
les taxes capables de rééquilibrer les bilans. Cela ne s’est pas produit, et
ne le peut pas. Dans la zone Euro, les gouvernements lèvent en moyenne plus
de la moitié des revenus de leurs citoyens, qu’ils re-déploient
ensuite de manière improductive. Prenez la France, par exemple. Son
gouvernement représente 57% de son PIB. Sa population est de 66 millions de
personnes. 25 millions d’entre eux travaillent, dont 17 millions dans le
secteur privé. Les taxes prélevées sur les salaires de 17 millions de personnes
servent à payer pour l’assistance de 66 millions de personnes. Les taxes
payées par 17 millions de travailleurs financent le gouvernement. Le secteur
privé est tout bonnement étouffé sous un fardeau qu’il ne peut plus
surmonter.
Les taux
d’intérêts auxquels empruntent les gouvernements sont entièrement
artificiels. Ils sont rendus artificiels par leurs propres interventions sur
les marchés de la dette. Ils se financent en imprimant de la monnaie qui leur
sert à racheter leur propre dette. Dès que ce processus prendra fin, et il le
fera, la monnaie fuira les obligations et même les propriétés dont le prix
aura été fixé sur des taux d’intérêts trop faibles. Les risques
d’augmentation des taux d’intérêts doivent être contrés par toujours plus
d’impression monétaire, parce que les gouvernements ne peuvent pas se
permettre de payer des taux d’intérêts plus importants, et ne peuvent pas non
plus laisser chuter les valeurs des actifs du secteur privé. L’inflation des
prix créera une crise bien réelle, peut-être même d’ici la fin de l’année.
Démographie
Aux Etats-Unis,
en Grande-Bretagne, au japon et en Europe, la population vieillit. Et c’est
une mauvaise nouvelle pour les finances des gouvernements. Lorsque quelqu’un
part à la retraite, il cesse de payer des impôts sur le revenu et devient un
hôte. Un taux de chômage élevé représente également des coûts conséquents,
parce que les chômeurs ne financent pas les obligations futures. Le
professeur Kotlikoff, de l’université de Boston, a
déterminé que pour l’année fiscale 2012, la valeur des obligations futures du
gouvernement des Etats-Unis est passée de 11 à 212 trillions de dollars.
L’économie des Etats-Unis ne représente que 15 trillions de dollars. Et
l’Europe est dans une situation bien pire : son pourcentage de
pensionnaires par rapport à la population de travailleurs est bien plus
élevé, son taux de chômage est élevé, et ses gouvernements sont très
importants en comparaison au secteur privé qui finance tout le reste. Le
Royaume-Uni, qui prend en compte ces facteurs, s’en tire un peu plus mal que
les Etats-Unis. Le Japon a les pires chiffres de taux de naissance et de
longévité qui soient. Il vend plus de couches pour les incontinents que pour
les nouveau-nés. La solution ? Imprimer toujours plus d’unités de devise
fiduciaire.
Conclusion
Les problèmes
économiques continuent de se développer. De faux raisonnements économiques
ont été suivis d’abord par Marx puis par Keynes au XXe siècle, et les
politiques monétaires ont pris un mauvais tournant avec le Bank Charter Act de 1844. Le remplacement progressif de la monnaie
saine par de la monnaie fiduciaire a détruit les calculs économiques et le
capital du secteur privé. Ces politiques étaient délibérées. Nous n’avons
désormais plus assez de capital disponible susceptible d’être transféré
depuis les individus vers les gouvernements. C’est là que nous en sommes
aujourd’hui.
Les
gouvernements tenteront toujours de se préserver eux-mêmes aux dépens de
leurs citoyens, et détruiront le capital qu’il reste en cours de route.
Il n’y a qu’une
issue possible : la banqueroute des gouvernements. Cela signifie que
leurs devises fiduciaires finiront par perdre tout leur pouvoir d’achat.
Quand cela se
produira-t-il ? Bien plus tôt que ce que nous pourrions penser. Le Japon
est à l’orée du trou noir, et sa devise commence à s’effondrer. Le
Royaume-Uni est au bord du gouffre et ne peut plus se permettre d’autres
chutes de la livre sterling sans entraîner une inflation qui forcera un
redressement des taux d’intérêts et entamera sa descente vers
l’insolvabilité. L’Europe pourrait s’effondrer à tout moment. Les Etats-Unis
s’en tirent probablement mieux que les autres, mais même leur économie est en
très mauvais état.
Je ne vous dis
pas cela parce que je suis morose, mais parce que j’aborde l’économie sans
émotion et sans influence politique. Je vous dis cela parce que j’ai pris en
considération notre position économique et monétaire en utilisant des
théories aprioristes solides.
Merci.