Les marchés pris de
secousses et de soubresauts ne sont pas exactement ce qu’ils semblent être. L’idée
générale est que ces mouvements représentent une sorte de péristaltisme
financier – des cycles éternels du progrès qui nous mèneront vers toujours
plus de tout, et surtout plus de profits ! Oubliez les cycles soi-disant
« normaux » de notre monde techno-industriel et les cycles
économiques que vous ont décrit vos manuels scolaires. Ces cycles sont
aujourd’hui en fin de vie.
Ils sont en fin de vie
parce qu’il existe bel et bien une limite à la croissance, avec laquelle nous
sommes aujourd’hui aux prises. Le problème, c’est que nous ne sommes pas
capables de percevoir la manière dont elle s’exprime, moins encore en termes
politiques. Ce qui se profile à l’horizon n’est pas une « récession »,
mais une contraction permanente de ce qui est devenu normal il y a plus de
deux-cent ans. Nous n’aurons jamais plus de tout, plus de profits, plus d’orgies
de rachats d’actions telles que celle qui a animé les administrations des
entreprises et qui sera bientôt reconnue pour ce qu’elle est réellement :
une opération de dépouillement d’actifs.
Ce qui se passe aujourd’hui
est une contraction permanente. Rien n’est éternel, et cette contraction ne
sera qu’une phase d’une transition plus grande encore. Les prêcheurs d’abondance
et les techno-narcissistes voudraient continuer de croire que nous avançons
vers une ère plus opulente encore de merveilles technologiques – toute une
vie assis dans un fauteuil inclinable, tablette en main, le monde à la portée
de nos doigts ! Je ne suis pas d’accord. Nous avançons vers une nouvelle
ère médiévale, et la transition sera difficile, parce qu’il n’y a tout
simplement plus assez de ressources pour tout le monde, et les populations du
monde ne tarderont pas à se taper dessus pour ce qu’il reste.
Si nous sommes chanceux,
nous en reviendrons à une ère médiévale. Il n’est absolument pas garanti que
la contraction s’arrête là. Encore moins si nous n’acceptons pas ce qui nous
arrive – et au vu de la manière dont nous y répondons aujourd’hui, il est
difficile de rester optimiste quant à une éventuelle amélioration de
comportement. Un retour à l’ère médiévale impliquerait de vivre en fonction
des revenus en énergie solaire de la planète. Je ne veux pas dire par là
grâce aux panneaux photovoltaïques, mais plutôt grâce à ce que la planète
aura à nous offrir en termes de plantes et d’animaux. Une contraction de la population
humaine sera nécessaire. Sans oublier une opération de préservation de
ressources de long terme.
Tous les mouvements des
indices boursiers et toutes les décisions des banques centrales ne sont qu’une
diversion, une mise en scène théâtrale dans le grand spectacle de la
contraction. Les gouverneurs de la Réserve fédérale jouent le rôle de vizirs dans
ce mélodrame comique. Ils sont des figures exaltées vêtues de popelines Brook
Brothers en coton qui prétendent avoir un pouvoir surnaturel sur les
évènements. Et si leur récente assemblée peut nous apprendre quelque chose, c’est
qu’ils commencent à douter de la longévité de leurs superpouvoirs. Les débats
interminables autour de l’ajout d’un maigre quart de point aux taux d’intérêt
ressemble à une querelle d’alchimistes quant à la susceptibilité pour une
hausse de température d’un quart de degré de transformer un bloc de glaise en
pépite d’or.
Ce qu’ils font n’a plus
aucune importance. Tout ce qui importe, c’est qu’une grande majorité de la « richesse »
nationale qu’ils ont faite apparaître comme par magie depuis dix ans est sur
le point de partir en fumée – Pouf ! Peut-être cela ressemblera-t-il à
un tour de magie noire… Tout ce capital semblait si réel ! Tous ces
portefeuilles aux allocations exquises ! Toutes ces options ingénieuses !
Et les astucieuses positions à découvert, les paris dangereux sur de
sinistres produits dérivés ! Tout partira en fumée. La triste vérité, c’est
que rien de tout ça n’a jamais existé. Tout n’était qu’une hallucination
induite par la manipulation des marchés et des statistiques, et en
particulier des chiffres de l’emploi.
Selon les rumeurs, la
plus grande de tous les magiciens, Mme Yellen, flirterait actuellement avec
une inculpation suite à la « fuite » de précieuses informations au
sein de son cercle de profiteurs potentiels. Oups. Voilà qui ne nous mènera
peut-être nulle part, mais à mes yeux, il s’agit d’un indice de sa perte de
crédibilité. Depuis le début de l’année, elle n’a cessé de débiter des
mensonges idiots quant au rôle des « chiffres » dans la prise de
décisions de la Fed. Seuls ses chiffres sont contraires à ce qui se passe
réellement dans la machine de Rube Goldberg qu’est devenue l’économie
américaine. Ses « conseils » ne sont rien de plus aujourd’hui que
des battements de tambour incessant qui descendent dans la vallée depuis la
plus haute tour du château de la Fed dans l’espoir de faire pleuvoir la
prospérité. Ses déclarations énigmatiques ont jusqu’il y a très peu de temps
forcé les marchés financiers dans un très étroit couloir.
L’enchantement a été
brisé, et les vizirs qui peuplent les couloirs décisionnels de la Fed
ressemblent de plus en plus aux blaireaux larvaires qu’ils sont réellement. Où
se trouve donc le Salut de notre nation ? Dans l’esprit volontariste de
notre grand Trump, pardi ! Lui qui dit vouloir refaire de l’Amérique une
marque de grandeur ! Que veut-il dire par là ? Refaire des
Etats-Unis ce qu’ils étaient en 1958 ? Préparez-vous au grand retour des
laminoirs d’acier le long des rives de la rivière Monongahela ! Mais
bien sûr…
Je le redirai encore une
fois : préparez-vous à vivre dans une société plus limitée et plus
locale. La vie à grande échelle ne durera pas. Organisez-vous localement,
dans un endroit qui aura des chances de prospérer : une petite ville au
potentiel agricole, de préférence à proximité d’un fleuve pour que puissent
continuer les échanges commerciaux en l’absence de l’industrie des
transports. Tiré par les cheveux ? Peut-être. Continuez d’acheter des
actions Tesla et de fermer les yeux devant l’inévitable. Vénérez les grands
vizirs et leurs costumes Brooks Brother à motifs étoilés. Mettez votre tête
entre vos jambes et soufflez-vous un baiser d’adieu.