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À l’heure où
sévit une véritable crise de la représentation politique, et où
« l’énarchie » semble dominer la vie politique française, il semble
indispensable de s’intéresser aux sources des nombreux blocages
institutionnels et politiques que connait notre pays. Nous soutenons, dans
une récente note
publiée par la Fondation pour l’Innovation Politique, que pour être ouvert au
changement, l’État doit diversifier son élite administrative et politique.
Le mode de
recrutement, de formation et d’organisation des carrières des hauts
fonctionnaires chargés d’administrer un pays est au cœur du dispositif
bureaucratique. Les politiques publiques en sont fortement impactées. À cet
égard, les comparaisons internationales sur cette question ont montré que
deux modèles distincts se sont constitués historiquement : celui d’une
administration autonome, professionnalisée et stable à travers le temps quels
que soient les changements politiques, et celui d’une administration dotée de
nombreux canaux de recrutement et qui est renouvelée dans sa direction en
fonction des changements de majorité politique. Ces deux modèles diamétralement
opposés sont ceux de la France et des États-Unis.
En France, les
grands commis de l’État passent par quelques grandes écoles publiques dont le
seul objectif est de les préparer à des concours de la fonction publique et
sont sélectionnés pour cela à l’entrée… par un concours. Ce recrutement
monolithique des élites administratives se reflète sans surprise dans le
profil à la fois des ministres, de leurs conseillers et des directeurs
d’administrations centrales. Pour donner un exemple concret, selon une étude
récente de l’IREF 61,4 % des personnes les plus influentes à Bercy en 2013 étaient issues
soit de Sciences-Po, soit de l’ENA, soit de Polytechnique. D’autre part,
l’organisation statutaire de la fonction publique, la rémunération à
l’ancienneté, et l’organisation en grands corps d’État favorisent également
le phénomène de « dépendance au sentier », autrement dit la
reconduction systématique de solutions passées par habitude. Tous ces
éléments qui caractérisent la haute fonction publique en France ont un double
impact négatif sur le débat public. D’une part, les élites administratives et
politiques, par leur manque de diversité et d’ouverture à la société civile,
peinent à trouver de nouvelles solutions face aux nouveaux enjeux. D’autre
part, le monopole qu’elles exercent sur l’expertise – au détriment d’autres
organismes comme les think tanks – donne le
sentiment que les idées et les décisions en matière de politique publique
échappent aux citoyens et à leurs représentants (élus, associations…).
Dans le cas
des États-Unis, notre note tend à montrer que la tendance est au contraire
vers une diversification croissante des profils et vers un renouvellement accru
du recrutement à la tête des administrations. En effet, pour les plus hauts
échelons de la hiérarchie administrative, le recrutement se fait de manière
contractuelle, ce qui permet au Président nouvellement élu de recruter près
de 3 500 personnes en dehors d’un corps d’état professionnalisé. Il y a une
réelle compétition entre des universitaires, des experts, des militants
politiques et divers acteurs de la société civile pour être invités à
participer à l’action gouvernementale du Président nouvellement élu. Les
compétences acquises en dehors du secteur public sont largement valorisées,
ce qui peut expliquer la très forte représentation de personnes issues du
privé, des think tanks ou du monde universitaire.
L’étude de l’IREF (citée plus haut) nous révèle ainsi que parmi les décideurs du trésor
américain, trois sur cinq ont fait une partie de leur carrière dans le privé.
Disposer d’une
élite administrative diversifiée permet de bénéficier de compétences très
différentes, toutes utiles à la bonne marche d’un État. Remarquant que la
mise en place d’une politique est d’autant plus efficace que les équipes sont
motivées et recrutées pour cela, il devient urgent de favoriser l’émergence
de directeurs d’administration de tous horizons.
Lien vers
l’étude : http://www.fondapol.org/etude/kevin-brookes-b...administration/
S’il est
possible de mettre en lien l’étude de l’IREF : target="_blank" http://fr.irefeurope.org/Qui-sont-ceux-qui...-Finances,a2712
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