Introduction : l'erreur des libéraux.
"On croit généralement, et ce fut là l'erreur des économistes qu'on
nomme "libéraux", que le raisonnement a une grande influence pour
déterminer les actions sociales des hommes.
Rien n'est plus faux :
ce sont les sentiments et les intérêts qui déterminent principalement ces
actions,
et pour certaines d'entre elles, les sentiments priment les intérêts."
Telle était l'opinion de Vilfredo Pareto
(1848-1929) sur la grande erreur de ses "amis" libéraux, qu'il
avait écrite dans un article intitulé "Le raisonnement et l'évolution
sociale", Journal de Genève, 16 mai 1903, il y a donc 100
ans.
Dans un article antérieur intitulé "Psychologie du
socialisme", Zeitschrift für Socialwissenschaft,
III, 1900, p. 599-601, il avait insisté sur le point complémentaire
suivant:
"On a beaucoup parlé de ce livre - Gustave Le Bon : Psychologie
du socialisme, Paris, Félix Alcan, vii-496 pages - et il
mérite d'être lu.
L'auteur est un adepte d'une certaine religion patriotique et
anthropologique, il voit dans les socialistes des concurrents et il les
combat vivement.
Son idée fondamentale, c'est que :
« alors que les religions, fondées sur des chimères, ont marqué leur
indestructible empreinte sur tous les éléments de civilisations et continuent
à maintenir l'immense majorité des hommes sous leurs lois,
les systèmes philosophiques, bâtis sur des raisonnements, n'ont joué qu'un
rôle insignifiant dans la vie des peuples et n'ont eu qu'une existence
éphémère.
Ils ne proposent en effet aux foules que des arguments,
alors que l'âme humaine ne demande que des espérances. » (p. V).
C'est la vérité, mais ce n'est qu'une partie de la vérité.
Pour qu'une impulsion donnée aboutisse à un résultat utile, il faut deux
choses :
1º que les hommes cèdent à cette impulsion ;
2º qu'elle soit en harmonie avec les lois de la nature, qu'elle ne se heurte
pas à des impossibilités objectives.
Portez votre attention sur une seule de ces conditions et vous aurez une
théorie qui ne sera vraie qu'en partie.
Si vous ne considérez que la première condition, vous donnerez une part
prépondérante, exclusive, au sentiment, car en effet seul le sentiment
entraîne les hommes.
Si vous ne vous occupez que de la seconde condition, la science aura le
premier rang, car en effet c'est la science seule qui nous fait connaître les
lois de la nature.
Qu'ont à faire le sentiment, la religion, avec les découvertes de la
boussole, de la navigation astronomique, des bateaux à vapeur, des chemins de
fer, des télégraphes, des armes de guerre modernes, etc.
M. Le Bon voudrait-il soutenir que toutes ces découvertes n'ont pas « marqué
leur empreinte sur tous les éléments de la civilisation » ?
Pour entraîner des hommes au combat, il faut agir sur leurs sentiments, sur
leur religion,
mais pour qu'ils gagnent la bataille, il ne faut pas les faire combattre avec
des flèches contre des canons à tir rapide, ni les mettre sous les ordres
d'un général qui ignore la stratégie et la tactique.
Le sentiment et la raison ont chacun leur part, et aucune de ces deux parts
ne peut être négligée.
Il faut se hâter d'ajouter que notre auteur reconnaît l'influence du facteur
économique et corrige ainsi ce que sa théorie présente de trop absolu, au
moins pour le présent.
« Les facteurs économiques et industriels, dont le rôle fut longtemps très
faible, prennent maintenant une influence absolument prépondérante », p. 248.
Nous doutons pourtant encore que même appliquée seulement au passé, la
théorie soit exacte."
Tout cela est bel et bon, mais Pareto est muet sur la question première qui
est celle des règles de droit.
Où les situe-t-il dans son canevas théorique?
On ne sait.
Et, justement, pour cette raison, les réglementeurs
du XXè siècle vont créer une suite de chaos sans
précédent, à partir de la décennie 1930, dont l'économie mondiale n'est
jamais sortie (cf. ce texte d'avril
2013).
1.
Droit et échange.
Les règles de droit, de justice naturelle (propriété, responsabilité et
liberté d'échange), étant en vigueur, respectées dans un pays, force est de
reconnaître que les personnes juridiques font des échanges synallagmatiques
de marchandises estimés, plus ou moins coûteux car, comme l'a écrit Frédéric Bastiat
en 1850:
"[...] l'homme échange parce qu'étant intelligent et sociable, il
comprend que c'est un moyen d'augmenter le rapport du résultat à l'effort.
"
"[...] Or les hommes rémunèrent les services selon l'importance qu'ils y
attachent.
S'ils n'échangeaient pas ils se rendraient le service à eux-mêmes; et par
quoi seraient-ils déterminés, si ce n'est par la nature et l'intensité de leurs
désirs? "
Soit dit en passant, économiquement, d'un côté, pas de volonté d'échange des
marchandises, pas besoin ou désir de monnaie ; de l'autre, à l'extrême, il y
a des échanges de marchandises incapables à réaliser à cause de leur coût
estimé trop élevé.
2. Echange et moyen d'échange.
Etant donné des échanges de marchandises impossibles ou plus ou moins coûteux
à réaliser, les personnes juridiques recherchent des moyens d'échange et en
trouvent pour diminuer le coût des échanges.
Moyen d'échange trouvé dans un passé lointain et longtemps récurrent, ce
qu'on a dénommé "monnaie".
3. Monnaie et quantité de monnaie.
Depuis lors, la monnaie existe en quantité et sa quantité unitaire n'est
autre que le prix en monnaie échangé de telle ou telle marchandise, d'un
commun accord entre deux personnes juridiques, qui n'est rien d'autre que le
taux d'échange convenu.
Pour sa part, la quantité de monnaie en circulation qu'on peut mesurer au
travers de la vraie comptabilité ne doit pas cacher
- ni la marchandise monnaie qu'elle est et
- ni les prix en monnaie, i.e. les taux d'échange convenus des quantités de
marchandise dans des quantités de monnaie, les quantités de monnaie unitaires
conclues.
4. Monnaie et monnaie réglementée.
Il reste que la référence à la quantité de monnaie en circulation est une
façon de ne pas insister sur les réglementations directes ou indirectes que
le législateur a inventées, a fait exploser au XXè
siècle et qui la perclusent.
Aujourd'hui, la quantité de monnaie en circulation n'est jamais qu'une
quantité de "monnaie réglementée".
A écouter le législateur, ces réglementations ont pour objet de limiter des
règles de droit actuelles jugées pernicieuses ou de promouvoir de nouvelles
réglementations jugées bienfaisantes.
La malfaisance ou la bienveillance ne sont guère justifiées...
A coup sûr, la "monnaie réglementée" est un oxymore.
5. Coût de l'échange et coût du moyen d'échange.
Reste que, dans le passé, la monnaie, moyen d'échange, a diminué le coût
d'opportunité des échanges, sinon elle n'aurait pas vu le jour.
Mais la diminution n'a pas conduit le coût à devenir "zéro", ne
serait-ce qu'à cause de la quantité de monnaie en circulation qui cachait un
coût de production.
Le coût de production a fait que la diminution (en valeur absolue) du coût
d'opportunité des échanges est inférieure à ce qu'elle aurait pu être.
Soit dit en passant, laisser de côté le coût d'opportunité des échanges amène
à parler d'une situation économique avec quantité de monnaie en circulation
dans quoi ce coût est supérieur à la réalité dans une mesure à faire valoir
indéterminée.
Et des économistes de certaine
école de pensée en arrivent à considérer non pas les bienfaits
qu'occasionne la quantité de monnaie, mais les méfaits qu'elle impliquerait,
opposant ainsi leur rêve à la réalité.
6. Monnaie réglementée et coût de l'échange.
Les théories économiques font apparaître que les réglementations de la
quantité de monnaie n'ont jamais été mises en relation avec le coût des
échanges dans le passé.
Pourquoi ce choix tacite?
Les économistes n'ont-ils rien à dire sur la question ou bien ne veulent-ils
pas qu'il y ait débat sur le point ?
Comment, par exemple, S. Skaperdas (1992) ose-t-il situer son raisonnement
économique sur l'échange dans un univers économique sans droit de propriété?
Et
ses suiveurs ou lui-même de s'engouffrer dans ses absurdités pour en arriver,
par exemple, à ce texte
de 2006?
7. Coût de l'échange ou emploi/chômage.
Aujourd'hui où ce qu'on dénomme "monnaie" n'est jamais qu'un
ensemble de réglementations en évolution réglementaire permanente,
où "monnaie réglementée" est un oxymore et
où, en une partie de l'Europe géographique, une "union
bancaire" est en route réglementaire dans ce qu'on dénomme la
"zone €uro",
la question du coût de l'échange est primordiale.
Malheureusement, elle n'est jamais évoquée par les réglementeurs
qui ignorent la notion de "coût d'échange" (cf. textes de la zone €uro
ou de l'Union
européenne).
L'accent est mis, à la place, sur de fausses théories économiques et articulé
sur l'emploi ou le chômage.