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A mon sens, écologie et économie, cela
devrait être le même combat. Si l’on tend à opposer
ces deux notions, c’est au nom d’une conception
déformée de la science économique et d’une
récupération outrageusement politique de
l’écologie.
La définition stricte de la science économique est à ce
propos sans équivoque: l’économie,
c'est la « gestion des ressources rares ».
L’économie, c’est donc une « écologie sociale
» ; c’est l’écologie de la société
dans le sens où les phénomènes économiques et
sociaux obéissent aussi à une sorte
d’écosystème complexe et fragile qu’il est
dangereux de déséquilibrer au nom d'une vision mécanique
de l'économie sur laquelle se fondent la plupart des modèles macroéconomiques.
L’économie, c’est donc l’art de gérer la
rareté. La première des raretés, qui détermine
toutes les autres et nous oblige à faire des choix, c’est le
temps. Chaque être humain est doté d’un capital temps
limité, et son intelligence le poussera à en faire le meilleur
usage possible, étant entendu que le temps
perdu se rattrape difficilement. L'homme est donc poussé par une
recherche naturelle de l'efficacité (productivité du travail): comment rendre le travail plus productif (et moins
pénible) afin d'économiser notre temps consacré au
travail ? Toute l’évolution technologique est orientée en
ce sens.
La deuxième rareté: ce sont les
contraintes naturelles. J’emploie à dessein le terme de
« contrainte » plutôt que de « ressource ». En
effet, on s’effraie aujourd’hui à propos de
l’épuisement des réserves de pétrole comme
l’on craignait au XIX° siècle de manquer de charbon. A l’époque où Rockefeller entrevoit le
potentiel économique du pétrole, cette matière
était considérée comme un « déchet naturel
». A l’état brut, le
pétrole n’avait aucune valeur. Aujourd’hui encore, ce sont
tous les dérivés du pétrole qui ont une valeur
économique. Pour l’instant, compte tenu de l’état
de la technologie, les carburants sont issus du pétrole mais ce n’est pas une donnée immuable comme
le montre le développement des biocarburants.
Autrement dit, c’est la valeur ajoutée (et le terme «
ajoutée » est fondamental : ajoutée par le travail
humain, l’unique ressource rare) qui confère une valeur aux
matières brutes.
De déchet naturel, le pétrole est devenu « or noir
» à partir du moment où un innovateur quelque part en
Europe a déposé un brevet sur le moteur à explosion. Et
l’on dépose chaque jour des milliers de brevets dans le monde
notamment sous l’effet de la compétition économique.
C'est bien le rôle de l'innovation technologique que de chercher
à économiser le facteur qui est le plus cher. L’enjeu
actuel est de faire en sorte que l’activité humaine consomme de
moins en moins de ressources naturelles et de facteurs environnementaux. Il
faut donc encourager les innovations impulsées par les signaux du
marché. Car lorsque les processus de marché fonctionnent bien
(ou ne sont pas empêchés de fonctionner), la rareté se
traduit par un prix élevé en vertu du principe
élémentaire « tout ce qui est rare est cher ». En
économisant le facteur le plus coûteux, l’entreprise
économise du même coup la matière la plus rare, celle
qu’il s’agit précisément de préserver.
C’est pour cela qu’elle innove.
Pour que ce mécanisme économique élémentaire
fonctionne, il faut donc accepter de mettre un prix aux choses, et notamment
à la nature. Car les gaspillages - et les pillages - commencent précisément à partir du
moment où l'on neutralise les phénomènes
économiques, en faisant croire que certaines ressources sont gratuites
comme si elles existaient en quantités illimitées.
On dit que l'éléphant est menacé à cause de la
valeur commerciale de l’ivoire. Pourtant la vache n’est pas
menacée à cause de la valeur commerciale du lait ou de sa
viande pas plus que le poulet n’est en voie de disparition à
cause de la valeur commerciale des œufs ou de sa viande. Le
problème n’est pas la valeur commerciale en soi ; le
problème n’est pas l’activité marchande en soi ; le
problème réside dans la définition des droits de
propriété [1]. Le rôle de l’Etat
est de mettre en place les institutions qui permettent de définir,
garantir et protéger les droits de propriété, non de
s’échiner à rendre tout gratuit.
On affirme aussi que la biodiversité est menacée à cause
de l’activité humaine. Mais ce n’est considérer
qu’une partie du phénomène. L’activité
agricole a aussi contribué à accroître la
biodiversité. Parmi les espèces de fruits et de légumes
que nous consommons chaque jour, très peu existait à
l’état naturel. L’homme est à l’origine de la
création de nouvelles espèces. Il est donc plus exact de dire
que l’activité humaine transforme la nature ; et que cette
transformation entraîne l’épuisement de certaines
ressources, le renouvellement d’autres ressources mais qu’elle
permet aussi de créer de nouvelles richesses. C’est absolument
inévitable. C’était déjà vrai à
l’ère du néolithique où survivaient tant bien que
mal quelques milliers d’individus ; c’est a fortiori vrai
aujourd’hui alors que vivent plus de 6 milliards d’individus sur
la planète.
La
biodiversité naturelle n’est pas toujours une bonne chose pour
l’être humain. Le virus de la peste, de la malaria et tant
d’autres cadeaux empoisonnés de la nature font partie de la
biodiversité que l’homme s’est acharné à
éradiquer. Et il est heureux que ces créatures soient
menacées de disparition car leur développement constituait une
menace pour l’homme lui-même. Dans le discours écologique
primaire, il y l’idée communément admise que la
protection de la nature s’impose comme une évidence et que
l’homme est un animal nuisible qui constitue une menace pour la nature.
L’homme existe avec la nature mais mène
aussi un combat permanent contre la nature. Dans certains cas, au nom de la
protection de l’homme, c’est la nature elle-même qui
constitue une menace. Dans ce combat ancestral contre les risques naturels,
la science (c’est la capacité humaine unique à produire
de la connaissance) constitue le meilleur allié pour l’homme.
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Jean
Louis Caccomo
Chroniques en Liberté
Jean
Louis Caccomo est Docteur en sciences
économiques de l'université d'Aix-Marseille II et maître
de conférences à l'université de Perpignan. Il
intervient comme expert international dans de nombreux programmes de
coopération (Maroc, Algérie, Ukraine, Thaïlande, Mexique,
Syrie, Comores, Chine, Canada, USA).
Les vues présentées par Jean Louis Caccomo
sont les siennes et peuvent évoluer sans qu’il soit
nécessaire de faire une mise à jour. Les articles
présentés ne constituent en rien une invitation à
réaliser un quelconque investissement. L’auteur,
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