Edmond About
est un romancier du XIXe siècle, connu pour son livre L’homme à l’oreille
cassée qui inspira Hergé. Aujourd’hui tombé
dans l’oubli, il est néanmoins revenu sur le devant de la
scène avec les déboires de la Grèce en 2010.
En effet, en
1855, dans La Grèce
contemporaine, qui est à la fois un récit de voyage et un
redoutable pamphlet, il décrivait la Grèce comme un pays qui
« vit en pleine banqueroute depuis le jour de sa naissance ». Et
il ajoutait : « si la France et l’Angleterre se
trouvaient seulement une année dans cette situation, on verrait des
catastrophes terribles ».
Ces propos
n’ont pas été complètement oubliés. En 2011,
c’est un journal Allemand, Die Zeit, qui avait publié un chapitre de La Grèce contemporaine sur les
finances, au moment où les instances bruxelloises tentaient de sauver
la Grèce. Die Zeit expliquait que les plans de sauvetage et les
réformes resteraient vains et inefficaces tant que la Grèce
n’aurait pas adopté des institutions moderne et réduit le
nombre de ses fonctionnaires.
Aujourd’hui
c’est l’éditeur Berg
International qui publie en France quelques extraits de ce livre sur la
Grèce, accompagné d’un chapitre sur la liberté
économique. Mais qui était Edmond About ?
Écrivain,
journaliste et critique d'art français, membre de
l’Académie française, Edmond François
Valentin About est né le 14 février 1828 en Lorraine,
à Dieuze. Il fait ses études à Paris au lycée
Charlemagne et remporte le prix d’honneur de philosophie au Concours général.
Il entre
à l’école normale supérieure en 1848, où
Hippolyte Taine est son camarade de classe, et il est reçu premier
à l’agrégation des lettres. Il poursuit sa formation
à l'École française d'Athènes pendant deux ans
avant de renoncer à l’enseignement pour se lancer dans une
carrière littéraire.
En 1855, il
publie La Grèce Contemporaine,
qui le rend tout de suite célèbre dans la France entière.
Il collabore au Figaro sous la
signature de Valentin de Quevilly et à diverses revues : La Revue Des Deux-Mondes, Le Moniteur Universel, Le Constitutionnel, L’Opinion Nationale et La Nouvelle Revue de Paris. Il est
considéré comme l'un des journalistes les plus brillants et
pleins d'esprit de sa génération. Ses analyses
économiques et politiques sont très prisées. On le
surnomme « le nouveau Voltaire ».
About avait
parfaitement compris l’évolution de la société et
la montée en puissance de la presse. Il a anticipé
l’arrivée de nouvelles catégories de lecteurs, notamment
en provenance de la classe ouvrière. Pour lui, le journalisme doit
s’adresser au grand public, il a pour mission d'instruire et de
convaincre. Il peut également devenir un tremplin pour le pouvoir.
About
connaîtra d’autres succès littéraires avec
notamment Le roi des montagnes
(1857) et Le Nez d'un notaire
(1862) ou L’homme à
l’Oreille Cassée (1862) et Les Mariages de Province (1868).
En 1868,
Edmond About publie un essai sur l'organisation économique et sociale
: A.B.C. du Travailleur. Un
chapitre de ce livre, intitulé La
liberté, est republié dans la petite collection chez Berg
International, suivi de l’extrait de La Grèce contemporaine. À l’origine, cet ABC était un petit
traité d’économie écrit par Edmond About à
la demande d’un groupe de travailleurs. Plus précisément,
il s’agissait d’un exposé simplifié du Catéchisme d’économie politique
de Jean-Baptiste Say, écrit en 1815 et sous-titré : ou instruction familière qui montre
de quelle façon les richesses sont produites, distribuées et
consommées dans la société.
Dès
l’introduction, Edmond About écrit : « Le seul
livre réellement élémentaire est le catéchisme
de Jean-Baptiste Say : un chef-d’œuvre de bon sens et de bonne
foi ». Et il pose la question : pourquoi la grande
majorité d’un peuple comme le nôtre ignore-t-il
encore les lois économiques, « lois éternelles,
immuables, dérivées fatalement de la nature elle-même » ?
Autre question : pourquoi les pauvres haïssent-ils
généralement les riches ? Il répond :
« vous ne savez donc pas que vous seriez cent fois plus pauvres,
c’est-à-dire travaillant plus pour gagner moins, s’il
n’y avait que des pauvres autour de vous ? »
Trois
principes se dégagent de cet exposé :
·
Le caractère
sacré du droit de propriété ;
·
la liberté du travail
et le libre-échange (c’est l’objet de notre texte) ;
·
l'association, qu'il
considère un remède à toutes les difficultés
sociales.
About rejette
tout antagonisme entre le travail et le capital. D’où sa formule
: « C'est le travail qui produit le capital et le capital, à son
tour, travaille et nourrit son créateur ».
About commence
par faire une petite histoire de la liberté en France, évoquant
d’abord l’Ancien Régime et la Révolution
française. À la manière d’un Constant ou
d’un Tocqueville, il ne manque pas de souligner
l’ambiguïté de 1789. En voulant instaurer la liberté
politique on a sacrifié toutes les autres libertés, en
particulier la liberté économique.
Ses critiques
vont ensuite contre deux grandes tendances qui divisent la
société française : les conservateurs et les
socialistes. Les premiers sont protectionnistes, les seconds sont utopistes
mais tous sont des ennemis de la concurrence et de la liberté
économique.
L’État
doit se charger des services indispensables à la
sécurité, dit About. Il doit protéger les citoyens. Mais
il ne doit pas se faire l’administrateur du travail et des
échanges. « Le gouvernement, écrit-il, est institué
pour protéger la sécurité collective et individuelle des
citoyens contre les ennemis du dehors et les malfaiteurs du dedans :
voilà son rôle. Mais les princes ont cru longtemps, trop
longtemps, qu’ils étaient tenus de descendre aux moindres
détails et d’abaisser leur protection sur nos petits
intérêts de cuisine et de boutique ».
Quant aux
socialistes, selon lui, ce sont des « charlatans de
l’économie politique », des
« vendeurs de pierre philosophale » qui promettent le paradis sur terre. Mais avec
moins de clairvoyance, il pense que le socialisme « a livré
son dernier combat » en 1848, « non seulement vaincu,
mais désarmé par le progrès des lumières et le
redressement des esprits ». Contrairement à la
Grèce, l’histoire ne lui donnera pas raison sur ce point.
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