En
ces temps de divulgation des télégrammes diplomatiques
américains par WikiLeaks, on se prend
parfois à rêver. A se croire autorisé à regarder
par le trou de la serrure, ou bien à écouter aux portes, pour
mieux couvrir l’actualité. Par exemple, afin
d’être en mesure de rapporter comment les Allemands et les
Français poursuivent entre eux les négociations en vue de
juguler la crise européenne, ou bien comment les Français
préparent leur présidence du G8 et du G20.
Toutefois,
si l’on en croit le Spiegel, une autre question aurait pris le dessus
en fin de semaine. Wolfgang Schäuble et
Christine Lagarde, ministres allemand et français des finances, se
seraient en effet rencontrés vendredi soir à Strasbourg, et
l’une de leurs décisions aurait été
d’inciter le Portugal – qui continue de résister –
à demander à bénéficier du plan de sauvetage
européen. Afin que l’Espagne et la Belgique, les suivants, ne
soient pas dans l’obligation d’en faire autant. On croit revivre
l’épisode irlandais.
L’ordre
du jour de cette rencontre était chargé et, selon la même
source, incluait un tour d’horizon plus vaste. Allemands et
Français ne parvenant toujours pas à se mettre d’accord
sur les dispositions à prendre.
Déjà,
les premiers ont concédé qu’il faudrait si
nécessaire accroître les moyens du fonds de stabilité
financière, mais obtenu de ne pas devancer l’appel. En attendant
de le pérenniser, après l’avoir reconfiguré, ce qui
fait débat.
La
possibilité de mettre à contribution les créanciers en
cas de restructuration de dettes souveraines a déjà fait couler
beaucoup d’encre. Mais une autre disposition proposée par les
Allemands devrait en faire autant, vu ses implications. Les Etats qui
feraient appel au nouveau mécanisme devraient négocier avec lui
des engagements de réduction des déficits, sans que les chefs
d’Etat et de gouvernement n’aient leur mot à dire. Une
nouvelle disposition qui fait écho aux préoccupations de la BCE
réclamant que ce processus soit indépendant.
La
banque centrale devrait être satisfaite d’une autre proposition
allemande, qui prévoit que le futur organisme de sauvetage pourra
intervenir sur le marché obligataire, la remplaçant alors
qu’elle cherche à se désengager. Il en résulterait
un partage du travail : à la BCE le soutien des banques, aux
Etats celui de leur coreligionnaires, via cet organisme auquel ils
apporteraient leur garantie financière.
Les
Français, pour leur part, tentent de mettre en avant une formule
attribuant au Conseil européen, qui regroupe les chefs d’Etat et
de gouvernement, les prérogatives plus ou moins étendues
d’un gouvernement économique. Afin de se donner un
terrain et des marges de manœuvre, d’échapper à une
rigueur budgétaire trop sévère et de pouvoir
négocier des accommodements.
Il
y a du grain à moudre, pour reprendre la formule
préférée des négociateurs, mais nous n’en
savons pas plus.
La
préparation du G8 et du G20, qui vont se tenir sous présidence
française, est une autre histoire. Suite à des entretiens
préliminaires tenus avec Angela Merkel, Hu Jintao, Robert Zoellick,
Dominique Strauss Kahn et Jean-Claude Trichet (*), Nicolas Sarkozy sera lundi
à Washington afin de rencontrer Barack Obama. Avec pour objectif faire valider par celui-ci ses
intentions : jusqu’où va-t-il va être possible
d’aller ?
La
réforme du système monétaire international est un sujet
bien trop ambitieux, est-il reconnu, pour qu’on puisse espérer
autre chose que des déclarations de principe très
générales, assorties de quelques gestes symboliques.
L’amélioration de la gouvernance mondiale, second axe
prioritaire, pourra toujours donner lieu à des effets d’annonce,
la formule du G20 s’étant prématurément
usée. Mais c’est à propos de la lutte contre la volatilité
du cours des matières premières qu’il pourrait être
décidé d’axer la communication et d’accomplir de
modestes avancées.
Cela
ne sera pas une mince affaire, leurs marchés étant
répartis entre Chicago et à Londres, les Américains et
les Britanniques ayant de gros intérêts financiers à
défendre. Mais la question pourra résonner dans l’opinion
publique comme celle des paradis fiscaux, précédemment
utilisée dans la même intention. Quitte à battre à
nouveau du vent.
Vendredi
dernier, un article dans le Financial Times de Robert Zoellick,
président de la Banque Mondiale, réussissait l’exploit
d’énumérer toutes les mesures à prendre pour
limiter la volatilité des prix des produits alimentaires, sans
mentionner une quelconque réglementation des marchés. Il
concluait ainsi : « La réponse a la volatilité
des prix des produits alimentaires n’est pas d’intenter des
actions contre les marchés ou de les bloquer, mais de mieux les
utiliser ». Toujours la même sempiternelle justification du
pire…
Que
va obtenir Nicolas Sarkozy de Barack Obama ? On en aura une idée plus précise
à l’occasion de sa conférence de presse du 14 janvier
prochain, où il devrait annoncer la couleur. En attendant, nous ne
pouvons pas espérer que le compte-rendu de ses entretiens de
Washington fuitera et c’est bien dommage…
——
(*) Respectivement Chancelière Allemande, Président de la Chine
populaire, Président de la Banque Mondiale, Directeur
général du FMI et Président de la BCE.
Billet
rédigé par François Leclerc
Paul Jorion
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