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Essonne : terre de rugby et de catastrophes financières

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Published : March 04th, 2016
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Category : Editorials

Le billet du jour nous emmène au pays de l’Ovalie, c’est-à-dire non pas le Midi ou le grand Sud-Ouest français comme le ment effrontément Wikipédia, mais ce charmant département de l’Essonne, reconnu de tous comme une terre de rugby.

Mais si, c’est évident.

C’est même Yann Follut qui le dit, le célèbre président du club des supporters du cultissime Racing Club Massy Essonne, connu de toute la planète ovale depuis les All Blacks jusqu’aux Springboks, pour son franc parler et ses deux pieds toujours fermement posés sur le gazon de la victoire sinon rugbistique, au moins intellectuelle : dans un récent article du Parisien, notre thuriféraire du rugby bétonné explique en effet que, je cite,

« L’Essonne est une terre de rugby. Le Grand Stade y a toute sa place ! »

L’homme réagissait en effet à la publication du rapport de la Cour des Comptes sur l’éventuelle construction d’un magnifique stade dédié à ce noble sport, un projet de Grand Stade voulu par la Fédération française de rugby afin d’avoir une enceinte décente d’ici 2021 à Ris-Orangis.

Et il y avait de quoi réagir. Pensez donc ! Loin d’avaliser chaudement le projet pourtant nécessaire d’un grand et beau stade de rugby dans le département de l’Essonne, la Cour des Comptes fait preuve d’un scepticisme vraiment typique de leur petit esprit de comptables trop près de leurs sous : elle se montre carrément pessimiste de l’impact pour l’Etat d’une telle infrastructure de 82.000 places, et son président, Didier Migaud, invite insolemment à — je cite l’impétrant —

« rechercher (…) des alternatives au projet, et déterminer une position de l’Etat qui permette d’éviter les charges budgétaires supplémentaires.»

Oh, non mais alors franchement bon enfin non mais oh des fois sapristi ! Tout ceci est fort agaçant ! Puisqu’on vous dit que ce n’est pas cher, c’est l’Etat qui ne paye pas (tout), c’est aussi le département et la Fédération Française de Rugby (FFR), enfin voyons !

Certes, l’Etat et la collectivité locale correspondante se mouillent un peu puisque ce sont eux qui apporteront leur garantie à la construction de ce Grand Stade dont les coûts s’allongent langoureusement au bord d’une piscine de 600 millions d’euros, dont 400 millions sur un emprunt. Une paille.

24hGold - Essonne : terre de r...

En outre, la Cour des Comptes, vraiment pas sport, n’hésite pas à tacler le projet en notant que ce nouveau Grand Stade viendrait concurrencer le Stade de France à Saint-Denis, dont l’Etat est à la fois le propriétaire et le concédant : les matchs de rugby qui y ont lieu actuellement seraient alors déportés dans la nouvelle infrastructure, provoquant une charge supplémentaire annuelle minimale de l’ordre de 23 millions d’euros pour l’Etat, c’est-à-dire le contribuable. En effet, l’Etat, toujours aussi malin quand il fait des affaires, s’est engagé formellement auprès du consortium du Stade de France à garantir l’organisation de 4 ou 5 matchs de rugby, avec indemnité à la clé si ce n’est pas le cas.

Dans ce contexte, demander à l’Etat de se porter caution pour un prêt pharaonique sur un équipement qui vient en surplus d’une infrastructure déjà existante, dans laquelle l’Etat a déjà des billes et qui va donc la concurrencer, en faisant faire des pertes à l’Etat, c’est vraiment bien joué. On s’étonnerait presque, devant un si beau billard multi-bande où l’Etat est systématiquement perdant, que la Cour des Comptes ait eu la présence d’esprit d’y mettre le holà.

Rassurez-vous : ce n’est que la Cour des Comptes, ce chien qui aboie timidement quand les caravanes de dépenses consternantes passent et repassent. Personne n’en tiendra donc compte.

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Peut-être en sera-t-il autrement pour Bernard  Laporte, actuel candidat à la présidence de la FFR, et farouchement opposé au projet ? Que nenni et même pas mal : pour Francis Chouat, le maire PS d’Evry, remplaçant de Manuel Valls actuellement occupé par son spectacle au théâtre de Matignon, il ne s’agit dans les vocalises de Laporte que d’

« une campagne électorale avec ses polémiques internes. Il y a souvent une différence entre la puissance des cordes vocales et la réalité d’une élection. Il se sert juste du Grand Stade pour attaquer la gestion financière de la FFR qu’il n’estime pas bonne. Je suis sûr même sûr qu’il n’a rien contre dans le fond »

Mais surtout, Chouat apporte une intéressante précision :  à chaque match au Stade de France, la FFR doit payer 1,1 M€. Ces frais déduis, les rencontres rapportent 10 millions d’euros à l’année. Avec un Grand Stade dédié et une fois l’emprunt remboursé (loin, loin en 2040), la FFR espère toucher 70 millions d’euros.

On comprend mieux la motivation des uns et des autres à pousser au projet : si tout se passe bien, si tous les emprunts sont bien remboursés comme il faut d’ici à plus de 20 ans, alors le futur sera plein d’avenir et de millions joufflus. Dans l’immédiat, des sociétés de BTP, des apporteurs d’affaires, des contractants et des intermédiaires auront su tirer leur épingle du jeu d’une belle infrastructure dont le montant, avant réalisation, est, je le redis, supérieur à 600 millions d’euros.

On peut donc d’ores et déjà dire que ce maâagnifique projet se fera, l’argent poussant sur les arbres et les Essonniens n’étant mis à contribution que de façon furtive (mais sensible, hein) sur plusieurs années.

Certes, le département est tout de même en légères délicatesses et les coups de tonnerre budgétaires se font plus nombreux ces derniers temps. Surprise, le département se trimbalerait une dette d’un milliard d’euros. Surprise, il se coltine aussi sa petite brouettée d’emprunts toxiques, cerise sur un gâteau déjà bien chargé maintenant typique de ce qu’on trouve en France en terme de gestion de collectivités territoriales. Surprise, un récent audit a révélé en septembre 2015 une dette non recensée dans les comptes de 108 millions d’euros d’impayés, que le département a été obligé de rééchelonner en début d’année. Devant ces petits déboires financiers, le président du conseil départemental se voit quelque peu contraint d’augmenter les impôts fonciers… de 29%. Zut.

Tout ceci est vraiment irritant ! Alors qu’on avait, finalement, une excellente raison de claquer plus d’un demi-milliard d’euros dans une structure redondante, qui va coûter une blinde au contribuable, voilà qu’on va devoir y renoncer parce que cela se passe dans un département bêtement mis sur la paille par une équipe de politiciens approximatifs qui, au lieu de faire construire des trucs et des bidules visibles pour s’enrichir discrètement, n’a rien trouvé de mieux à faire que signer des emprunts toxiques pour faire comme les petits copains.

Et pire que tout : avec ces articles dans la presse, avec ces couinements de la Cour de Comptes, il va être nettement plus compliqué de faire construire ce stade discrètement ! À force, les gens vont finir par se rendre compte qu’on pique leur argent pour des choses dont ils n’ont ni envie, ni besoin.

Zut et zut.

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Source : h16free.com
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H. Seize rédige sur http://h16free.com ses chroniques humouristiques d’un pays en lente décomposition, et apporte des solutions dans son livre, Egalité, Taxes, Bisous. Dans un monde toujours plus dur, et alors que la crise, la vilénie, les aigreurs et les misères allant de la maladie aux bières tièdes font rage, un pays fait courageusement face et propose toute une panoplie de mesures plaisamment abrasives qui permettront d'aplanir les aspérités, gommer les difficultés et arrondir les angles. Ce pays, rempli de gentils et d'aimables tous les jours mieux pensant, est devenu un véritable phare scintillant dans la nuit noire de l'obscurantisme des méchants et des vilains. Et pour mieux scintiller, il s'est doté d'une devise qui est parvenue à se hisser au rang de slogan, d'accroche et de modus vivendi : pour chacun et pour tous, il faudra de l'égalité, des taxes, et des bisous.
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