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Le 7 décembre devrait être une journée
plutôt chaude. Non, je ne me lance pas dans le pronostic
météorologique contrariant. Je veux bien sûr
évoquer l'avenir du système bancaire européen.
Le 7 décembre et les quelques jours qui suivront seront
particulièrement tendus pour les banques européennes. Non pas
à cause d'une niaiserie d'un ex-footballeur fort en gueule et aux
nerfs fragiles, reconverti en Don Quichotte anti-banques, qui suggère
un mouvement mondial de retraits de fonds des banques à cette date.
Pas le temps de m'attarder sur cette proposition que je me vois contraint de
qualifier de stupidité, quoique l'idée de claquer les grandes
banques qui se font soutenir par mon argent me soit fort sympathique, et bien
que la grande presse anglo-saxonne y ait consacré quelques grandes
pages. Mais en admettant, par je ne sais quelle dissonance cognitive, qu'un
tel mouvement de retrait puisse avoir la moindre chance de se
concrétiser, qui peut croire que les banques qui en seraient les
victimes seraient les grandes institutions qui ont su s'attirer les bonnes
grâces des gouvernements, et que les petites banques qui ont fait leur
métier honnêtement et sérieusement en sortiraient
grandies ?
Dans le moins mauvais des cas, un succès -O combien inattendu- de
l'opération "vide ta banque" renforcerait les gros
établissements acoquinés avec les états mais laisserait
exsangue des milliers de professionnels plus intègres.
Laissons Monsieur Eric Cantona a ses errements, et intéressons nous au
véritable événement chaud du mardi 7 décembre :
la présentation du budget devant les députés irlandais,
le vote étant prévu début janvier.
La finance européenne tournée vers Dublin
L'annonce de l'acceptation du plan de "sauvetage" de l'Irlande par
son gouvernement a provoquée une véritable colère
populaire en verte Erin. 50 000 manifestants à Dublin, dans un pays de
4 millions d'habitants : pas mal. La coalition centriste-écologiste au
pouvoir a explosé, le parti vert ne voulant pas se retrouver
associé à une telle capitulation.
Rappelons que le plan oblige l'Irlande a accepter un prêt de 85
milliards d'euros à 5,8%, soit une charge d'intérêts
annuelle de plus de 1000 euros par irlandais, enfants compris, pour permettre
à l'état de renflouer ses banques, qui pourront à leur
tour rembourser leurs échéances auprès de banques
anglaises, allemandes, américaines, et dans une moindre mesure
françaises, que leurs états n'auront pas à leur tour
à soutenir.
L'état irlandais, en outre, devra utiliser les 12 milliards de son
fonds de réserve de refinancement des retraites (comme partout, la
répartition irlandaise prend l'eau) pour boucher les trous de ses
déficits courants.
Or, l'Irlande étant une démocratie, et une démocratie
encore soucieuse de demander l'avis de son peuple sur les questions
importantes (l'Europe a dû les obliger à voter deux fois
l'infâmant traité de Lisbonne...), il se trouve donc que ses
partis risquent d'écouter la colère populaire et de rejeter le
budget d'austérité découlant de l'acceptation du plan de
sauvetage. Oh, les irlandais n'ont pas le choix : l'austérité,
ils devront y passer de toute façon, et ils le savent. Mais ils ne
veulent pas que leurs efforts servent à sauver les dirigeants et
actionnaires de Deutsche Bank ou Royal Bank Of Scotland, entre autres grands
créanciers de leurs banques faillies. Quitte
à manger de la vache enragée, autant que ce soir d'abord pour
eux mêmes. Une évidence que les islandais ont parfaitement compris avant eux.
Et quand bien même ils finiraient par adopter ce budget, ils
ouvriraient en grand la porte d'une victoire écrasante des partis du
"refus" lors des élections législatives
anticipées qui se tiendront en janvier ou février 2011... Ce
qui remettrait en cause le plan européen.
Bref, pendant tout le mois de décembre, le "plan de
sauvetage" européen, déjà éreinté en
ces colonnes, sera subordonné à l'évolution du sentiment
populaire d'un peuple floué mais fier, en période
pré-électorale... Autant dire que l'incertitude sera maximale,
et que le risque de rejet des mesures budgétaires
spécifiquement liées au plan, comme le vol, pardon, la
"réaffectation" du fonds de réserve des retraites,
est maximal. Un rejet du "plan" porterait en germe de graves
difficultés financières pour quelques grandes institution européennes, ne devrait guère
inciter les marchés financiers à trop de confiance en cette fin
d'année.
Mais ne nous y trompons pas : l'Irlande, en montrant à l'Europe le bon
doigt, se rendrait le meilleur service qui soit. Elle se forcerait sans doute
à renoncer à sa loi "NAMA" de garantie
intégrale des comptes bancaires et obligerait ses canards boiteux
financiers à se déclarer en faillite, ce qui serait le meilleur
moyen de recommencer à bâtir une économie sur des bases
plus saines. A très court terme, évidemment, ce serait difficile,
mais de toute façon, les prétendus sauvetages publics ne font
que retarder l'apurement des erreurs du passé, et le rendre plus
coûteux encore.
Je radote, mais si l'Europe adoptait rapidement, compte tenu de l'urgence de
la situation, une législation de faillite ordonnée et rapide
des banques privées par échange de dettes contre capital, le
problème Irlandais ne pourrait en aucun cas avoir les mêmes
répercussions qu'aujourd'hui, et l'assainissement bancaire, quoique
sans doute assez brutal et mécontentant de très gros
intérêts financiers, se produirait par la force des choses,
permettant à l'économie de redécoller rapidement
après la nécessaire purge des années "Champagne
à crédit".
Et Eric Cantona devrait trouver une autre idée pour se faire remarquer
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