F. William Engdahl : Achetez du maïs alimentaire : ils vont arrêter d’en produire…

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Published : December 18th, 2007
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Category : Opinions and Analysis

 

 

 

 


Le prix de ce bol de Kellogg's Corn Flakes sur la table du petit déjeuner, ou de cette portion de pâtes ou de tortillas, de fromage ou de viande sur la table, va augmenter au cours des prochains mois, aussi sûrement que le soleil se lève à l'Est. Mesdames et Messieurs, bienvenue dans le nouveau choc mondial des prix de la nourriture, arrivé juste à propos pour accompagner le choc mondial actuel du prix du pétrole.

 


De façon curieuse et inquiétante, la situation est, à bien des égards, similaire à celle du début des années 1970, lorsque les prix du pétrole et de la nourriture ont tous deux explosés et ont été multipliés plusieurs fois en l'espace de quelques mois. Cette explosion des prix du milieu des années 1970 a amené le Président Nixon a demandé à son vieux copain, Arthur Burns, alors Président de la Fed, de trouver un moyen de modifier les données relatives à l'inflation de l’IPC afin de détourner l'attention de l'augmentation des prix. En résulta la publication aujourd'hui courante des chiffres absurdes de l’ « inflation sous-jacente » de l’IPC, c'est-à-dire sans les prix du pétrole et de la nourriture. Stephen Roche était le jeune économiste de la Fed qui fut chargé par Burns de la manipulation des statistiques.

 

 

Marc Twain, satiriste américain mort en 1910, a dit un jour avec esprit : « achetez des terres, on n'en fait plus... » Aujourd'hui, on pourrait presque dire la même chose du maïs ou de toutes les autres céréales dans le monde. Le monde est en train de connaître les premiers mois de la plus grande augmentation régulière que nous ayons vu au cours des 30 dernières années du prix de toutes les céréales courantes, y compris le maïs, le blé et le riz. Ces cultures constituent presque 90 % de toutes les céréales cultivées dans le monde.

 

Le plan absurde et calculé de Washington

 

 

Qu’y a-t-il derrière cet extraordinaire changement ? C'est là que les choses deviennent très intéressantes. Le gouvernement Bush est en train de réaliser une grosse campagne de relations publiques afin de convaincre le monde que les États-Unis sont devenus un « meilleur intendant de l'environnement ». Le problème, c'est que beaucoup sont tombés dans le panneau.

 

 

Le cœur de son programme, annoncé dans son Discours sur l'Etat de l'Union en janvier, consiste en une réduction de 20 % de la consommation d'essence d'ici 2010. La raison officielle : « réduire la dépendance à l'importation de pétrole », ainsi que réduire les émissions de gaz à effet de serre. Ce ne sont pas là les vraies raisons, mais c'est bon pour les relations publiques. A force de le répéter, peut-être que la plupart des gens finiront par y croire. Peut-être ne réaliseront-ils pas que les subventions (qui viennent de leurs impôts) versées aux agriculteurs pour cultiver du maïs à éthanol et non du maïs alimentaire font également exploser le prix de leur pain quotidien.

 

 

Le cœur de ce plan consiste en une énorme expansion, subventionnée par les contribuables, de l'utilisation du bioéthanol comme carburant pour les véhicules automobiles. Le plan du Président nécessite la production de 35 milliards de gallons (environ 133 milliards de litres) d'éthanol par an d'ici 2017. Par le biais d'une loi de 2005 sur l'énergie, le Congrès a déjà décrété que la quantité d'éthanol de maïs utilisé pour les véhicules automobiles doit passer de 4 milliards de gallons en 2006 à 7,5 milliards en 2012. Afin de s'en assurer, les fermiers et les géants de l'agroalimentaire tels qu’ADM ou David Rockefeller reçoivent de généreuses subventions payées par les contribuables afin de faire pousser du maïs pour en faire du carburant au lieu d'en faire de la nourriture. Aujourd'hui, les producteurs d'éthanol américains reçoivent une subvention de 51 cents par gallon d'éthanol, versés à l’industriel qui se charge de faire le mélange, généralement une compagnie pétrolière qui le mélange avec de l'essence.

 

 

Comme conséquence du nouveau décret et des belles subventions du gouvernement américain afin de produire des carburants au bioéthanol, les raffineries américaines sont en train d'investir énormément dans la construction de nouvelles distilleries consacrées tout spécialement à l'éthanol, similaires aux raffineries de pétrole, à la différence qu'elles produisent du carburant à l'éthanol. Le nombre de ces raffineries en construction est aujourd'hui supérieur au nombre total de raffineries de pétrole construites aux États-Unis au cours des 25 dernières années. Lorsque ces raffineries seront terminées, au cours des deux ou trois ans à venir, la demande de maïs et d'autres céréales pour faire de l'éthanol pour les voitures aura doublé.

 

 

Et pas seulement le bio-éthanol américain. Au mois de mars dernier, le Président Bush a rencontré le Président brésilien afin de signer un accord bilatéral sur l'éthanol, afin de travailler en commun à la recherche et au développement de technologies de biocarburants de « prochaine génération », tels que l'éthanol de cellulose fabriqué à partir du bois, et de coopérer à « stimuler » l'augmentation de l'utilisation de biocarburants dans les pays en développement, plus particulièrement en Amérique centrale, et de créer un cartel des biocarburants un peu à la manière de l'OPEP, avec des règles permettant la formation d'un marché de l'éthanol occidental.

 

 

En bref, l'utilisation des terres agricoles au niveau mondial pour produire du bioéthanol et d'autres biocarburants, c'est-à-dire brûler de la nourriture au lieu de l'utiliser telle quelle pour nourrir les humains ou les animaux, est considéré par Washington, le Brésil et d'autres centres importants, y compris l’UE, comme une nouvelle industrie agricole majeure.

 

 

Des arguments écologiques bidon

 

 

Le biocarburant, c'est-à-dire un carburant produit en raffinant des produits alimentaires, est en train d'être mis à la mode en tant que solution au problème très controversé du réchauffement climatique. Si l'on met de côté la science de charlatans et les intérêts politiques derrière la mode soudaine des dangers du réchauffement climatique, les biocarburants n'offrent pas encore d’avantages significatifs par rapport au pétrole, même dans les meilleures conditions. Ses défenseurs prétendent que la première génération actuelle de biocarburants « réduit les émissions de carbone jusqu'à un facteur de 60 % ». De même, dans un contexte où le baril de Brent est à 75 $, les gouvernements tels que celui du Brésil sont impatients de remplacer par des biocarburants nationaux le pétrole importé. Aujourd'hui, 70 % des voitures brésiliennes possèdent des moteurs capables de passer de l'essence traditionnelle à un mélange contenant jusqu'à 100% de  biocarburant. La production de biocarburants est également devenue l'une des plus grandes industries exportatrices du Brésil.

 

 

Les prétentions écologiques du biocarburant comme étant plus respectueux de l'environnement et plus efficace que l'essence sont tout au mieux douteuses, sinon frauduleuses. En fonction des organismes qui effectuent les tests, l'éthanol a peu voire pas d'effet sur les émissions de pots d'échappement des voitures actuelles. Par contre, il émet des quantités significatives de toxines, y compris de formaldéhyde et d’acétaldéhyde, soupçonné d'être neurotoxique et qui fait partie de la liste des produits cancérigènes interdits en Californie.

 

 

Contrairement à ce que la propagande industrielle voudrait nous faire penser, l'éthanol n'est pas un produit inoffensif. Il est très corrosif pour les pipelines ainsi que pour les joints et les systèmes de distribution des moteurs actuels « traditionnels ». Il nécessite de nouvelles pompes à carburants, et toutes ces conversions coûtent de l'argent.

 

 

Mais le pire défaut de l'éthanol, c'est qu'il produit au moins 30 % d'énergie en moins par gallon que de l'essence traditionnelle, c'est-à-dire, pour un mélange d'éthanol à 85 %, une perte d'au moins 25 % d'économie de carburant par rapport à l'essence traditionnelle. Aucun défenseur de l'éthanol n'aborde le problème de l'énorme coût social qui commence à frapper les paniers à provisions des États-Unis, de l'Europe et du reste du monde. Le prix de la nourriture est en train d'exploser, car celui du maïs, du soja et de toutes les autres céréales flambe à cause de la demande astronomique de maïs pour en faire du biocarburant, demande emmenée par le Congrès.

 

 

L’Institut de Technologie du Massachusetts (MIT) a publié cette année un rapport qui conclut que l'utilisation d'éthanol de maïs au lieu de l'essence n'aura aucun impact sur les émissions de gaz à effet de serre, et accroîtrait même l'utilisation de carburants fossiles en raison de la demande accrue d’engrais et de la nécessité d'irriguer afin d'accroître la surface de culture des céréales destinées à produire de l'éthanol. Et toujours selon le MIT, «  la consommation de gaz naturel représente 66 % du total de l'énergie nécessaire à la production d'éthanol de maïs », ce qui signifie une demande accrue de gaz naturel et une augmentation de son prix.

 

 

L'idée selon laquelle le monde peut se libérer de la dépendance au pétrole grâce aux biocarburants n’est qu'une campagne de communication à la mode, lancée afin de vendre ce qui s'annonce comme la menace la plus dangereuse pour l'approvisionnement mondial en nourriture depuis la création de maïs et de cultures OGM brevetées.

 

 

Les fermes américaines deviennent des usines à biocarburant

 

 

La principale raison pour laquelle le prix des céréales aux États-Unis et dans le monde augmente depuis deux ans, et est destiné à augmenter à un rythme important, est la conversion de facto des terres agricoles américaines en usines à biocarburant. En 2006, la quantité de terres agricoles américaines consacrées aux biocarburants a augmenté de 48 %. Aucune de ces terres n’a été remplacée par des cultures alimentaires. Les subventions venant des impôts rendent la production de carburant à l'éthanol bien trop rentable.

 

 

Depuis 2001, la quantité de maïs utilisé pour produire du bioéthanol aux États-Unis a augmenté de 300 %, et cette tendance se poursuit. En fait, en 2006, les cultures de maïs destiné aux biocarburants égalaient le tonnage de blé exporté. En 2007, on estime que les cultures de maïs destiné aux biocarburants dépasseront de beaucoup les quantités de blé exporté. Les États-Unis sont le plus gros exportateur mondial de maïs, la plupart de ce maïs étant utilisé comme nourriture pour les animaux en UE et dans d'autres pays. Les statistiques traditionnelles du Ministère de l'Agriculture américain concernant les surfaces utilisées pour le maïs ne sont plus une mesure utile du prix de la nourriture, car toute surface, même la plus insignifiante, va au biocarburant. La quantité disponible pour nourrir les animaux et les hommes diminue.

 

 

Le Brésil et la Chine convertissent également de grandes surfaces agricoles à la production de biocarburants.

 

 

L'un des résultats de la révolution des biocarburants en agriculture est que les réserves mondiales de céréales ont dégringolé pendant six des sept dernières années. Les réserves de toutes céréales confondues, à la fin 2006, sont passées à 57 jours de consommation, le niveau le plus bas depuis 1972. Il n'est pas surprenant que le prix des céréales au niveau mondial ait augmenté de 100 % au cours des 12 derniers mois. Et ce n'est que le début.

 

 

Cette diminution des réserves de céréales, mesure de la sécurité alimentaire en cas de sécheresse ou de mauvaises récoltes, événements de plus en plus fréquents, est destinée à se poursuivre pendant encore très longtemps. Si la population mondiale n'augmente que de 70 millions de personnes par an au cours des 10 prochaines années, plus particulièrement dans le sous-continent indien et l'Afrique, et si la quantité de maïs ou d'autres céréales alimentaires, y compris le riz, qui sont récoltées chaque année stagnent ou baissent, tandis que les quantités de céréales cultivées pour en faire du bioéthanol ou d'autres biocarburants augmentent, cela signifie que nous sommes à l’aube de l'une des plus grandes transformations de l'agriculture au niveau mondial depuis le début de la révolution agro-industrielle engendrée par l'introduction des engrais et de la mécanisation après la seconde guerre mondiale. La différence est que cette révolution se fait au détriment de la production alimentaire. Cela annonce une explosion du prix des céréales au niveau mondial, ainsi qu'une augmentation de la pauvreté et de la malnutrition. Et les effets sur la demande d'importation d'essence seront minimes.

 

 

Le professeur M.A Altieri, de l'université de Berkeley, estime que consacrer à la production de biocarburants toute la surface agricole américaine dédiée à la production de maïs et de soja ne satisferait que 12 % des besoins en essence et 6 % des besoins en gasoil. Il remarque que bien que 1/5 de la récolte de maïs de l'année dernière ait été utilisé pour produire du bioéthanol, cette quantité n'a suffi à satisfaire que 3 % des besoins énergétiques. Mais les surfaces agricoles sont en train d'être converties un rythme record. En 2006, plus de 50 % du maïs de l’Iowa et du Dakota Sud sont partis dans les raffineries d'éthanol. Dans le Midwest, des fermiers prêts à tout pour augmenter leurs revenus après des années de prix bas du maïs abandonnent la rotation des cultures traditionnelles pour faire pousser exclusivement du soja ou du maïs, et ce avec un impact fortement accru sur l'érosion du sol et les besoins en pesticides chimiques. Aux États-Unis, environ 41 % de tous les herbicides utilisés sont déjà appliqués aux maïs. Monsanto, ainsi que d'autres fabricants d'herbicides au glyphosphate, tel que Roundup, arborent un sourire très serein.

 

 

Produire des biocarburants à l'échelle mondiale

 

 

L'accord entre Bush et Lula n'est que le début d'un rush mondial vers la culture de céréales destinées aux biocarburants. D'énormes plantations de canne à sucre, de palmiers et de soja destinées aux raffineries de biocarburants sont en train de remplacer les forêts et les prairies au Brésil, en Argentine, en Colombie, en Équateur et au Paraguay. La culture du soja a déjà causé la déforestation de 25 millions d'hectares au Brésil et de 14 millions d'hectares en Argentine, et cela n'est pas prêt de cesser, étant donné que le prix des céréales au niveau mondial continue d'augmenter. Le soja est utilisé pour faire du diester.

 

 

La Chine, qui a des besoins urgents en énergie, est un acteur majeur de la culture du biocarburant, réduisant également la surface consacrée aux cultures alimentaires dans son pays. Dans l’UE, la plupart du diester est produite grâce au colza, très utilisé pour nourrir les animaux. Le résultat est que le prix de la viande augmente au niveau mondial et n'est pas prêt de s'arrêter. L’UE vise un minimum d’utilisation des biocarburants de 10 %, une demande inconsidérée qui réclamera 18 % des surfaces agricoles de l’UE.

 

 

Les grosses compagnies pétrolières mènent également le mouvement des biocarburants. Le professeur David Pimentel, de l'université de Cornell, ainsi que d'autres scientifiques, affirme que la production nette d'énergie du bioéthanol est inférieure à l'énergie du carburant fossile utilisé pour produire l'éthanol. Après avoir calculé toute l'énergie utilisée pour produire de l'éthanol, de la production d'engrais azotés à l'énergie requise pour nettoyer la quantité considérable de déchets générés par les raffineries de biocarburants, les recherches de Pimintel ont montré une perte nette d'énergie de 22 % pour le biocarburant : ce dernier utilise davantage d'énergie qu'il n'en produit. Cela se traduit par une faible menace pour la demande de pétrole et des énormes profits pour les géants du pétrole assez intelligents pour se refaire une image de producteurs « d'énergie verte ».

 

 

Ainsi, il n'est pas surprenant qu’ExxonMobil, Chevron et BP se soient tous lancés dans les biocarburants. En mai dernier, BP a annoncé avoir attribué la plus importante bourse de recherche et développement de tous les temps à une université, 500 millions de dollars donnés à l'université de Berkeley, en Californie, afin de financer des recherches chapeautées par BP en énergies alternatives, y compris les biocarburants. Le programme de l'université de Stanford, orienté sur le climat et l'énergie, a obtenu 100 millions de dollars d’ExxonMobil, l’université de California-Davis a obtenu 25 millions de dollars de Chevron pour son groupe de recherches en bioénergie, et le Carbon Mitigation Initiative, projet de recherches de l'université de Princeton a obtenu 15 millions de dollars de BP.

 

 

Lord Browne, l'ancien PDG déshonoré de BP a déclaré en 2006 : « le monde a besoin de nouvelles technologies afin de maintenir des ressources adéquates d'énergie pour le futur. Nous pensons que la bioscience peut apporter d'immenses bénéfices dans le domaine de l'énergie ». Comme quelques autres aujourd'hui, le marché des biocarburants est en pleine expansion. Tout cela représente un paradis pour les firmes agro-industrielles mondiales telles Cargill, ADM, Monsanto et Syngenta.

 

 

Tout ceci, combiné à de graves problèmes climatiques en Chine, en Australie, en Ukraine et dans de grandes parties de l'union européenne en cette saison de récoltes, garantit que le prix des céréales va flamber davantage au cours des mois et années à venir. Certains annoncent avec jubilation la fin de l’ère de la « nourriture bon marché ». Avec des réserves de sécurité alimentaire qui disparaissent et des surfaces agricoles qui passent des céréales alimentaires aux biocarburants, la transformation amorcée par le biocarburant aura un impact énorme sur le prix de la nourriture au niveau mondial au cours des prochaines années.

 

 

L’éthanol : une autre idée derrière la tête ?

 

 

Tiens donc. Le ralliement théâtral à la cause des biocarburants par le gouvernement Bush depuis 2005 a clairement été le facteur principal de l'augmentation du prix des céréales et de la nourriture au cours des 18 derniers mois. L'évidence montre que cela n'est pas un accident dû à une préparation bâclée aux législatives. Le gouvernement américain recherche et développe des biocarburants depuis les années 1970. Les architectes du bioéthanol ont fait leur travail, vous pouvez en être sûr. Il est de plus en plus évident que les mêmes personnes qui nous ont amené l'inflation du prix du pétrole sont aujourd'hui en train de créer délibérément une inflation parallèle du prix de la nourriture. Depuis la fin 2000, lorsque Georges W. Bush et Dick Cheney ont fait du pétrole la préoccupation principale de la politique étrangère américaine, les prix moyens du pétrole ont augmenté d'environ 300 %.

 

 

L'année dernière, alors que la production de bioéthanol est devenue pour la première fois un important facteur de marché, le prix du maïs a augmenté d'environ 130 % à Chicago en 14 mois. Lorsque le Congrès et le gouvernement Bush ont fait un gros effort pour promouvoir le bioéthanol en 2005, on savait très bien que les réserves mondiales de céréales avaient atteint des niveaux alarmants depuis plusieurs années, à un moment où la demande mondiale, emmenée par une augmentation de la richesse et de la consommation de viande de la Chine, était en augmentation.

 

 

Comme conséquence de la conversion record des surfaces agricoles américaines et brésiliennes de maïs et de soja à la production de biocarburants, les réserves de nourriture sont littéralement en train de disparaître. La sécurité alimentaire mondiale, d'après les données de la FAO, est à son niveau le plus bas depuis 1972. Curieusement, c'était juste à l'époque où Henry Kissinger et le gouvernement Nixon, de mèche avec Cargill et ADM, les plus grands défenseurs actuels de l'escroquerie de l'éthanol, élaborèrent ce qui fut appelé The Great Grain Robbery, c'est-à-dire la vente de quantités énormes de céréales américaines à l'Union soviétique en échange de la vente de quantités énormes de pétrole russe à l'Occident. Suite à cela, les prix du pétrole et du maïs, en 1975, avait augmenté d'environ 300 à 400%. J'ai expliqué tout cela en détail dans A Century of War: Anglo-American Oil Politics.

 

 

Aujourd'hui, un nouvel élément a remplacé la demande russe de céréales et les mauvaises récoltes. La demande de biocarburants, nourrie par les subventions du gouvernement américain et littéralement en train de lier le prix de la nourriture au prix du pétrole. Depuis le début de l'année 2006, lorsque la loi sur la politique énergétique américaine de 2005 a commencé à impacter les décisions des agriculteurs de planter tel ou tel céréale, et pas seulement aux États-Unis, la consommation de biocarburants subventionnés a explosé de manière si importante qu'une nouvelle compétition est en train d'émerger, entre les gens et les voitures, pour les mêmes céréales. Lester Brown a récemment remarqué : « Nous sommes en face d'une compétition sur le marché mondial entre 800 millions de voitures et les 2 milliards de gens les plus pauvres du monde pour la même matière première, les mêmes céréales. Nous sommes aujourd'hui dans une nouvelle ère économique où le pétrole et la nourriture sont des matières premières interchangeables, car nous savons convertir les céréales, la canne à sucre, le soja, tout, en carburant automobile. De fait, le prix du pétrole commence à fixer le prix de la nourriture ».

 


Au milieu des années 1970, le secrétaire d'État Henry Kissinger, un protégé de la famille Rockefeller et de ses institutions, a déclaré : « Contrôlez le pétrole et vous contrôlez des nations entières ; contrôlez la nourriture et vous contrôlez les gens ». Les mêmes personnes qui nous ont amené la guerre en Irak, cette ruée mondiale pour contrôler le pétrole, qui nous ont amené les graines OGM brevetées et aujourd'hui les graines « Terminator » incapables de se reproduire, et qui se lamentent du « problème de la surpopulation mondiale », défendent aujourd'hui la conversion de la production mondiale de céréales en biocarburant alors que les réserves mondiales de céréales diminuent. Rien que cela devrait vous donner à penser. Comme le dit le dicton populaire, ce n'est pas parce que vous êtes paranoïaque qu'ils ne sont pas après vous.

 

 

 

F. William Engdahl
www.engdahl.oilgeopolitics.net

 

 


Extrait traduit de F. William Engdahl est l'auteur du livre Seeds of Destruction: The Hidden Agenda of Genetic Manipulation, sur le point d'être publié par  Global Research Publishing, et auteur de A Century of War: Anglo-American Oil Politics and the New World Order, Pluto Press. Vous pouvez lui écrire via son site Web, www.engdahl.oilgeopolitics.net .

 

 

 

 

 

 

 

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