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Le prix de ce
bol de Kellogg's Corn Flakes sur la table du petit
déjeuner, ou de cette portion de pâtes ou de tortillas, de
fromage ou de viande sur la table, va augmenter au cours des prochains mois,
aussi sûrement que le soleil se lève à l'Est. Mesdames et
Messieurs, bienvenue dans le nouveau choc mondial des prix de la nourriture,
arrivé juste à propos pour accompagner le choc mondial actuel
du prix du pétrole.
De
façon curieuse et inquiétante, la situation est, à bien
des égards, similaire à celle du début des années
1970, lorsque les prix du pétrole et de la nourriture ont tous deux
explosés et ont été multipliés plusieurs fois en
l'espace de quelques mois. Cette explosion des prix du milieu des
années 1970 a amené le Président Nixon a demandé
à son vieux copain, Arthur Burns, alors Président de la Fed, de
trouver un moyen de modifier les données relatives à
l'inflation de l’IPC afin de détourner l'attention de
l'augmentation des prix. En résulta la publication aujourd'hui
courante des chiffres absurdes de l’ « inflation
sous-jacente » de l’IPC, c'est-à-dire sans les prix du
pétrole et de la nourriture. Stephen Roche était le jeune
économiste de la Fed qui fut chargé par Burns de la
manipulation des statistiques.
Marc
Twain, satiriste américain mort en 1910, a dit un jour avec esprit :
« achetez des terres, on n'en fait plus... » Aujourd'hui, on
pourrait presque dire la même chose du maïs ou de toutes les
autres céréales dans le monde. Le monde est en train de
connaître les premiers mois de la plus grande augmentation
régulière que nous ayons vu au cours des 30 dernières
années du prix de toutes les céréales courantes, y
compris le maïs, le blé et le riz. Ces cultures constituent
presque 90 % de toutes les céréales cultivées dans le
monde.
Le plan absurde et calculé de Washington
Qu’y
a-t-il derrière cet extraordinaire changement ? C'est là que
les choses deviennent très intéressantes. Le gouvernement Bush
est en train de réaliser une grosse campagne de relations publiques
afin de convaincre le monde que les États-Unis sont devenus un
« meilleur intendant de l'environnement ». Le
problème, c'est que beaucoup sont tombés dans le panneau.
Le
cœur de son programme, annoncé dans son Discours sur l'Etat de
l'Union en janvier, consiste en une réduction de 20 % de la
consommation d'essence d'ici 2010. La raison officielle : «
réduire la dépendance à l'importation de pétrole
», ainsi que réduire les émissions de gaz à effet
de serre. Ce ne sont pas là les vraies raisons, mais c'est bon pour
les relations publiques. A force de le répéter, peut-être
que la plupart des gens finiront par y croire. Peut-être ne
réaliseront-ils pas que les subventions (qui viennent de leurs
impôts) versées aux agriculteurs pour cultiver du maïs
à éthanol et non du maïs alimentaire font également
exploser le prix de leur pain quotidien.
Le
cœur de ce plan consiste en une énorme expansion,
subventionnée par les contribuables, de l'utilisation du
bioéthanol comme carburant pour les véhicules automobiles. Le
plan du Président nécessite la production de 35 milliards de
gallons (environ 133 milliards de litres) d'éthanol par an d'ici 2017.
Par le biais d'une loi de 2005 sur l'énergie, le Congrès a
déjà décrété que la quantité
d'éthanol de maïs utilisé pour les véhicules
automobiles doit passer de 4 milliards de gallons en 2006 à 7,5
milliards en 2012. Afin de s'en assurer, les fermiers et les géants de
l'agroalimentaire tels qu’ADM ou David Rockefeller reçoivent de
généreuses subventions payées par les contribuables afin
de faire pousser du maïs pour en faire du carburant au lieu d'en faire
de la nourriture. Aujourd'hui, les producteurs d'éthanol
américains reçoivent une subvention de 51 cents par gallon
d'éthanol, versés à l’industriel qui se charge de
faire le mélange, généralement une compagnie
pétrolière qui le mélange avec de l'essence.
Comme
conséquence du nouveau décret et des belles subventions du
gouvernement américain afin de produire des carburants au
bioéthanol, les raffineries américaines sont en train
d'investir énormément dans la construction de nouvelles
distilleries consacrées tout spécialement à
l'éthanol, similaires aux raffineries de pétrole, à la
différence qu'elles produisent du carburant à l'éthanol.
Le nombre de ces raffineries en construction est aujourd'hui supérieur
au nombre total de raffineries de pétrole construites aux
États-Unis au cours des 25 dernières années. Lorsque ces
raffineries seront terminées, au cours des deux ou trois ans à
venir, la demande de maïs et d'autres céréales pour faire
de l'éthanol pour les voitures aura doublé.
Et
pas seulement le bio-éthanol
américain. Au mois de mars dernier, le Président Bush a
rencontré le Président brésilien afin de signer un
accord bilatéral sur l'éthanol, afin de travailler en commun
à la recherche et au développement de technologies de
biocarburants de « prochaine
génération », tels que l'éthanol de cellulose
fabriqué à partir du bois, et de coopérer à
« stimuler » l'augmentation de l'utilisation de
biocarburants dans les pays en développement, plus
particulièrement en Amérique centrale, et de créer un
cartel des biocarburants un peu à la manière de l'OPEP, avec
des règles permettant la formation d'un marché de
l'éthanol occidental.
En bref, l'utilisation des terres
agricoles au niveau mondial pour produire du bioéthanol et d'autres
biocarburants, c'est-à-dire brûler de la nourriture au lieu de
l'utiliser telle quelle pour nourrir les humains ou les animaux, est
considéré par Washington, le Brésil et d'autres centres
importants, y compris l’UE, comme une nouvelle industrie agricole
majeure.
Des arguments écologiques bidon
Le
biocarburant, c'est-à-dire un carburant produit en raffinant des
produits alimentaires, est en train d'être mis à la mode en tant
que solution au problème très controversé du
réchauffement climatique. Si l'on met de côté la science
de charlatans et les intérêts politiques derrière la mode
soudaine des dangers du réchauffement climatique, les biocarburants
n'offrent pas encore d’avantages significatifs par rapport au
pétrole, même dans les meilleures conditions. Ses
défenseurs prétendent que la première
génération actuelle de biocarburants « réduit les
émissions de carbone jusqu'à un facteur de 60 % ». De
même, dans un contexte où le baril de Brent est à 75 $,
les gouvernements tels que celui du Brésil sont impatients de
remplacer par des biocarburants nationaux le pétrole importé.
Aujourd'hui, 70 % des voitures brésiliennes possèdent des moteurs
capables de passer de l'essence traditionnelle à un mélange
contenant jusqu'à 100% de biocarburant. La production de
biocarburants est également devenue l'une des plus grandes industries
exportatrices du Brésil.
Les
prétentions écologiques du biocarburant comme étant plus
respectueux de l'environnement et plus efficace que l'essence sont tout au mieux douteuses, sinon frauduleuses. En
fonction des organismes qui effectuent les tests, l'éthanol
a peu voire pas d'effet sur les émissions de pots
d'échappement des voitures actuelles. Par contre, il émet des
quantités significatives de toxines, y compris de formaldéhyde
et d’acétaldéhyde, soupçonné d'être
neurotoxique et qui fait partie de la liste des produits
cancérigènes interdits en Californie.
Contrairement
à ce que la propagande industrielle voudrait nous faire penser,
l'éthanol n'est pas un produit inoffensif. Il est très corrosif
pour les pipelines ainsi que pour les joints et les systèmes de
distribution des moteurs actuels « traditionnels ». Il
nécessite de nouvelles pompes à carburants, et toutes ces
conversions coûtent de l'argent.
Mais
le pire défaut de l'éthanol, c'est qu'il produit au moins 30 %
d'énergie en moins par gallon que de l'essence traditionnelle,
c'est-à-dire, pour un mélange d'éthanol à 85 %, une
perte d'au moins 25 % d'économie de carburant par rapport à
l'essence traditionnelle. Aucun défenseur de l'éthanol n'aborde
le problème de l'énorme coût social qui commence à
frapper les paniers à provisions des États-Unis, de l'Europe et
du reste du monde. Le prix de la nourriture est en train d'exploser, car
celui du maïs, du soja et de toutes les autres céréales
flambe à cause de la demande astronomique de maïs pour en faire
du biocarburant, demande emmenée par le Congrès.
L’Institut
de Technologie du Massachusetts (MIT) a publié cette année un
rapport qui conclut que l'utilisation d'éthanol de maïs au lieu
de l'essence n'aura aucun impact sur les émissions de gaz à
effet de serre, et accroîtrait même l'utilisation de carburants
fossiles en raison de la demande accrue d’engrais et de la
nécessité d'irriguer afin d'accroître la surface de
culture des céréales destinées à produire de
l'éthanol. Et toujours selon le MIT, « la consommation
de gaz naturel représente 66 % du total de l'énergie
nécessaire à la production d'éthanol de maïs
», ce qui signifie une demande accrue de gaz naturel et une
augmentation de son prix.
L'idée
selon laquelle le monde peut se libérer de la dépendance au
pétrole grâce aux biocarburants n’est qu'une campagne de
communication à la mode, lancée afin de vendre ce qui s'annonce
comme la menace la plus dangereuse pour l'approvisionnement mondial en
nourriture depuis la création de maïs et de cultures OGM
brevetées.
Les fermes américaines deviennent des usines
à biocarburant
La
principale raison pour laquelle le prix des céréales aux
États-Unis et dans le monde augmente depuis deux ans, et est
destiné à augmenter à un rythme important, est la
conversion de facto des terres agricoles américaines en usines
à biocarburant. En 2006, la quantité de terres agricoles américaines
consacrées aux biocarburants a augmenté de 48 %. Aucune de ces
terres n’a été remplacée par des cultures
alimentaires. Les subventions venant des impôts rendent la production
de carburant à l'éthanol bien trop rentable.
Depuis
2001, la quantité de maïs utilisé pour produire du
bioéthanol aux États-Unis a augmenté de 300 %, et cette
tendance se poursuit. En fait, en 2006, les cultures de maïs
destiné aux biocarburants égalaient le tonnage de blé
exporté. En 2007, on estime que les cultures de maïs
destiné aux biocarburants dépasseront de beaucoup les
quantités de blé exporté. Les États-Unis sont le
plus gros exportateur mondial de maïs, la plupart de ce maïs
étant utilisé comme nourriture pour les animaux en UE et dans
d'autres pays. Les statistiques traditionnelles du Ministère de
l'Agriculture américain concernant les surfaces utilisées pour
le maïs ne sont plus une mesure utile du prix de la nourriture, car
toute surface, même la plus insignifiante, va au biocarburant. La
quantité disponible pour nourrir les animaux et les hommes diminue.
Le
Brésil et la Chine convertissent également de grandes surfaces
agricoles à la production de biocarburants.
L'un
des résultats de la révolution des biocarburants en agriculture
est que les réserves mondiales de céréales ont
dégringolé pendant six des sept dernières années.
Les réserves de toutes céréales confondues, à la
fin 2006, sont passées à 57 jours de consommation, le niveau le
plus bas depuis 1972. Il n'est pas surprenant que le prix des
céréales au niveau mondial ait augmenté de 100 % au
cours des 12 derniers mois. Et ce n'est
que le début.
Cette
diminution des réserves de céréales, mesure de la
sécurité alimentaire en cas de sécheresse ou de
mauvaises récoltes, événements de plus en plus
fréquents, est destinée à se poursuivre pendant encore
très longtemps. Si la population mondiale n'augmente que de 70
millions de personnes par an au cours des 10 prochaines années, plus
particulièrement dans le sous-continent indien et l'Afrique, et si la
quantité de maïs ou d'autres céréales alimentaires,
y compris le riz, qui sont récoltées chaque année
stagnent ou baissent, tandis que les quantités de
céréales cultivées pour en faire du bioéthanol ou
d'autres biocarburants augmentent, cela signifie que nous sommes à
l’aube de l'une des plus grandes transformations de l'agriculture au
niveau mondial depuis le début de la révolution
agro-industrielle engendrée par l'introduction des engrais et de la
mécanisation après la seconde guerre mondiale. La
différence est que cette révolution se fait au détriment
de la production alimentaire. Cela annonce une explosion du prix des
céréales au niveau mondial, ainsi qu'une augmentation de la
pauvreté et de la malnutrition. Et les effets sur la demande
d'importation d'essence seront minimes.
Le
professeur M.A Altieri, de l'université de
Berkeley, estime que consacrer à la production de biocarburants toute
la surface agricole américaine dédiée à la
production de maïs et de soja ne satisferait que 12 % des besoins en
essence et 6 % des besoins en gasoil. Il remarque que bien que 1/5 de la
récolte de maïs de l'année dernière ait
été utilisé pour produire du bioéthanol, cette
quantité n'a suffi à satisfaire que 3 % des besoins
énergétiques. Mais les surfaces agricoles sont en train
d'être converties un rythme record. En 2006, plus de 50 % du maïs
de l’Iowa et du Dakota Sud sont partis dans les raffineries
d'éthanol. Dans le Midwest, des fermiers prêts à tout
pour augmenter leurs revenus après des années de prix bas du
maïs abandonnent la rotation des cultures traditionnelles pour faire
pousser exclusivement du soja ou du maïs, et ce avec un impact fortement
accru sur l'érosion du sol et les besoins en pesticides chimiques. Aux
États-Unis, environ 41 % de tous les herbicides utilisés sont
déjà appliqués aux maïs. Monsanto, ainsi que
d'autres fabricants d'herbicides au glyphosphate,
tel que Roundup, arborent un sourire très serein.
Produire des biocarburants à l'échelle
mondiale
L'accord
entre Bush et Lula n'est que le début d'un rush mondial vers la
culture de céréales destinées aux biocarburants.
D'énormes plantations de canne à sucre, de palmiers et de soja
destinées aux raffineries de biocarburants sont en train de remplacer
les forêts et les prairies au Brésil, en Argentine, en Colombie,
en Équateur et au Paraguay. La culture du soja a déjà
causé la déforestation de 25 millions d'hectares au Brésil
et de 14 millions d'hectares en Argentine, et cela n'est pas prêt de
cesser, étant donné que le prix des céréales au
niveau mondial continue d'augmenter. Le soja est utilisé
pour faire du diester.
La
Chine, qui a des besoins urgents en énergie, est un acteur majeur de
la culture du biocarburant, réduisant également la surface consacrée
aux cultures alimentaires dans son pays. Dans l’UE, la plupart du
diester est produite grâce au colza, très utilisé pour
nourrir les animaux. Le résultat est que le prix de la viande augmente
au niveau mondial et n'est pas prêt de s'arrêter. L’UE vise
un minimum d’utilisation des biocarburants de 10 %, une demande
inconsidérée qui réclamera 18 % des surfaces agricoles
de l’UE.
Les
grosses compagnies pétrolières mènent également
le mouvement des biocarburants. Le professeur David Pimentel,
de l'université de Cornell, ainsi que
d'autres scientifiques, affirme que la production nette d'énergie du
bioéthanol est inférieure à l'énergie du
carburant fossile utilisé pour produire l'éthanol. Après
avoir calculé toute l'énergie utilisée pour produire de
l'éthanol, de la production d'engrais azotés à l'énergie
requise pour nettoyer la quantité considérable de
déchets générés par les raffineries de
biocarburants, les recherches de Pimintel ont
montré une perte nette d'énergie de 22 % pour le biocarburant :
ce dernier utilise davantage d'énergie qu'il n'en produit. Cela se
traduit par une faible menace pour la demande de pétrole et des
énormes profits pour les géants du pétrole assez
intelligents pour se refaire une image de producteurs «
d'énergie verte ».
Ainsi,
il n'est pas surprenant qu’ExxonMobil,
Chevron et BP se soient tous lancés dans les biocarburants. En mai
dernier, BP a annoncé avoir attribué la plus importante bourse
de recherche et développement de tous les temps à une
université, 500 millions de dollars donnés à l'université
de Berkeley, en Californie, afin de financer des recherches
chapeautées par BP en énergies alternatives, y compris les
biocarburants. Le programme de l'université de Stanford,
orienté sur le climat et l'énergie, a obtenu 100 millions de
dollars d’ExxonMobil,
l’université de California-Davis a
obtenu 25 millions de dollars de Chevron pour son groupe de recherches en
bioénergie, et le Carbon Mitigation
Initiative, projet de recherches de l'université de Princeton a obtenu
15 millions de dollars de BP.
Lord
Browne, l'ancien PDG déshonoré de BP
a déclaré en 2006 : « le monde a besoin de nouvelles
technologies afin de maintenir des ressources adéquates
d'énergie pour le futur. Nous pensons que la bioscience
peut apporter d'immenses bénéfices dans le domaine de
l'énergie ». Comme quelques autres aujourd'hui, le marché
des biocarburants est en pleine expansion. Tout cela représente un
paradis pour les firmes agro-industrielles mondiales telles Cargill, ADM,
Monsanto et Syngenta.
Tout
ceci, combiné à de graves problèmes climatiques en
Chine, en Australie, en Ukraine et dans de grandes parties de l'union
européenne en cette saison de récoltes, garantit que le prix
des céréales va flamber davantage au cours des mois et
années à venir. Certains annoncent avec jubilation la fin de
l’ère de la « nourriture bon marché ». Avec
des réserves de sécurité alimentaire qui disparaissent
et des surfaces agricoles qui passent des céréales alimentaires
aux biocarburants, la transformation amorcée par le biocarburant aura
un impact énorme sur le prix de la nourriture au niveau mondial au
cours des prochaines années.
L’éthanol : une autre idée
derrière la tête ?
Tiens
donc. Le ralliement théâtral à la cause des biocarburants
par le gouvernement Bush depuis 2005 a clairement été le
facteur principal de l'augmentation du prix des céréales et de
la nourriture au cours des 18 derniers mois. L'évidence montre que
cela n'est pas un accident dû à une préparation
bâclée aux législatives. Le gouvernement américain
recherche et développe des biocarburants depuis les années
1970. Les architectes du bioéthanol ont fait leur travail, vous pouvez
en être sûr. Il est de plus en plus évident que les
mêmes personnes qui nous ont amené l'inflation du prix du pétrole
sont aujourd'hui en train de créer délibérément
une inflation parallèle du prix de la nourriture. Depuis la fin 2000,
lorsque Georges W. Bush et Dick Cheney ont fait du pétrole la
préoccupation principale de la politique étrangère
américaine, les prix moyens du pétrole ont augmenté
d'environ 300 %.
L'année
dernière, alors que la production de bioéthanol est devenue
pour la première fois un important facteur de marché, le prix
du maïs a augmenté d'environ 130 % à Chicago en 14 mois.
Lorsque le Congrès et le gouvernement Bush ont fait un gros effort
pour promouvoir le bioéthanol en 2005, on savait très bien que
les réserves mondiales de céréales avaient atteint des
niveaux alarmants depuis plusieurs années, à un moment
où la demande mondiale, emmenée par une augmentation de la
richesse et de la consommation de viande de la Chine, était en
augmentation.
Comme conséquence de la
conversion record des surfaces agricoles américaines et
brésiliennes de maïs et de soja à la production de
biocarburants, les réserves de nourriture sont littéralement en
train de disparaître. La sécurité alimentaire mondiale,
d'après les données de la FAO, est à son niveau le plus
bas depuis 1972. Curieusement, c'était juste à l'époque
où Henry Kissinger et le gouvernement Nixon, de mèche avec
Cargill et ADM, les plus grands défenseurs actuels de l'escroquerie de
l'éthanol, élaborèrent ce qui fut appelé The Great Grain Robbery, c'est-à-dire
la vente de quantités énormes de céréales
américaines à l'Union soviétique en échange de la
vente de quantités énormes de pétrole russe à
l'Occident. Suite à cela, les prix du pétrole et du maïs,
en 1975, avait augmenté d'environ 300 à 400%. J'ai
expliqué tout cela en détail dans A Century of War:
Anglo-American Oil Politics.
Aujourd'hui,
un nouvel élément a remplacé la demande russe de
céréales et les mauvaises récoltes. La demande de
biocarburants, nourrie par les subventions du gouvernement américain
et littéralement en train de lier le prix de la nourriture au prix du
pétrole. Depuis le début de l'année 2006, lorsque la loi
sur la politique énergétique américaine de 2005 a
commencé à impacter les décisions des agriculteurs de
planter tel ou tel céréale, et pas seulement aux
États-Unis, la consommation de biocarburants subventionnés a
explosé de manière si importante qu'une nouvelle
compétition est en train d'émerger, entre les gens et les
voitures, pour les mêmes céréales. Lester Brown a
récemment remarqué : « Nous sommes en face d'une compétition
sur le marché mondial entre 800 millions de voitures et les 2
milliards de gens les plus pauvres du monde pour la même matière
première, les mêmes céréales. Nous sommes
aujourd'hui dans une nouvelle ère économique où le
pétrole et la nourriture sont des matières premières
interchangeables, car nous savons convertir les céréales, la
canne à sucre, le soja, tout, en carburant automobile. De fait, le
prix du pétrole commence à fixer le prix de la nourriture
».
Au
milieu des années 1970, le secrétaire d'État Henry
Kissinger, un protégé de la famille Rockefeller et de ses
institutions, a déclaré : « Contrôlez le
pétrole et vous contrôlez des nations entières ;
contrôlez la nourriture et vous contrôlez les gens ». Les
mêmes personnes qui nous ont amené la guerre en Irak, cette
ruée mondiale pour contrôler le pétrole, qui nous ont
amené les graines OGM brevetées et aujourd'hui les graines
« Terminator » incapables de
se reproduire, et qui se lamentent du « problème de la
surpopulation mondiale », défendent aujourd'hui la
conversion de la production mondiale de céréales en
biocarburant alors que les réserves mondiales de
céréales diminuent. Rien que cela devrait vous donner à
penser. Comme le dit le dicton populaire, ce n'est pas parce que vous
êtes paranoïaque qu'ils ne sont pas après vous.
F. William Engdahl
www.engdahl.oilgeopolitics.net
Extrait traduit de F. William Engdahl est l'auteur
du livre Seeds of Destruction: The Hidden Agenda of Genetic
Manipulation, sur le point d'être publié par Global Research Publishing, et
auteur de A Century of War: Anglo-American Oil Politics and the New World
Order, Pluto Press. Vous pouvez lui écrire via son site Web, www.engdahl.oilgeopolitics.net
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