Plus rien n’est stable,
plus rien n’est simple, tout est fixé, et rien n’est fixé. Ô nations d’aide-serveurs
et d’hôtes Walmart, éveillez-vous et chantez !
Un Empire peut-il s’effondrer
sous le poids de la crédulité ? Suite à la publication du rapport de
vendredi dernier, j’en suis persuadé. Pour une culture qui se prélasse tant dans
des analystes statistiques (et dans l’idée fausse qu’en mesurant suffisamment
de choses, il soit possible de les contrôler), je trouve assez époustouflant
que nous ne soucions que très peu de savoir si ces unités de mesure sont ou
non véridiques. Ainsi, un économiste comme Paul Krugman pourrait se demander
pourquoi les taux d’intérêt proches de zéro ne sont visibles que là où sont
vendus des hamburgers. Il en a d’ailleurs remis une couche lundi dans sa
chronique en faisant l’éloge de la « croissance de l’emploi » et
que la situation est désormais « repartie comme en 1995 ». Ce sont
les hommes comme lui qui enfoncent notre pays dans un trou à rats plus vite
encore que vous pourriez prononcer Romulus Augustus.
Il semblerait que le
Bureau américain des statistiques de l’emploi soit passé outre le bain de
sang de l’industrie pétrolière, notamment à Fracturation-ville, où le dernier
phénomène en date est l’apparition d’un campement et de bars à striptease
fantômes. Nous avons assisté à une fièvre hémorragique de licenciements :
9.000 ici, 7.000 là, quelques autres milliers partout ailleurs - Halliburton,
Schlumberger, Baker Hughes – une véritable épidémie d’Ebola sur le secteur
pétrolier. Sans parler de l’effondrement des dépenses de capital, qui laisse
supposer davantage de pertes d’emploi à venir. Mais personne ne s’en rend
compte, peut-être parce que tout le monde est à Ruby Tuesdays occupé à manger
des plats plus gros que sa tête. Les portions servies sont-elles de plus en
plus petites, ou est-ce leurs têtes qui rétrécissent ?
La finance est quelque
chose de compliqué, mais pas aussi compliqué que les sorciers qu’elle emploie
voudraient vous faire croire. Ils aimeraient vous convaincre qu’elle est plus
complexe encore que la physique des particules, alors qu’elle n’est en
réalité rien de plus qu’une routine de bonneteau. Les taux d’intérêt à zéro
pourcent et le QE, par exemple, peuvent être définis par la simple volonté de
créer quelque chose à partir de rien, ou de viser la prospérité sans rien créer
qui ait de la valeur. Pas trop difficile à comprendre, vous ne trouvez pas ?
Jusqu’à ce que les équipes économiques ne viennent déguiser la vérité en
martingales métaphysiques et que vous ne vous retrouviez perdu dans une brume
mystique.
Plus inquiétant encore
est l’échec de toutes les personnes d’autorité à nier publiquement les vagues
de mensonges qui s’abattent sur notre Etat mourant, qui accélère ainsi sa
mort à coup de fausses vérités. La loi du « tout peut arriver et plus
rien de compte » est une loi mortelle, et plus elle sera inondée de
mensonges, plus ses conséquences seront perverses et destructrices. Plus nos
dirigeants mentiront au sujet de notre comportement bancaire – notamment pour
ce qui concerne la Réserve fédérale – plus les devises seront instables. Plus
les banquiers centraux interviennent sur le mécanisme de découverte des prix,
moins les marchés reflèteront la réalité. Plus le Bureau américain des statistiques
de l’emploi nous mentira, plus la colère de ceux qui ne peuvent plus se
permettre de nourrir leurs enfants sera grande.
Un économiste du nom de
Richard Duncan a émis l’idée la semaine dernière que le quantitative easing
puisse perdurer indéfiniment à la manière d’une chaîne infinie d’auto-annulation
de la dette. Les gouvernements dépensent de l’argent qu’ils n’ont pas et ne
peuvent lever, vendent des obligations à des « investisseurs », rachètent
leurs propres obligations et les conservent dans un coffre de manière à ce qu’elles
ne puissent plus voir la lumière du Soleil et jusqu’à ce qu’elles deviennent
des naines bleues – longtemps après que les cafards aient pris en charge les
affaires de notre Terre. Duncan oublie une chose : les conséquences. Les
conséquences d’un tel comportement ne seront pas une prospérité virtuelle
éternelle, mais plutôt la destruction du système de comptabilité de la vie
civilisée. Nous en ressentirons les effets bien plus tôt que nous le pensons,
et toutes les images des Kardashian de l’univers ne suffiront pas à nous
distraire de notre propre hémorragie.