Si l'on en juge
d'après ce qu'en disent les médias et économistes
populaires, la déflation est à éviter coûte que
coûte. Pourtant, on constate en survolant les quatre façons dont
le terme est utilisé qu'une seule est à éviter, et cela
ne requiert de la banque centrale qu'une chose: cesser de créer de
l'inflation. Voilà le problème, car demander à la banque
centrale de réfréner ses penchants inflationnistes pour
éviter la déflation bien comprise, c'est l'équivalent de
lui demander de cesser ses activités... Il va sans dire que d'une part
les banquiers qui en profitent et d'autre part les fonctionnaires et
politiciens qui s'en occupent n'envisagent pas cette suggestion d'un bon
oeil. Il est dans leur intérêt de nous garder dans l'ignorance.
Jugez par vous-mêmes.
La déflation
par la croissance
Selon la conception
populaire qui est régulièrement utilisée dans les
médias, la déflation constitue une baisse
générale des prix des biens et services. Si tel est le cas,
pourquoi alors s'apeurer lorsqu'on peut se procurer un ordinateur à un
millième du prix d'il y a trente ans, et cela à cause des
prodigieux gains de productivité engendrés dans cette
industrie? N'est-ce pas plutôt une bonne affaire? Les fabricants sont
contents car ils continuent à engranger les profits malgré la
baisse des prix et les chercheurs d'emplois sont comblés. Il suffit de
comptabiliser les formations les plus en demande lors des trente
dernières années pour se rendre compte que celles
reliées aux technologies de l'information en faisaient partie. Dans un
marché libre des interventions gouvernementales, ce sont tous les
biens et services qui présenteraient des prix à la baisse, et
cela nous permettrait de tous nous enrichir.
Poursuivons notre
enquête.
La déflation
par l'épargne
Il y a
également baisse des prix lorsque les gens consomment moins dans le
but d'épargner. Pour dire autrement, une épargne forte augmente
la valeur de la monnaie, chaque unité monétaire permettant
ainsi d'acheter davantage de biens et services. Qu'y a-t-il donc de mal
à ce que les gens épargnent? C'est que, dans l'esprit
keynésien tordu de nos dirigeants, cela empêcherait le PIB
d'augmenter. « Pas de croissance! »
Selon eux, pour qu'il y ait croissance économique nous devons
consommer jusqu'à nous endetter, car la consommation est le «
moteur » de l'économie. Remarquez que ce sont ces
mêmes sociaux-démocrates qui dénoncent parfois la
société de consommation... Ils n'en sont vraiment pas à
une contradiction près!
Les prix à la baisse leur font peur, alors ils réduisent les
taux d'intérêt et font rouler la planche à billets pour
être sûrs que les prix repartent à la hausse. Qu'il
s'agisse d'hypocrisie ou d'ignorance, cela n'en demeure pas moins une
fraude.
Ainsi, que l'on parle
de déflation par les gains de productivité ou de
déflation par l'épargne, les deux sont le résultat
d'actions volontaires. Une action volontaire est nécessairement
désirable pour celui ou celle qui l'engage, mais pour celui qui veut
contrôler notre vie ou tirer profit de notre ignorance, ce ne l'est pas
autant. Notons que dans ces deux situations il serait
préférable de parler simplement d'une baisse des prix et de
laisser tomber le terme déflation. Poursuivons.
La déflation
par l'offre, c'est-à-dire par crédit bancaire ou par
confiscation
À proprement
parler, c'est uniquement lorsqu'on se réfère à l'offre
de monnaie qu'on devrait évoquer l'inflation ou la déflation.
La déflation n'est possible que s'il y a eu d'abord de l'inflation.
L'inflation est une augmentation du stock de monnaie alors que la
déflation en est une réduction. La déflation ainsi
définie conduit le plus souvent en une baisse des prix, bien que
d'autres facteurs soient à considérer. Il en existe deux types.
La déflation
par le crédit bancaire
Lors d'une crise
bancaire, de plus en plus fréquente depuis l'abandon de l'or comme
ancrage de la monnaie, les déposants se précipitent à
leurs banques afin d'en retirer leur argent. L'Argentine a vécu cette
situation pour la deuxième fois en dix ans. Ce genre de crise survient
lorsque les gens perdent confiance en la capacité de leurs banques
à leur remettre leur fric. Celles-ci en sont incapables, car elles
sont encouragées par le gouvernement à en prêter
davantage qu'elles en possèdent, selon le système dit des
réserves fractionnaires.
À une époque pas trop lointaine, les banques qui se faisaient
ainsi prendre la main dans le sac étaient liquidées sur le
champ. Aujourd'hui, nos dirigeants sociaux-démocrates n'ayant que compassion
pour leur prochain, ils les protègent de la faillite... en nous
taxant! C'est qu'ils sont complices, voire les principaux responsables de ces
débâcles.
La contraction monétaire qui résulte d'une telle crise est
importante, mais a pour résultat d'accroître la valeur de chaque
unité (chaque dollar) qu'il reste. Qui dit augmentation de la valeur
de la monnaie, dit baisse générale des prix. La
déflation par le crédit n'est que le visage apparent du mal
qu'est l'inflation par le système des réserves fractionnaires.
Elle doit même être considérée comme un bien dans
les circonstances, car elle est initiée par les déposants qui
réalisent qu'il vaut mieux faire autre chose de son argent que de le
laisser dans un système frauduleux. Elle agit comme un traitement pour
se soulager de l'inflation et cela d'autant plus vite qu'elle est libre des
interventions gouvernementales.
La déflation
comme confiscation
Les politiciens
étant des professionnels de l'intervention il leur est difficile de ne
rien faire. Lorsqu'ils jugent que la déflation par le crédit
risque de réduire le stock de monnaie à zéro, ils
restreignent notre capacité à retirer et à
transférer notre argent de nos comptes bancaires. Cela réduit
la masse monétaire davantage et augmente la valeur de la monnaie en
autant que les fonctionnaires ne se remettent pas à imprimer de
nouveaux billets, ce qui est souvent le cas malheureusement. La confiance des
gens envers leur monnaie est ébranlée à tel point que, s'ils
n'en sont pas empêchés, ils l'échangent. Le troc prend de
l'ampleur tandis que l'échange monétaire se fait plus rare. Il
y a appauvrissement général.
Seule cette déflation est à éviter, car il s'agit ni
plus ni moins d'une confiscation par-dessus la confiscation inflationniste.
Or, c'est tout le contraire que l'on entend à son propos dans les
médias populaires ici comme en Argentine: ils qualifient au contraire
ces restrictions de nécessaires « mesures d'austérité
»! On vous empêche de prendre votre fric, on vous en remet
moins, on le dévalue, mais c'est pour votre bien! Pour vous serrer la
ceinture! C'est Étienne de La Boétie qui avait raison de dire
que face au choix entre la liberté ou la servitude, l'homme choisit
habituellement cette dernière.
En somme, des quatre façons de voir la déflation, une seule est
vraiment indésirable. Pourtant, les médias et
économistes populaires font tout pour l'éviter dans la
majorité des cas et vont même jusqu'à l'encenser dans le
seul cas où elle est désastreuse! On devrait s'y
référer seulement lorsqu'on fait allusion au gouvernement, car
elle provient de l'inflation dont il est seul responsable. La seule
façon de l'éviter est d'abolir le monopole étatique de
la monnaie et de la privatiser.
* Il s’agit
d’un résumé personnalisé de « An Austrian
Taxonomy of Deflation » de Joseph T. Salerno.
J’ai repris sa qualification des quatre déflations. Ce
texte est disponible sur Mises.org.
André Dorais
André
Dorais a étudié en philosophie et en finance et vit à
Montréal.
Les vues présentées par l’auteur sont
les siennes et peuvent évoluer sans qu’il soit nécessaire
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