Un débat assez traditionnel a été
rouvert récemment, suite aux prises d’otages au Mali :
doit-on payer
pour faire libérer ces derniers ou non ? Cette question, en tout
cas, a été posée dans l’émission de
Marc-Olivier Fogiel, On
refait le monde, le 20 mars 2013. Il est difficile de réfléchir
sur ce sujet en toute rationalité, surtout du fait que les ravisseurs
utilisent Internet pour sensibiliser la population française.
La réponse la plus objective serait
évidemment de refuser le chantage auquel tentent de nous soumettre les
terroristes. Si on y succombe, il y a un risque que ces derniers traitent la
France comme une vache à lait. Et, de surcroît, notre pays
ferait ainsi preuve de faiblesse face à des méthodes
qu’il réprouve.
D’autre part, l’émotion prend souvent
le pas. Face à des familles éplorées, il est très
compliqué pour un gouvernement de ne pas céder audit chantage.
Outre la dimension psychologique, l’homme de l’État se souviendra aussi
qu’il a des échéances électorales à court
terme et que l’assassinat des otages risque bien d’écorner
sa réputation et, donc, de compromettre sa réélection.
Pour autant, le président Hollande semble avoir
pris une orientation très stricte : il refuse le paiement de
toute rançon. Et c’est ce qui explique, peut-être, en
partie, l’exécution du regretté Philippe Verdon au Mali.
Néanmoins, nous nous trompons sans doute de
débat. Des questions de ce type se poseraient probablement moins si la
France ne faisait pas preuve d’ingérence dans les affaires
intérieures d’autres États.
Notre pays, après avoir attaqué la Libye en 2011, a
décidé de chasser les islamistes du Mali. La politique
étrangère de la France n’en devient que plus illisible.
En effet, en 2003, Dominique de Villepin prononçait un discours
éclatant contre la guerre en Irak. Beaucoup pensaient que la France
avait enfin décidé de se préoccuper surtout de ses
affaires intérieures. C’était un faux espoir.
L’idéologie néoconservatrice contamine
de plus en plus nos esprits au point que certains « spécialistes »
français prennent soin de faire un distinguo peu convaincant entre la
guerre en Irak et celles en Libye et au Mali. L’écrivain Marc Weitzmann va jusqu’à expliquer que cette
dernière est plus défendable car elle concerne les
intérêts économiques vitaux de notre pays alors que la guerre
en Irak aurait été motivée par des objectifs
démocratiques…
Puis, Marc Weitzmann joue les
BHL du pauvre en avançant l’argument humanitaire que Rony Brauman a su démonter
avec brio : en effet, il est commode (et juste, certes) de
dénoncer les dictatures qui minent l’Afrique mais les
interventions armées, tant chéries par Monsieur Lévy,
sont-elles la solution humanitaire ? Le cas syrien en est un bon
exemple. Personne n’ira pleurer sur le sort d’el-Assad mais
croire que l’arrivée au pouvoir des rebelles résoudra le
déficit démocratique est un leurre que seuls les propagandistes
néoconservateurs peuvent feindre de croire.
Les pays occidentaux, incluant la France, portent une
lourde part de responsabilité dans ce drame humain qu’est la
prise d’otages, du fait de leur politique étrangère.
C’est d’ailleurs ce que dit, entre les lignes, Stefan Simons, du Courrier
international : « les Français sont davantage
visés parce que la France est fortement impliquée dans des
zones sensibles, notamment en Afrique et au Moyen-Orient. Car il ne faut pas
oublier que l’argent n’est pas le seul moteur de ces actes. Dans
une guerre asymétrique comme au Mali, les otages valent de l’or.
Ils sont peu coûteux pour Aqmi, et peuvent
avoir pour effet de faire reculer la France. ».
En l’espèce, l’objectif
recherché par les terroristes d’Aqmi
est donc de changer les orientations politiques de la France. Son
gouvernement devrait réfléchir à l’avenir à
ses actions.
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