L’attention des Etats-Unis s’est
récemment détournée de la violence qui accable l’Irak et Gaza pour se pencher
sur la ville de Ferguson, dans le Missouri, ou un adolescent du nom de
Michael Brown a été tué par balle par un policier. Alors que les preuves de
son assassinat n’ont pas encore été rendues publiques, beaucoup se disent
choqués de l’utilisation de gaz lacrymogène (une substance prohibée sur un
champ de bataille) ainsi que d’autres armes militaires par la police envers
les citoyens américains et les journalistes qui osent exercer le droit que
leur accorde le premier amendement. Des débats ont fait surface dans tout le
pays au sujet de la militarisation de la police.
L’usage d’armes militaires par
les forces de police locales est le symptôme d’un autoritarisme grandissant,
et non sa cause. Sa cause en est les politiques qui encouragent la police à
percevoir les Américains en ennemis plutôt qu’en citoyens qu’il est de son
devoir de servir et de protéger. C’est une attitude que l’on peut remarquer
non seulement à Ferguson, mais aussi dans le confinement qui a fait suite à l’attentat
du marathon de Boston, et dans les morts civiles causées par les opérations
de raid menées par les groupes d’intervention tactique.
Une victime de la
militarisation de la police et de la guerre contre la drogue dont le cas est
particulièrement tragique est « bébé Bounkham »,
un enfant qui a été sévèrement brûlé et qui s’est retrouvé dans le coma après
qu’une grenade ait été lancée dans son berceau par un membre d’une équipe d’intervention
tactique qui s’était introduit dans sa chambre à la recherche de méthamphétamine.
Aussi choquant que puisse être
son cas, personne ne devrait être surpris de voir que l’autorisation donnée à
la police de mettre fin à des activités consensuelles (bien que dangereuses
ou immorales) a conduit à des comportements plus autoritaires chez les
membres du gouvernement. Ceux qui se demandent encore pourquoi la police
locale agit de plus en plus à la manière d’une force d’occupation devraient
se rendre compte que la guerre contre la drogue était la justification
utilisée par le « programme 1033 » du Département de la défense,
qui a permis l’année dernière de fournir à la police 450 millions de dollars
d’équipements supplémentaires – dont des véhicules blindés et des grenades du
type de celle qui a blessé bébé Bounkham.
Aujourd’hui, la guerre contre
la drogue a été éclipsée par la guerre contre le terrorisme en tant qu’excuse
pour élargir encore plus l’Etat-policier. Nous sommes tous familiers avec la
manière dont le gouvernement fédéral a renforcé ses forces de police après le
11 septembre au travers du Patriot Act, du TSA et d’autres programmes lancés par le
Département de la sécurité intérieure. Ce qui est moins connu est que la
guerre contre le terrorisme a été utilisée pour justifier la militarisation
incessante des forces de police locales, au détriment de notre liberté.
Depuis 2002, le Département de la sécurité intérieure a offert des
financements de plus de 35 milliards de dollars aux gouvernements locaux pour
l’achat d’équipements militaires, de combinaisons pare-balles et de véhicules
renforcés contre les mines.
La menace du terrorisme est
utilisée pour justifier ces financements. Mais les petites villes qui
reçoivent des chars d’assaut et autres équipements militaires ne les mettent
pas au garage en attendant qu’un terroriste se pointe. Elles les utilisent
dans le cadre d’opérations de routine.
Les politiciens sont très
attachés à ce programme, puisqu'il leur permet de se vanter auprès des médias
locaux des efforts qu’ils font pour maintenir l’ordre. Le nouveau petit frère
du complexe militaro-industriel, le complexe chargé de l’application de la
loi, a une influence énorme sur le Capitole. Même les plus progressistes
offrent leur soutien à la militarisation de la police pour obtenir les
faveurs des syndicats policiers.
L’abolition de cette tendance
dangereuse pourrait commencer par l’abandon de l’implication du gouvernement
fédéral dans l’application de la loi à l’échelle locale. Tout ce qui serait
nécessaire pour ce faire serait que le Congrès commence à respecter la
Constitution, qui interdit au gouvernement de contrôler ou de financer la
police locale. L’utilisation de la guerre contre la drogue ou contre le
terrorisme comme une raison de traiter les citoyens à la manière de criminels
n’est pas justifiée. Mais le Congrès ne restaurera pas le gouvernement
constitutionnel de lui-même. Le peuple américain doit demander à ce que le
Congrès cesse de nourrir l’Etat-policier autoritaire qui menace sa liberté.