J'ai
à plusieurs reprises affirmé qu'il existait en France deux
socialismes : le socialisme de gauche, candide et irresponsable, et le
socialisme de droite, se réclamant du réalisme. La proposition
récente de « ficher » les
bénéficiaires d'allocations sociales vient étayer cette
distinction.
Ce
fichage, dénoncé par l'opposition comme une « chasse
au pauvres », n'est-il pas en effet induit par le règne des
idées socialistes ? Si la proposition du ministre des Transports
Thierry Mariani — approuvée par le ministre du Travail,
de l'Emploi et de la Santé Xavier Bertrand — débouchait
sur des mesures concrètes, ce serait certes une victoire pour le
gouvernement, désireux de rassurer le contribuable sur la gestion de
ses deniers, mais aussi pour l'idéologie socialiste, que l'on sait
plus confiante dans la rationalité de l'État que dans celle de
l'individu.
Quand la droite fait le sale boulot de la gauche
En
traquant les fraudeurs, le gouvernement UMP prend les mesures
nécessaires pour préserver ce « modèle
social » dont se réclament les partis de gauche. Des
mesures que l'opposition socialiste juge liberticides et rejette pour cette
raison, feignant d'ignorer qu'elles en disent plus long sur le socialisme que
sur la Droite populaire, ce groupe parlementaire de députés UMP
à l'origine de la proposition.
S'il
n'est pas politiquement correct pour les socialistes de vérifier que
les allocataires sociaux perçoivent les aides auxquelles ils ont droit
et uniquement celles auxquelles ils ont droit, est-il acceptable de laisser
lesdits allocataires percevoir autant d'argent que la ruse le leur permet ?
Si
la réponse est non, les socialistes devraient s'abstenir de critiquer
le gouvernement, qui a le mérite d'en assumer les effets secondaires.
Les socialistes officiels — de gauche donc —
dénoncent le « flicage », comme si ce flicage
n'était pas engendré par leur idéologie. A ce stade, ce
n'est plus de l'hypocrisie, c'est un déni de paternité.
Les arguments de l'opposition
Contre
la « stigmatisation des pauvres », des arguments ont
été avancés. Des arguments en vérité assez
maladroits. L'argument comptable, d'abord : pour les détracteurs du
gouvernement, la légitimité du
« fichage » est fonction de sa rentabilité.
Le président du Parti radical de gauche
Jean-Michel Baylet ne saisit pas l'utilité d'un dispositif
ne permettant pas de combler le déficit de la sécurité
sociale. Comme le prétend la
Confédération Syndicale des Familles, la chasse
à la fraude coûterait davantage qu'elle ne rapporte. C'est
reconnaître aux allocataires sociaux le droit de frauder aussi
longtemps que la chasse à la fraude coûte d'avantage que la
fraude elle-même, et que le coût de cette dernière n'égale
pas celui du déficit.
L'argument
comptable ne suffit cependant pas à justifier la position des
socialistes. Elle est généralement complétée par
un argument plus « idéologique », opposant aux
« profiteurs du bas » les « profiteurs du
haut ». En effet l'argument comptable avancé contre la
chasse à la fraude sociale ne vaut plus dès lors qu'il s'agit
de lutter contre la fraude fiscale : quelle que soit l'importance de cette
dernière, quel que ce soit le coût d'une plus grande
surveillance, les nantis doivent payer.
La vérité sur le socialisme
Thierry Mariani a beau répéter
que le gouvernement veut lutter contre la fraude fiscale autant que contre la
fraude sociale, l'opposition de gauche s'obstine à dénoncer le
traitement spécial réservé aux plus démunis, tout
en approuvant la progressivité de l'impôt, la taxation des
très hauts salaires, ou encore l'impôt de solidarité sur
la fortune.... et refusant de comprendre que la multiplication des
prestations sociales rend nécessaire le fichage de ceux qui en
bénéficient.
Un
constat embarrassant pour le socialiste de gauche qui n'en revient pas
d'être doublé sur sa droite, et plus généralement
pour ceux qui ne comprennent pas que miser sur la bonne foi des allocataires
sociaux revient à leur signer un chèque en blanc.
En
s'indignant de la « traque au pauvre » initiée
par l'UMP, l'opposition de gauche démontre une nouvelle fois qu'elle
n'assume pas le potentiel totalitaire de sa foi socialiste. La traditionnelle
dichotomie droite-gauche tend certes à dissimuler l'existence d'un
consensus idéologique sur les bonnes intentions du socialisme et le
postulat étatiste qui le fonde. Quand ils éliront leur
président au printemps prochain, les Français feront bien de
s'en souvenir.
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