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Selon une étude du F.M.I, les pays en développement qui
tirent le meilleur parti de la mondialisation sont aussi les pays dans
lesquels la « financiarisation » est la plus avancée [1]. C’est
particulièrement frappant dans les zones émergentes de l’Asie et de l’Afrique
et cela devrait faire réfléchir tous ceux qui considèrent que finance et
développement sont incompatibles. La croissance économique est le résultat
d’un processus cumulatif (et évolutif) d’investissement sans lequel la
productivité (et donc la capacité à créer des richesses) n’a aucune chance de
progresser. Mais l’investissement n’est possible que s’il existe des circuits
et des acteurs financiers viables dont le rôle principal est de collecter
l’épargne pour l’orienter vers les projets d’investissements les plus
prometteurs. Cette capacité d’expertise et de choix constitue un capital
humain précieux qu’il s’agit aussi de former. Car c’est la fragilité voire
l’absence de ces circuits qui constitue le principal obstacle au
développement dans les pays africains que j’ai pu visiter. Si l’aide
internationale est une solution d’urgence pour déminer des situations de
crise, elle ne peut être une alternative sérieuse à la finance. Au
cours de ma dernière mission en Algérie, j’ai pu constater que ce pays se
définissait lui-même comme un pays « pauvre en milliards ». En
effet, l’embellie pétrolière est une source inestimable de liquidités mais,
faute de pouvoir les injecter dans des circuits financiers à même de
sélectionner les projets d’investissements cruciaux et prioritaires pour le
pays, la détention de ces liquidités devient un problème (de surliquidités).
Or, à chaque fois qu’une manne financière transite aux mains des
gouvernements locaux, elle est une source de corruption qui entretient le
mal-développement. Les décideurs politiques sont redevables devant les
citoyens-contribuables de la gestion de l’argent public, ce qui passe par
l’affirmation d’un principe élémentaire de finance publique : par une
fiscalité équitable et mesurée, l’Etat doit assurer le financement d’un
secteur public aux dimensions raisonnables et contrôlée. De ce point de vue,
l’impôt est une sorte d’épargne collective et forcée destinée à
l’investissement public. Mais l’impôt n’a pas vocation à assécher l’épargne
pour laisser émerger un secteur productif lui-même financé par les intermédiaires
financiers qui ont en charge d’attirer et de gérer l’épargne libre et
volontaire. Dans une certaine mesure, la consolidation d’une croissance
vigoureuse et durable dans notre pays, seule susceptible de terrasser
réellement le chômage, passe par la reconnaissance de ce rôle positif et
essentiel de la finance (outrageusement assimilée à de la spéculation
improductive qu’il faudrait taxer) alors que la plus grande partie de
l’effort d’épargne des français est orientée vers le financement de notre dette
publique. [1] Gulde A.M. et Pattillo C. “Financiarisation de l’Afrique.
L’Afrique pourrait croître encore si elle réformait son secteur
financier », Finances & Développement, Revue du F.M.I., juin 2006,
44-47
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