Il y a plus
d’une leçon à tirer de l’expérience
canadienne. Car si le Canada a su mettre de l’ordre dans ses finances
publiques, c’est en réformant profondément son Etat et en
redonnant de l’espace au marché privé et légal. La
France qui va enregistrer cette année son 39ème
déficit consécutif ferait bien de s’en inspirer.
Car face
à un déficit public difficile à comprimer, les pouvoirs
publics français ont fait le choix d’obtenir de nouvelles
recettes fiscales, notamment par des hausses de prix du tabac et de la
bière. Or, si ces hausses font sans doute plaisir aux
détracteurs du tabac et de l’alcool, l’expérience
canadienne – tout comme le raisonnement économique –
indique que le gouvernement français fait fausse route.
Le Canada est l’un des rares pays
développés à avoir su maîtriser son déficit
et sa dette au milieu des années 90.
La situation y
était très préoccupante puisque la dette publique
dépassait 100% du PIB. La charge de cette dette accaparait ainsi plus
d’un tiers des recettes. Ce n’est qu’en choisissant la voie
de la baisse des dépenses publiques que le pays a pu se débarrasser
de déficits chroniques et renouer avec des surplus budgétaires.
Les chiffres
parlent d’eux-mêmes. Les dépenses publiques
fédérales ont baissé de 13% entre 1993-94 et 1996-97
(hors inflation). Le budget de certains ministères a parfois été
divisé par deux et le nombre total de fonctionnaires a été
considérablement réduit (-17%).
Mais ce
n’est pas tout. Car cette baisse des dépenses publiques illustre
aussi un autre phénomène économique à
l’œuvre, à savoir que pour relancer la croissance, il est
nécessaire de donner de l’air au marché légal. Il
faut le « libérer » pour ne pas laisser le
marché noir s’étendre, même si cela signifie baisser les taxes sur des produits tels que le tabac,
l’alcool ou les aliments.
En effet, dans
la droite ligne de la lutte anti-tabac actuelle en France, les pouvoirs
publics canadiens, dans les années 90, avaient aussi le tabac en ligne
de mire. Les prix des cigarettes – soumis à de fortes taxes –
y ont alors fortement augmenté. Les ventes officielles ont alors fini
par s’effondrer au point d’éroder fortement les recettes
fiscales.
Or, cet
effondrement n’a pas pour autant mis fin à la consommation de
tabac. Du coup, le trafic illicite a pris le
« relais ». Début 1994, celui-ci représentait ainsi deux
cigarettes achetées sur trois au Québec. Face à cette
situation, les pouvoirs publics ont finalement décidé de
réduire les taxes de 80%, permettant au marché légal de
reprendre « la main ».
Cet exemple
illustre une leçon simple en économie : quand il existe
une demande forte pour un produit, il existe aussi une offre. La question est
de savoir si elle sera légale ou non. Elle ne le sera pas si les
pouvoirs publics décident d’augmenter trop fortement le niveau
des taxes et des réglementations.
Au nom de la
lutte anti-tabac et dans le but d’engranger des recettes fiscales supplémentaires,
le gouvernement français actuel vient ainsi d’annoncer une
nouvelle hausse du prix du tabac de 30 à 40 centimes pour juillet
prochain. Depuis le début de la crise, le prix d’un paquet de
cigarettes aura ainsi augmenté d’environ un tiers. Faut-il dès
lors s’étonner si de plus en plus de fumeurs
« désertent » le marché légal et
se tournent vers le trafic illicite ?
Car plusieurs
éléments suggèrent que le phénomène prend
de l’ampleur.
Contrairement
à ce qu’on croit, il n’y a pas de lien automatique entre hausses
artificielles des prix et baisse de la consommation de tabac. Le tabagisme est
ainsi en hausse depuis 2005, en dépit d’une augmentation des
prix de 20% entre 2005 et 2010.
Plus
important, ces hausses répétées ont aussi fini par
impacter les ventes de cigarettes sur le marché légal. Au 1er
trimestre 2013, elles ont baissé, en valeur, pour la première
fois en 10 ans de 2,50% par rapport à la même période en
2012 (avec une baisse des volumes de -9%). La nouvelle hausse est donc
particulièrement risquée dans un tel contexte et pourrait servir
de catalyseur à une contrebande de plus en plus profitable.
Les pouvoirs
publics auraient donc sans doute intérêt à s’inspirer
de l’exemple canadien. Il indique clairement que le seul moyen, pour
renouer avec une croissance durable et mettre fin aux déficits, est de
réduire les dépenses publiques. Dans le même temps, en
cessant de matraquer des biens de consommation courante, on empêche un
marché noir de se développer avec tous ses effets pervers pour
les consommateurs et les finances publiques.
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