Voilà, c’est fait : Fleur Pellerin a quitté le gouvernement, et, en laissant son ministère de la Culture, elle nous permet de rappeler à bon compte quelques bricoles intéressantes que le citoyen français devrait ne jamais oublier.
Le premier constat est celui, assez banal, mais constamment nécessaire, que le ministère de la Culture, ce sont des médias et des politiciens, et beaucoup, beaucoup (trop ?) d’argent destiné à de la paillette, du petit-four et de la fanfreluche dans le petit monde étroit des arts et lettres français où tout le monde se connaît. Or, dans un milieu où tout est avant tout affaire de réseau et de connivences, où le carnet d’adresse (mondain) représente le plus précieux des sésames, il importe avant tout de ne froisser personne.
On ne s’étonnera donc pas qu’à l’occasion de son départ, presque subitement, tout le monde trouve Fleur Pellerin géniale. Difficile, ces derniers jours, de passer à côté des coupures de presse expliquant à quel point elle avait correctement rempli sa tâche et que son ministère avait été bien tenu pendant sa direction. D’ailleurs, même Jack Lang y est allé de sa petite chansonnette triste, en trouvant quelque peu cavalière la façon dont la pauvrette avait été remerciée :
« Ce qui me choque un peu c’est qu’on vire quelqu’un comme ça, sans aucun préavis d’aucune sorte. Elle a appris ça à la dernière minute. Je pense que les rapports humains ça compte aussi, le respect des personnes. Je n’ai pas trouvé très correcte la façon dont elle a été éjectée. François Hollande est un homme qui montre le plus souvent un sens de l’humain, un sens des personnes, un respect des autres. Il me semble que ce jour-là il a peut-être manqué de ce sens de l’humain. »
Oui, on peut le dire comme ça : normalement, quand tout se passe bien, à gauche, les voleurs valeurs décident de tout et on fait dans l’humain (comme Hénaff dans le cochon, mais en mieux).
Cela n’empêche pourtant pas de se demander où étaient tous ces thuriféraires lorsqu’elle était encore en poste. Du reste, cruel internet, retrouver la trace de ses actions au ministère laisse surtout flotter un sentiment de détérioration générale de la Culture.
Oh, bien sûr, il y a la question des budgets, soi-disant rabotés, qui justifieront les chouineries du monde culturel (jusqu’à produire des cartes interactives !) pendant toute la durée du bail de Fleur.
Mais le budget ne fait pas toute l’affaire.
Il y eut, aussi, cette propension difficilement gérable de la ministre à intervenir partout, tout le temps, à tout propos et surtout hors de propos, à créer des commissions et autres Conseils Nationaux plus ou moins utiles, à imposer de nouveaux quotas d’œuvres françaises (avec tous les effets pervers évidents que ça peut provoquer), à modifier (plutôt que supprimer) les aides à la presse, montrant un vrai désir d’orientation des médias, et, de façon générale, à s’agiter pour rien aux frais (conséquents) du contribuables.
Et comment passer au bleu sa gestion des nominations à France Télévisions, rapidement devenu l’Organe Officiel de la République Vibrante et Joyeuse, dont la ponction annuelle n’a pas cessé de grossir, encouragée dans sa croissance par une ministre qui n’a manifestement pas à la payer de sa poche ?
À ceci, on pourrait ajouter si l’on était méchant les petites boulettes, nombreuses, qu’une ministre de la Culture ne peut pas se permettre, allant de ses déclarations sur la lecture en passant par la désinvolture avec laquelle elle découvre son bureau, plusieurs mois après sa prise de fonction. Tout ceci est fort drôle, mais ces gaffes rigolotes passeraient mieux pour une adjointe à la culture de la Mairie de Trifouilly que pour une ministre de la République. Forcément (je dis ça, je ne dis rien) ça n’aide pas à conserver son poste…
Bref, le bilan de Fleur Pellerin n’est pas suffisamment bon, ni même moyen, pour lui tresser la moindre couronne.
Alors, oui, certainement, le président Hollande s’y est peut-être mal pris. Mais compte-tenu de son passé et de la façon dont il gère les personnes qui l’entourent, de son élégance naturelle, il fallait s’attendre de toute façon à ce que Fleur soit remerciée pour ce moment.
En outre, et c’est le second constat d’évidence, on peut tortiller les choses comme on veut, mais il n’existe pas encore (et Dieu merci) de droit opposable à être ministre ou secrétaire d’État, ni même de convention collective pour ce genre de poste qui imposerait une période de préavis. Par définition, ces grands commis sont éjectables ad nutum et c’est normal.
Certes, cela ne m’empêchera pas d’attendre avec une certaine gourmandise que les syndicats tentent d’introduire leurs gros doigts boudinés dans la relation même pas contractuelle qui lie ainsi un individu au Président de la République dans le cadre de hautes fonctions administratives, et d’imposer un préavis à la rupture, ou (par exemple et au hasard) une durée maximale de 7h42, tout comme j’espère qu’ils feront un jour intervenir l’Inspection du travail ou un CHSCT dans les cabinets histoire de vérifier que tout est en ordre.
Mais indépendamment de ces rêves humides (et rigolos), la façon dont Pellerin a été propulsée hors de la Rue de Valois permet de rappeler une vérité inaltérable : l’État reste le pire des employeurs, de loin. Il lui est parfaitement possible de vous virer du jour au lendemain, avec comme toute explication du patron une petite conversation de 5, pardon 6 minutes au téléphone, le jour même, entre deux couloirs.
À ce titre, il est particulièrement piquant de constater que ce sont ce même État et ce même patron qui se permettent ensuite, avec une décontraction typique d’une hontectomie réalisée très jeune, de filer des conseils à tout le reste des Français, employeurs et salariés, publics comme privés, en matière de droit du travail. On peut le dire : c’est une forme assez aboutie de cynisme que d’aucun pourrait ranger dans la catégorie des foutages de gueule si, à gauche, l’humain n’était pas systématiquement mis en avant, ahem brmhm bref.
Enfin, et c’est à mon avis le point le plus important, la rapidité avec laquelle la passation a lieu expose de façon limpide toute la complexité de la tâche que laisse Fleur Pellerin et qui attend Audrey Azoulay, la ministrey posey à la place de Fleur : si les importants dossiers de la Rue de Valois peuvent changer de main en quelques heures, c’est bien qu’ils sont en réalités portés par la bureaucratie qui, elle, reste en place, et non par la tête de gondole du rayon Culture.
Autrement dit (tant pour Pellerin que Lebranchu d’ailleurs), la brutalité du changement des ministres montre à quel point ils sont parfaitement accessoires.
Et quelque part, ce serait presque une bonne nouvelle s’ils ne faisaient rien.
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