Extrait de The Discovery
of Freedom (1943,
Première partie Chapitre I et II), republié en 1993 par Fox and
Wilkes
[Rose Wilder est l'une
des figures du renouveau de l'individualisme aux États-Unis, au cours
du vingtième siècle, avec deux autres femmes : Isabel Paterson
et Ayn Rand (R.W. Lane
trouvait cependant le militantisme antireligieux de cette dernière
irrationnel). C'est son livre "The Discovery
of Freedom" (dont est tiré cet extrait),
sorti pendant la Guerre, qui lança sa croisade anti-collectiviste. Il
rencontra peu de succès au début, les critiques (à
l'exception d'Albert Jay Nock) étant
négatives, malgré les éloges de son ami Herbert Hoover,
qui avait lu le manuscrit (oui, l'ancien président des Etats-Unis,
à l'origine du désastre économique et précurseur
du New Deal selon plusieurs libertariens, Rothbard par exemple).
Il faut dire que
quelqu'un qui considérait la Sécurité sociale comme un
grand mal collectiviste (dont elle savait qu'il avait été
imaginé par le socialiste Bismarck) et une arnaque basée sur un
schéma de Ponzi ne pouvait s'entendre avec une presse acquise au New
Deal. Elle écrivit d'ailleurs un jour une lettre à un journaliste
pour réagir sur cette Sécurité sociale : un soldat
(envoyé par le FBI) vint la menacer chez elle pour cela ! Elle le
raconta dans un de ses écrits intitulé "What is this
- the Gestapo ?", dont le titre montre bien ce qu'elle pensait de ces
agissements.
Plus tard elle devait
dire dans une interview qu'elle renonçait à écrire parce
qu'elle ne voulait pas contribuer au New Deal par ses impôts !
Rose Wilder Lane a par ailleurs entretenu une longue correspondance
avec le milliardaire Jasper Crane et avec Ludwig von
Mises : elle a écrit à propos de "Human
Action", que c'était "sans aucun doute la production la plus
puissante de l'esprit humain de notre époque, et je crois que [ce
livre] changera la vie des hommes pour le meilleur au cours des
siècles à venir, et aussi profondément que le Marxisme a
changé nos vies pour le pire au cours [du vingtième]
siècle".
Pour les lecteurs
francophones qui pensent ne pas la connaître, il convient de signaler
que, selon William Holtz, elle aida sa mère,
Laura Ingalls Wilder à écrire son
best-seller. Mais oui, la petite Rose des derniers épisodes de
"La Petite maison dans la prairie" (la série
préférée de Ronald Reagan) c'est elle !
Pour plus de
détails sur sa vie, voir la biographie de W. Holtz
: "The Ghost in the Little
House", 1993, University of Missouri Press, Columbia et Londres (livre dont j'ai tiré
certains renseignements). NdT]
I. La foi païenne
Très peu
d’hommes n’ont jamais su que les hommes étaient libres. De
nos jours, parmi la population de la Terre, très peu connaissent ce
fait.
Pendant six mille ans au
moins, une majorité a généralement cru en des dieux
païens. Un dieu païen, quel que soit le nom qu'on lui donne, est
une Autorité qui (pensent les hommes) contrôle l'énergie,
les actes et donc le destin de tous les individus.
La vision païenne de
l'univers est que ce dernier est statique, sans mouvement, limité et
contrôlé par une Autorité. La vision païenne de
l'homme est que tous les individus sont, et doivent l'être par leur
nature, contrôlés par une certaine Autorité qui leur est
extérieure.
Tout le monde le croit
quand il est très jeune. Un poussin peut gratter le sol dès
qu'il est sorti de sa coquille, un poisson sorti de l'œuf sait nager,
mais on doit donner une tape sur les fesses d'un bébé avant
qu'il ne puisse respirer, et il ne peut pas ensuite contrôler le peu
d'énergie qu'il possède. Pendant longtemps il se cognera un
œil quand il essaiera seulement de goûter ses pieds afin de savoir
de quoi il s'agit.
Il a faim et ne peut pas
obtenir de nourriture. Il est dans une situation inconfortable et ne peut pas
se retourner. La nourriture, la chaleur, le confort, la propreté, tout
ce qu'il demande et doit avoir provient d'un pouvoir extérieur
à lui, bien plus fort que lui. Et cette puissance contrôle
effectivement les conditions de sa vie.
Elle ne contrôle pas
son énergie - avez-vous déjà essayé
d'arrêter les hurlements d'un bébé quand il a tout
simplement envie de crier ? - mais il ressent sans doute qu'elle le fait. Il
veut manger, elle le nourrit. Il essaie de se soulever, elle le
soulève. Quand cette grande puissance hors de lui coïncide avec
sa propre énergie, et fait ce qu'il veut, il doit avoir l'impression
qu'elle contrôle son énergie. Quand elle fait avec lui ce qu'il
n'a pas envie qu'on lui fasse, il sait qu'il est impuissant à lui
résister.
Si un bébé
était capable de contrôler son énergie en pensant et en
parlant, il dirait que cette expérience prouve l'existence d'une
Grande Puissance qui contrôle les bébés.
Les hommes ne restent pas
des bébés toute leur vie. Ils grandissent. Un temps vient
où chaque homme normal devient un être humain responsable. Son
énergie crée une partie de l'ensemble du monde humain de son
temps. Il est libre: il se contrôle lui-même et est responsable,
parce qu'il génère son énergie et la contrôle.
Personne et rien d'autre ne peut la contrôler.
Néanmoins, pendant
environ six mille ans de l'Histoire du Vieux Monde, la majorité des
hommes a cru qu'une Autorité les contrôlait.
Pendant tout ce temps, les
énergies humaines n'ont jamais travaillé assez efficacement
pour tirer de cette terre un stock de nourriture sur lequel on puisse
compter.
II. Le communisme
De nombreux types
d'insectes et quelques animaux semblent effectivement être
contrôlés par une Autorité extérieure à
eux.
Une abeille, par exemple,
se comporte comme une cellule du corps humain. Elle n'a apparemment pas de
désirs et ne fait pas de choix : une Volonté des Masses semble
la contrôler. Une abeille est cruellement exploitée, éliminée
et remplacée par une autre qui s'épuisera dans le même
travail immuable pour l'Essaim, tout comme les cellules s'usent
jusqu'à la corde puis sont remplacées. Il apparaît qu'une
abeille n'a pas de vie individuelle : l'Essaim est la créature
vivante.
L'approche humaine la plus
proche de cet essaim d'abeilles est le communisme.
Quelques sociologues
disent que la Société a commencé par un communisme
sauvage et s'est développée jusqu'à la civilisation en
passant par la barbarie. D'autres s'attendent à ce que la
Société atteigne sa perfection finale dans un communisme
mondial futur.
Considérer la
société humaine comme un organisme se développant,
progressant ou revenant en arrière, revient à penser comme une
abeille - si cette dernière pense. C'est penser comme un païen.
C'est croire à un fantasme.
Il n'y a pas dans le monde
humain d'entité autre que la personne individuelle. Il n'y a pas de
force autre que l'énergie individuelle. Dans la vie humaine
réelle, la seule Société réelle est le contact de
chaque personne vivante avec tous ceux qu'elle rencontre.
Pour autant que la
Société ait une quelconque existence réelle, elle
n'existe que quand un garçon rencontre une fille, quand M. Jones
téléphone à Mme Smith, quand Robinson achète un
cigare, quand l'automobiliste s'arrête à la pompe, quand le
membre d'un groupe de pression donne un pourboire à un groom, quand il
rencontre un congressiste et que ce dernier vote sa proposition de loi, quand
le postier dépose le courrier, quand les patrons des ouvriers discutent
d'une grève, quand le chapelier apporte un nouveau chapeau et quand le
dentiste dit "Ouvrez plus grand, s'il vous plaît." A tout
moment, les relations humaines sont à ce point infiniment nombreux et
variées qu’aucun esprit humain ne peut commencer à les
comprendre.
Appeler toutes ces
relations la Société et discuter ensuite du progrès ou
du bien-être de la Société comme si elle existait en tant
qu'essaim revient à fuir la réalité pour un monde
imaginaire.
Personne ne sait ou ne
peut raisonnablement deviner quand, où et comment la vie humaine a
commencé. Si elle a commencé dans le communisme, elle est en
train de commencer maintenant. Plein de groupes de toutes sortes vivent le
communisme. Des groupes de communistes américains ont toujours vécu
aux États-Unis.
La première chose
qu'ont faite les intellectuels européens, quand les treize colonies se
furent libérées de l'Angleterre, fut d'y établir le
communisme. Hancock, Harvard, Shirley et Tyringham
au Massachusetts ; Alfred et New Gloucester dans le Maine, ; Mount Lebanon, Watervliet, Groveland et Oneida (Communauty silver) dans New York ; South Union et Pleasant Hill dans le Kentucky ; Bethlehem et Economy en Pennsylvanie ; Union Village, North Union, Watervlied, Whitewater et Zoar dans l'Ohio
; Enfield et Wallingford dans le Connecticut ; Bishop Hill dans l'Illinois ;
Corning et Bethel dans le Missouri ; Cedarvale dans
le Kansas ; Aurora dans l'Oregon, ainsi que de nombreuses autres villes
américaines, étaient des places communistes. A l'époque
de la floraison de la Nouvelle Angleterre, les amis d'Emerson
créèrent le rameau communiste de Brook Farm.
Upton Sinclair, qui, récemment, a failli
être élu Gouverneur de la Californie, a d'abord établi sa
renommée mondiale de révolutionnaire en fondant la colonie
communiste de Halicon Hall au New Jersey. Les
Indiens d'Amérique étaient des communistes, ainsi que les
constructeurs de mounds [les tumulus situés dans le bassin du
Missouri], apparemment.
Sparte fut un exemple
barbare de communisme. Plutarque décrit ainsi les Spartiates :
"Leur discipline continuait encore lorsqu'ils étaient devenus des
hommes. Personne n'avait le droit de vivre selon sa propre envie. La
cité était une sorte de camp dans lequel on décidait
pour chaque homme de sa part de provisions et de travail. [Lycurgue]
éduquait ses citoyens de telle manière qu'ils ne veuillent ni
ne puissent vivre par eux-mêmes : ils devaient faire un avec le bien
public et, rassemblés comme des abeilles autour de leur chef,
pouvaient tout grâce à leur ardeur et leur esprit public, sauf
se diriger eux-mêmes."
Ce "tout sauf"
est la différence persistante entre un homme et une abeille. Une
abeille se dirige totalement elle-même. Ainsi faisait Lycurgue
(pensaient les Spartiates). Dans l'Histoire, Lycurgue est une légende.
La légende est que, comme une abeille, il mit toute son énergie
vitale dans le bien public avant, devenu vieux, de se tuer lui-même
pour mettre fin à une vie qui n'avait plus d'autre valeur.
Pendant cinq
siècles, les Spartiates ont vécu dans une ville sans changement.
Le Roi Agis IV essaya d'élever leur niveau de vie : les Spartiates le
tuèrent. Ils continuèrent à vivre comme des cellules de
Sparte jusqu'à ce que des Grecs moins communistes les eurent vaincus
à la guerre et eurent détruit leur ville.
Il y a vingt ans, dans les
Alpes dinariques [Rose Wilder Lane visita
à plusieurs reprises l'Albanie, un pays qui la marqua
profondément et qu'elle adora. Pour l'anecdote, elle y reçut
plusieurs propositions de mariages lors de ses voyages ! Elle resta par
ailleurs liée à son premier guide, Rexh
Meta, dont la famille avait été tuée par des Serbes en
1915 et dont elle finança les études à Cambridge. NdT], les Dukagjeni
vivaient dans la même soumission à leur Loi de Lek [Le Kanun ("code") que compila au XVème
siècle Lek Dukagjeni. Lek, après
avoir combattu les Ottomans jusqu'en 1472, partit pour les Pouilles
après sa défaite. Son Kanun aurait
selon certains fortement influencé le "code d'honneur" des
mafias italiennes. Ces informations sont tirées de "La Mafia
albanaise" de X. Raufer et Stéphane Quéré (2000, Éditions Favre). NdT]. J'essayai pendant des heures d'en convaincre
quelques-uns qu'un homme pouvait posséder sa maison.
Une femme du village,
dangereusement radicale, réclamait une maison. Elle avait aidé
son mari à la construire. Depuis elle était une veuve sans
enfant mais voulait garder cette maison. C'était une maison ordinaire
: un petit taudis, avec des murs et un toit en pierre, sans sol, fenêtres
ou cheminée.
Elle répétait,
têtue et obstinément antisociale : "J'ai construit ces murs
avec ces mains, avec mes mains. J'ai porté les pierres du toit avec
mes mains. C'est ma maison. Je veux ma maison."
Les villageois disaient :
"C'est une folle. C'est un esprit des pierres, pas un esprit humain, qui
l'habite."
Ils étaient
intelligents. Mon plaidoyer pour cette femme les surprit, mais ils
donnèrent après réflexion la plupart des bons arguments
en faveur du communisme : l'égalité économique, la
sécurité économique, l'ordre social.
Je racontai que, en
Amérique, les hommes possédaient une maison. Ils n'arrivaient
pas à le croire : ils admiraient l'Amérique. Ils avaient
entendu parler de ses merveilles : pendant la Guerre mondiale qui venait
d'avoir eu lieu, ils avaient vu de leurs yeux les avions de ce pays fabuleux.
Ils me
questionnèrent astucieusement. Je trébuchai en mentionnant les
impôts : je dus admettre qu'un Américain payait à la
tribu pour la possession d'une maison. Ceci semblait vouloir dire que la
tribu américaine possédait en réalité la maison.
J'étais mise en déroute : leur opinion de mon pays était
restaurée.
Ils étaient
incapables d'imaginer qu'une quelconque sécurité, qu'un
quelconque ordre ou qu'une quelconque justice puisse exister parmi des hommes
qui n'étaient pas contrôlés par une certaine
Autorité impalpable, qui ne pouvait pas permettre à un individu
de posséder une maison.
Exactement de la
même façon, Rousseau ne pouvait pas imaginer de civilisation
sans qu'une Autorité ne contrôle les individus. Vingt-cinq
siècles après Sparte, il y a seulement deux
générations, tous les brillants intellectuels européens
se battaient pour les Droits de l'Homme et prévoyaient que les droits
de l'homme détruiraient la Civilisation. Ils ne pouvaient pas
concevoir d'homme libre en dehors du noble Peau-Rouge peu instruit, nu et
solitaire dans les régions sauvages de l'Amérique. (Ils ne
prenaient pas la peine d'apprendre que les Indiens d'Amérique, quoique
nobles et nus, étaient communistes).
En 1776, les penseurs
français étaient les esprits les plus libres d'Europe. Ils ne
pouvaient imaginer que l'exercice des droits naturels de l'homme puisse
créer un nouveau type de civilisation. Ils ne pouvaient imaginer les
véritables droits de l'homme : ils supposaient qu'une Autorité
devait contrôler les individus.
Cette hypothèse
fausse sous-tend toute la pensée du Vieux Monde, à travers
toute son histoire, jusqu'à aujourd'hui. Elle sous-tend une bonne
partie de la pensée américaine.
Cette illusion a
prévalu pendant si longtemps, et conduit encore tant d'esprits
honnêtes à fuir les faits, parce qu'elle semble résoudre
le problème humain. Le problème est réel : c'est celui
de contrôler les énergies combinées de tant d'individus.
Les individus doivent
combiner leurs énergies pour survivre sur cette planète. Leurs
énergies jointes doivent travailler sous un contrôle
donné. La question est : qu'est-ce qui les contrôle.
La réponse du Vieux
Monde est : l'Autorité.
Cette réponse est
la base de la vie humaine dans le Vieux Monde. Aucun penseur de celui-ci ne
l'a jamais remise en cause. La question dont débattaient les cerveaux
du Vieux Monde était : quelle Autorité ?
Pour trouver
l'Autorité, les esprits humains se sont battus pendant des milliers
d'années. Pour la trouver, des hommes actifs, siècle
après siècle, se sont révoltés contre leurs
gouvernements, ont tué leurs gouvernants, se sont massacrés par
millions et ont mis en place toutes les formes possibles d'Autorité
vivante, les unes après les autres.
De Lycurgue à
Lénine, les communistes rejettent toute forme d'Autorité
humaine. A la question : "quelle est l'Autorité qui
contrôle les êtres humains ?", les communistes
honnêtes répondent : "aucun homme vivant, aucun Roi, aucun
Tsar, aucun despote, aucun dictature, aucune majorité, aucun groupe,
aucune classe."
Un communiste donne cette
réponse parce qu'il reconnaît un fait, le fait de la
fraternité humaine. Il dit en fait que tous les hommes sont unis dans
un effort commun pour survivre sur cette terre. Tous les hommes partagent une
nécessité humaine commune, un but humain commun. Tous les
hommes ont un même droit à la vie et par conséquent aux
nécessités de la vie.
Mais, à partir de
ce point, un communiste raisonne selon l'hypothèse païenne
ancienne qui veut qu'une Autorité contrôle tous les hommes. Il
ne remet pas en question la superstition païenne : il l'accepte.
Son raisonnement continue
donc ainsi : Comme tous les hommes sont humainement égaux, aucun homme
n'est une Autorité contrôlant les autres. Si cette
Autorité n'est pas celle d'un homme, elle doit être impalpable,
surhumaine. Pour trouver quelle est cette Autorité, observons le
comportement des hommes. Leur premier effort est de trouver de la nourriture,
des vêtements, un abri. C'est donc la Nécessité
Économique qui les contrôle.
Voilà l'erreur qui
provient de la croyance superstitieuse en une Autorité.
Un homme nu seul dans les
bois peut fuir en tournant en rond avant de mourir de fatigue ou peut se
bâtir un abri avec des branches, tuer et manger un lapin et faire un
vêtement avec sa peau. Historiquement, les hommes n'ont pas
tourné en rond et n'ont pas péri : ils ont survécu.
C'est un fait que la vie d'un homme est une lutte entre l'énergie
humaine, qu'il contrôle, et les énergies non humaines que sont
le temps, les arbres et les lapins.
Mais le communiste cherche
une Autorité qui contrôle les hommes et considère comme
certaine l'idée que l'homme ne se contrôle pas lui-même.
Ainsi, l'Autorité qui le contrôle doit être sa situation,
le total des arbres, des lapins et du temps. Ce qui veut dire que le chasseur
est contrôlé par ce qu'il chasse. Une femme ne contrôle
pas son fourneau, ce dernier la contrôle. Est-ce bien vrai ?
Comme un communiste ne
sait pas que les individus se contrôlent eux-mêmes, il les voit
comme les cellules de la Société, qui (croit-il) a un Grand
Esprit qui est à l'individu ce que l'essaim est à l'abeille.
Pour autant que je le
sache, seuls les Indiens d'Amérique ont appelé cette
Autorité impalpable le Grand Esprit. Les sauvages l'appelle tabou. Les
Spartiates l'appellent Sparte. Mes amis Dukagjeni
l'appellent Loi de Lek. De nombreux groupes communistes vivant dans nos
États l'appellent Dieu. Marx l'appelait la Volonté des Masses
et l'État Prolétarien. Les communistes de ce pays l'appellent
désormais la Ligne du Parti, qui vit à Moscou.
En théorie, le
communisme est l'auto-capitulation totale de l'individu à la
volonté de cette autorité intangible qui est évidemment
toujours le Bien.
La théorie et la
pratique du communisme sont aussi vieilles que l'Histoire. Elles persistent
parce que la théorie repose en partie sur un fait. Elle
reconnaît l'égalité et la fraternité des hommes.
En pratique, aucun effort
pour faire marcher cette théorie n'a jamais permis d'utiliser
efficacement l'énergie humaine, parce que la théorie ne
reconnaît pas ce fait qui est que les individus contrôlent leur
propre énergie.
Le communisme
réussit à contrôler les énergies combinées
des hommes parce que les individus contrôlent leur énergie en
accord avec leur vision (qu'elle soit vraie ou fausse) de l'univers, de la
réalité, de Dieu. Et s’ils croient qu'une Autorité
invisible les contrôle, ils agissent comme
si une telle
Autorité les contrôlait. S'ils ne le croient pas, ils n'essaient
pas le communisme.
Toute l'histoire prouve
que le communisme est une façon possible de vivre. Des hommes ont
vécu ou vivent dans le communisme, à tous les niveaux de
culture et à tous les niveaux économiques atteints dans le
Vieux Monde.
Afin de vivre dans le
communisme, il est seulement nécessaire qu'un nombre suffisant
d'hommes et de femmes croient deux faits et une erreur : que tous les hommes
sont égaux et qu'ils sont tous frères - et qu'une
Autorité invisible contrôle les individus.
Traduction :
Hervé de Quengo
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