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Fuites en avant par défaut

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Published : February 09th, 2012
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Se lançant de facto dans une opération déguisée d’assouplissement quantitatif, la BCE gagne du temps car c’est tout ce à quoi elle peut prétendre. En décembre, elle a prêté en quantité illimitée et à trois ans des fonds aux banques et s’apprête à renouveler l’opération à la fin du mois ; mais si ces injections massives de liquidités contribuent à détendre actuellement les marchés, elles ne règlent en rien la crise de solvabilité des établissements financiers et ne font pas progresser le désendettement des États.


La BCE est donc confrontée à ses propres limites. Si elle peut soulager la crise de liquidités des banques et rassurer les investisseurs, elle ne peut pas les recapitaliser. Dans le contexte peu favorable d’une Europe plongeant dans la récession, le remboursement de ses prêts dans trois ans fait déjà question.


Aux banques, il est déjà demandé de consentir une décote sur la dette grecque, pour celles qui en détiennent, et d’augmenter leur ratio fonds propres/engagements tout en maintenant le niveau du crédit. Le Comité de Bâle a bien accepté d’assouplir son calendrier, mais l’EBA (l’Autorité bancaire européenne) a ses exigences particulières, à échéance de juin prochain, tandis que dans le cas de l’Espagne, où le secteur bancaire est particulièrement atteint, le gouvernement a les siennes pour les deux ans à venir. Des choix sont inévitables et l’on pressent que l’amélioration du ratio en question va une fois de plus en faire les frais, sans garantir pour autant – comme on le constate déjà – la poursuite du crédit aux mêmes conditions. La recapitalisation des banques se passe au forceps en Italie et en Espagne, tandis que dans les pays assistés les prêts des plans de sauvetage y pourvoient sur fonds publics.


Le pari du remboursement dans trois ans de la BCE est de même nature que celui qui est tenté avec les plans de sauvetage des Etats. Ceux-ci ne sont pas non plus éternels, et il faudra bien à un moment donné retourner sur le marché obligataire, ainsi que rembourser les prêts du FMI et ceux que l’Union européenne a garanti.


Les analystes pressentent déjà que le Portugal ne sera pas en mesure de le faire, sans parler de la Grèce, pour laquelle leur conviction est faite : le remboursement des prêts y est à haut risque, ce qui explique la tentative de dernière heure d’Angela Merkel et Nicolas Sarkozy de garantir en priorité le service de la dette grecque par un système de compte bloqué où seraient versées les aides. Ainsi que le retour de mesures de mises sous tutelle de la Grèce, à laquelle s’apparentent également les fréquents séjours prolongés de délégations de la Troïka dans les pays sous assistance. L’affaire s’annonce elle aussi problématique.


Le pari général du retour à la normalité repose sur un autre pari, qui le rend très incertain, car la stratégie poursuivie plonge l’Europe globalement dans la récession, avec pour conséquence d’amoindrir les rentrées fiscales des Etats et de réduire les résultats des établissements financiers. Ce qui rend plus lourd le désendettement des uns et la recapitalisation des autres. Il repose sur un acte rédempteur : la croyance qu’une forte purge est indispensable pour que la machine reparte comme avant.


Sans même en discuter du bien fondé, le rythme inégal des deux processus engagés fait problème : le désendettement public va réclamer plus de temps que la date prévue de retour sur le marché des États qui bénéficient d’un plan de sauvetage n’en octroie. Suggérant sans attendre qu’ils devront être prorogés, les dettes correspondantes restructurées et leurs échéances repoussées.


Si cela devait se confirmer, comme vraisemblable, cela impliquerait le renouvellement des soins palliatifs mis en place pour les uns et les autres, inaugurant un fonctionnement nouveau du capitalisme. Aboutissant au renforcement de la responsabilité financière de l’État au moment même où il est prévu de tailler dans ses missions et où les banques centrales nationales sont fragilisées. Car, au sein de l’Eurosystème, celles-ci se sont vu confier par la BCE la responsabilité de prendre en pension le collatéral des banques en contrepartie de ses prêts et de fixer le seuil auquel il est accepté.


Mais ce qui s’annonce est-il tenable ? L’opacité du système financier continue de rendre impossible toute prédiction quant au calendrier et au mécanisme du prochain craquement. Le désendettement public et privé va être étalé dans le temps, grâce à l’empilement de nouvelles dettes, mais les garanties offertes en contrepartie par les établissements financiers sont de moins en moins de qualité et le remboursement des prêts aux États n’est pas assorti de celles-ci. Le nouvel édifice n’est pas d’une grande solidité, il y a dans cette stratégie tout de la fuite en avant.


L’avenir ne se joue pas seulement sur ce terrain, les conséquences sociales d’une austérité de longue durée et des réactions qu’elle suscitera sont méconnues. L’avènement sans heurts d’une longue période de désendettement et de récession est loin d’être garanti, étant donnés les obstacles de toute nature qui peuvent surgir.


La situation actuelle est inédite, tant en raison de l’ampleur sans précédent de la bulle des dettes que de sa généralisation à l’ensemble des pays développés. Or, elle est traitée avec des moyens sans rapport avec sa dimension, qui ne permettent ni de la résorber franchement, ni de relancer l’activité économique sur de nouvelles bases, afin de ne pas reproduire le même sempiternel schéma que certains voudraient ériger en loi intangible. Notre destin serait alors d’aller de bulle en bulle, dont la constitution resterait toujours mystérieuse et dont il faudrait à chaque fois subir les effets de leur éclatement.


Le mécanisme est atteint, le temps est venu d’en changer. En engageant auparavant une restructuration à grande échelle de la dette, publique et privée afin de partir sur des bases saines. Ce qui réduirait brutalement la taille d’un système financier hypertrophié qui ne trouve plus ses points d’appui après avoir épuisé les bienfaits d’une ingénierie financière qui prétendait annuler le risque.


Cette issue est impensable pour les tenants d’un capitalisme financier qui ne veulent pas en démordre et conservent les clés du pouvoir politique. Il est préférable pour eux d’agiter comme un repoussoir l’hypothèse du chaos. Une telle éventualité étant absente de leur corps de doctrine, les études sur l’art et la manière d’y parvenir de manière ordonnée font par voie de conséquence défaut, permettant d’affirmer qu’il n’y a pas d’autre issue que celle qu’il est sommé de suivre. C’est le bouchon qui doit sauter.


Restructurations ordonnées de la dette publique grecque d’un côté et de la dette privée espagnole de l’autre, le chemin est ébauché qu’il va falloir élargir.

 

 



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Paul Jorion, sociologue et anthropologue, a travaillé durant les dix dernières années dans le milieu bancaire américain en tant que spécialiste de la formation des prix. Il a publié récemment L’implosion. La finance contre l’économie (Fayard : 2008 )et Vers la crise du capitalisme américain ? (La Découverte : 2007).
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