La semaine dernière, Stanley Fischer, vice-président de la FED, a annoncé à la surprise générale qu’il démissionnait. Ce qui fait planer un gros point d’interrogation sur les profils qui occuperont les postes numéro 1 et numéro 2 de la Banque centrale américaine, sans parler de ceux qui prendront place sur les sièges vacants du Conseil des Gouverneurs.
Cependant, si un changement de direction peut certainement influencer les politiques monétaires, il est important de se rappeler que les politiques accommodantes ont précédé les décideurs actuels. En fait, cette tradition d’argent facile remonte à presque 20 ans. Cette tendance a d’ailleurs façonné le portefeuille de la plupart des investisseurs.
L’énorme impact de ces politiques monétaires accommodantes peut être vu dans la réalité, c’est-à-dire dans les taux ajustés à l’inflation. Si on ne peut pas se fier à un seul paramètre pour mesurer les conséquences des politiques monétaires, l’inflation est un bon indicateur. À très long terme, le taux d’intérêt réel fédéral (RFFR), que l’on calcule en déduisant des taux fédéraux l’inflation CPI, est en moyenne de 1,25 %, mais cette moyenne cache des variations significatives.
À la fin des années 70, le RFFR fut constamment en territoire négatif alors que les banquiers centraux avaient du mal à trouver la parade à l’envolée inattendue des prix. La dynamique a changé sous la présidence de Paul Volcker, qui a agressivement relevé les taux en faisant baisser l’inflation au passage. Néanmoins, les taux réels restèrent obstinément élevés alors que tout le monde anticipait le retour de l’inflation. Qui n’est jamais revenue, comme nous le savons aujourd’hui.
En revanche, ce qui a changé aux États-Unis c’est la tendance concernant la croissance. L’amorce de ce changement a eu lieu plus ou moins lorsque la bulle Internet a éclaté. Alors que la croissance réelle et nominale ralentissait, les politiques monétaires ont été bouleversées. À l’exception d’un cycle de resserrement de vis très court en 2005-2006, le RFFR a eu tendance à être négatif depuis 2001, voir le graphique ci-dessous.
Cette tendance de taux réels bas ou négatifs n’a seulement accéléré qu’après la crise de 2008. Depuis 2009, le RFFR moyen est supérieur à -1 %. Et contrairement aux années 70, les taux négatifs d’aujourd’hui s’inscrivent dans un contexte d’inflation historiquement basse. Autrement dit, les taux négatifs ne sont pas la conséquence d’une FED qui se serait fait surprendre. Il s’agit d’un choix de politique délibéré.
C’est important de le noter pour de nombreuses raisons. L’une des plus obscures, mais qui n’en est pas moins importante, est que l’environnement monétaire a tendance à affecter les « comouvements » des actifs. L’un des chiffres les plus obscurs dont personne ne parle, et pourtant l’un des plus importants, est la corrélation actions/obligations. Et celle-ci semble évoluer de concert avec les politiques de la FED. Historiquement, le niveau du RFFR est responsable de 30 % des variations des corrélations actions/obligations. Voici une façon plus directe de dire les choses : lorsque les gens n’ont pas peur de la FED, ils achètent des obligations pour la sécurité qu’elles offrent.
Quel que soit le chemin qui sera suivi par la direction à venir, il sera important à de nombreux titres, notamment pour savoir si les obligations continueront à fournir une assurance fiable contre le risque posé par les marchés actions. Sans affirmer détenir des informations particulières concernant le prochain président et vice-président de la FED, je note tout de même que les politiques accommodantes et la FED sont depuis bien longtemps intimement liées.
Article de Russ Koesterich, gestionnaire de portefeuille de Black Global Allocation, publié le 18 septembre 2017 sur BlackRock.com