Dan Popescu : Bonjour mesdames et
messieurs, ici Dan Popescu pour Goldbroker.com. J’ai le plaisir de
recevoir Gerald Celente, éditeur du Trends
Journal. Il a développé la méthodologie Globalnomic pour
identifier, suivre, prédire et gérer des tendances. À l'écart de tout dogme
politique, idéologies rigides ou idées reçues, M. Celente, dont la devise est
« Pensez par vous-même », observe et analyse les événements donnant naissance
aux tendances futures pour ce qu’ils sont, et non comme il voudrait qu’ils
soient. Bonjour, Gerald, comment allez-vous ?
Gerald Celente : Bonjour Dan, merci de
me recevoir.
Dan Popescu : C’est un plaisir pour moi
de vous recevoir aujourd’hui… cela fait longtemps que je voulais vous
interviewer. J’ai lu votre rapport, le Trends Journal, il est
excellent. Et le timing est parfait, avec ce qu’il se passe en Grèce, mais
pas seulement en Grèce, même si toute la presse est concentrée sur ce qui se
passe là-bas… mais il y a à peine deux jours, nous avons entendu parlé de
Porto Rico, ce qui tourne à nouveau les projecteurs vers les États-Unis…
Comment voyez-vous les événements et les tendances actuelles et la
géopolitique ? L’or, au milieu de tout cela, ne semble pas réagir…
Gerald Celente : Non, en effet, l’or ne
réagit pas beaucoup. Mais il y a une actualité qui ne fait pas la Une des
journaux, c’est le Shanghai Gold
Index. Vous savez, il a plus que doublé en une année. Et là, il a
perdu plus de 20% en environ une semaine et demie, et ça ne fait pas de
bruit. En début de semaine, l’indice a perdu plus de 5%; le lendemain, il a
atteint un pic dépassant celui de 2009, et le mercredi, bang ! Le Shanghai
Gold Index a encore perdu 5%... et cela ne fait pas les gros titres, car
tous les yeux sont tournés vers la Grèce. En ce qui concerne la Grèce, il n’y
a pas d’issue ! Qu’ils fassent faillite, ou qu’ils acceptent les supposées
mesures d’austérité, les Grecs sont perdants. Ce qu’il se passe en Grèce ne
fait qu’illustrer un peu plus le déclin persistant dans cette région du
monde.
Je reviens d’Italie, où j'étais à l'Expo Milano – une pure perte de temps
! Le pays est rempli d’immigrés, vous pouvez les voir partout. Ils se sauvent
des pays déchirés par la guerre et la sauvagerie économique. En provenance
d’Afghanistan, d’Irak, du Yemen, d’Afrique centrale, de Somalie ou du Soudan,
de Libye ou de Syrie, ces gens arrivent en Europe en nombre record ! Et il
n’y a pas de reprise économique… la Banque
des règlements internationaux (BRI), le « banquier des banquiers »,
a publié une étude dont on a quasiment pas entendu parlé, indiquant que – ce
ne sont pas leurs mots exacts, mais ce que nous comprenons en lisant – ces
taux d’intérêt très bas et les niveaux d’assouplissement quantitatif ont créé
une autre bulle ! Une bulle plus grosse que toutes les autres… Et puis,
regardez l'activité des fusions et acquisitions actuellement : elle est au
niveau de 2007, augmentant à un rythme jamais vu, à cause du faible coût de
la monnaie.
Pourquoi le prix de l’or n’augmente-t-il pas ? Des gens ont commis des
crimes, et malgré les preuves amassées, aucun d'entre eux n'est allé en prison.
Ils ont truqué le LIBOR, les taux d’intérêt, le FOREX (taux des changes)…
vous savez, il s’échange plus de 5 300 milliards$ en devises chaque jour… si
vous regardez le LIBOR, cela dépasse les 700 000 milliards$ depuis qu’ils
manipulent ce taux… Aucune banque centrale n'a intérêt à ce que le prix de
l’or grimpe, car cela constituerait le signal d'alarme montrant à quel point
leurs devises papier sont sans valeur. Après avoir produit des taux d’intérêt
à un plus bas record – aux États-Unis, la politique de taux zéro dure depuis
91 mois… du jamais vu dans toute l’Histoire ! Des taux d’intérêt à 0%… des
taux d’intérêt négatifs dans les banques européennes… et le prix de l’or ne
grimpe pas ? Et vous avez mentionné ce qu’il se passe à Porto Rico, avec les obligations…
mais pourquoi quelqu’un voudrait-il acheter des bons de ces pays ? Ou même
d’autres États (des États-Unis), quand il y a tant de volatilité ? Selon moi,
l'or ne monte pas car il est manipulé devant nos yeux, comme tout le reste
d’ailleurs !
Nous regardons les banquiers centraux manipuler le système entier devant
nos yeux… des gens ont été reconnus coupables de crimes, mais parce que nous
sommes dans une société néolibérale, où il existe des lois différentes pour
la classe dirigeante, qu’il s’agisse de l’élite financière, ou de la noblesse
politique, ils peuvent commettre les plus grands crimes et délits, et
personne ne va en prison pour cela, tandis que nous, les petits gens, on ne
peut pas franchir la ligne jaune sur la route sans être arrêté par un
représentant de la loi, qui travaille pour ces gangsters ! Alors personne ne
va enquêter sur la manipulation de l’or… et même si quelqu’un le faisait, ce
ne serait qu’une investigation superficielle qui n’enverrait personne en
prison.
Dan Popescu : Gerald, pensez-vous qu’il
existe une sorte de coordination, comme à l’époque du Gold Pool des
années 1960 ou des années 1990 avec le Washington Agreement…
pensez-vous qu’il y a une coordination entre les États-Unis et l’Europe ? Et
les Chinois ? Sont-ils en concurrence avec l’Ouest ? Certains disent que les
Chinois contrôlent le marché de l’or, en ce moment, et qu’ils souhaitent
garder le prix de l’or bas afin d’en accumuler le plus possible…
Gerald Celente : Non, je ne suis pas
d’accord avec cela. Vous avez l’Inde, maintenant, qui recommence d'acheter de
l’or, avec le nouveau premier ministre Mohdi, qui a assoupli certaines
restrictions sur l’achat d’or par les Indiens. Mais savez-vous qu'elle est la
plus grande menace pour la Chine ? Ce n’est pas tant ce soi-disant intérêt
pour l’Asie des États-Unis… c’est le peuple chinois. Regardez l’indice HSBC
qui vient tout juste de sortir pour la production industrielle : il est sous
les 50%, en déclin, et cela dure depuis plusieurs mois. Regardez les
importations de pétrole chinoises, elles ont diminué de plusieurs pourcents
en mai et en juin… La Chine a de sérieux problèmes, et elle fait tout ce
qu’elle peut pour que ces marchés restent debout. Regardez vendredi dernier,
alors que les marchés étaient encore en baisse de 5%... les Chinois le font
virtuellement chaque weekend : ils inventent une façon de tronquer les
chiffres. Bien sûr, tous les pays le font… ils attendent le weekend… Ils ont
encore baissé les taux d’intérêt et, ensuite, ils ont inondé le marché des
actions de liquidité en utilisant d’autres sociétés – et, en passant, c’est
ce qu'il est arrivé hier. Nous publions Trends in the News chaque
jour, dans le cadre de l'abonnement à Trends Journal, qui est publié
tous les trimestres. Nous offrons aussi Trends en ligne
mensuellement et hebdomadairement, mais nous publions aussi Trends in the
News chaque soir. Et j’ai lu, dans le Global Times, combien
d’argent a inondé le marché chinois mardi, à un rythme jamais vu, et ils
l’ont retracé comme venant du gouvernement chinois qui, via une des
organisations qui est, en réalité, une couverture pour eux, s'est fait passer
pour une espèce de grosse compagnie. La Chine a des problèmes. Le monde est
dans une crise comme jamais vu auparavant, à cause de ces politiques de faibles
taux d’intérêt et de ces milliers de milliards de dollars de capitaux qui
inondent les marchés actions en utilisant des stratagèmes… peu importe qu’il
s’agisse d’ « Abenomics », de « Quantitative Easing », ou de toute autre
appellation.
Dan Popescu : Nous avons eu de
l’hyperinflation auparavant en Allemagne, au Zimbabwe, en Roumanie, mon pays
natal. Mais il me semble qu’il y avait alors la possibilité d’utiliser une
autre devise… les Allemands pouvaient utiliser le franc suisse, la livre
Sterling. Pensez-vous qu'il y aura une hyperinflation mondiale… parce que le
problème semble énorme aujourd'hui ?
Gerald Celente : Il est très important
de comprendre ce qu’est l’inflation, parce qu’il y a deux définitions. Par
exemple, c’est de l’inflation lorsqu’il y a un problème d’offre et de demande
: s’il y a plus de demande que d’offre, cela cause de l’inflation, car les
acheteurs, en nombre, font grimper les prix. L’autre définition de
l’inflation, et c’est ce dont vous parlez, a plus à voir avec la dévaluation
des devises : le prix des denrées est le même, mais la devise perd de sa
valeur. Alors, ce que vous avez, dans ce genre d'atmosphère, est de la
déflation, parce qu’il y a plus d’offre que de demande. C’est à quoi nous
assistons, et c’est ce qui retient ce cycle de dévaluation des devises, qui
ferait qu’il coûte plus cher de se procurer les produits, car y a tellement
plus de produits sur les marchés. Prenez le pétrole, prenez l'acier, par
exemple… En Chine, vous pouvez vous procurer une tonne de choux pour moins
cher que de l'acier… Alors, ces déséquilibres se créent, parce que vous avez
eu toute cette surproduction de produits en masse quand cette fausse «
reprise » est arrivé. Et c’est pourquoi vous voyez cette déflation dans les
prix, ce qui retient quelque peu la valeur des devises. En fait, prenez
n’importe quel pays exportateur, riche en ressources naturelles, comme le
Brésil : ils sont à nouveau en récession. Regardez ce qu’il se passe en
Australie… le dollar australien est en déclin… parce que, leurs ressources
naturelles, si les États-Unis et l’Union européenne n’achètent pas, ou la
Chine, l’Indonésie, ou le Vietnam… S’ils ne le font pas, les pays riches en
ressources naturelles n’exportent pas ce qu’ils ont… C’est pourquoi, je
crois, nous ne voyons toujours pas cette hyperinflation que nous avons connue
auparavant.
Cela dit, je pense que nous allons voir l’hyperinflation exploser dans des
pays – particulièrement les pays émergents – qui ont été dopés par ces taux
d’intérêt à un bas record et tout ce nouvel argent et qui, maintenant que les
choses déclinent, ont à payer leurs dettes en dollars dont la valeur est en
hausse. C’est là que nous verrons la montée de l’inflation et de la
dévaluation des devises.
Dan Popescu : Gerald, comment voyez-vous
la situation avec les DTS (droits de tirage spéciaux, ou SDR) ? Il semble que
la Chine veut à tout prix que son Yuan fasse partie du panier de devises des
DTS… les États-Unis n’ont pas vraiment réagi. Nous ne sommes pas certains
qu’ils acceptent… ils ne s'y sont pas vraiment opposés, mais ils cherchent
des excuses… que pensez-vous des DTS ? Certains disent qu’il s’agit encore
d'une papier-monnaie… parviendront-ils à discuter et à trouver un accord ?
Est-ce que les Chinois souhaiteraient lier les DTS à l’or, par exemple ?
Gerald Celente : Je ne sais vraiment
pas, ce n'est pas clair. Et je n’aime pas spéculer si je n’ai pas une saine
compréhension du sujet. Mais, grosso modo, pour la Chine, les
institutions économiques sont de moins en moins sévères avec elle, qu’il s’agisse
du FMI ou de la Banque mondiale. Ces institutions font de plus en plus de
choses pour accommoder la Chine. La Chine ne peut plus être ignorée… Et
maintenant, évidemment, avec la Chine qui a crée avec succès l’AIIB
(Asian Infrastructure Investment Bank), pour faire contrepoids à la
Banque mondiale, qui imposait des restrictions à la Chine – incluant le FMI –
je crois que nous allons voir d'avantage de coopération avec la Chine sur le
plan monétaire que d’antagonisme.
Dan Popescu : J'ai une dernière question
: On discute beaucoup, ces temps-ci, sur Internet, de l’interdiction du cash,
de confiscation d’or… mais surtout du cash. Des restrictions ont été mises en
place en Europe. La mère d’un joueur de football connu (C.Ronaldo) a été
arrêtée avec 55 000 euros en cash alors qu’elle rentrait au Portugal… Il y a
cet économiste, M. Rogoff, qui propose une forme d’interdiction ou de
contrôle du cash. Qu'en pensez-vous ?
Gerald Celente : Les choses vont de plus
en plus dans cette direction, c’est certain. Comme je l’ai mentionné plus
tôt, je reviens d’Italie… J’ai un cousin qui vit une partie de l’année en
Italie, et il venait d’acheter une bouteille de champagne… il remarqua qu’il
n’avait pas choisi la bonne marque, alors il est retourné pour l’échanger,
mais il n'a pas pu… La propriétaire du magasin qui lui a vendu la bouteille
avait déjà rapporté la vente, et c'était trop compliqué de refaire la
transaction. Vous savez, aujourd’hui, tout est rapporté, surveillé. Il n’y a
presque plus de libre circulation de l'argent liquide... Il y a aussi la
psychologie de la nouvelle génération qui est habituée à être surveillée, que
ce soit par la NSA ou autre. Elle est habituée au monde d’Internet, où toute
l’information est virtuelle, en ligne, et non réelle. Les choses vont
définitivement dans cette direction.
Au sujet de la confiscation d’or, je ne crois pas que cela arrivera, pour
deux raisons : premièrement, les gens qui achètent de l’or sont au courant de
cette histoire, en 1933, quand le président Franklin D. Roosevelt a confisqué
l’or des gens, soit-disant pour sauver le pays du déclin. Ce qu’il se passait
vraiment, c’est qu’à cette époque, vous alliez à la banque, le dollar était
adossé à l’or, et vous pouviez obtenir l’équivalent en or… et l’or était aux
environs de 22$ et quelques cents l’once. Après avoir confisqué tout cet or,
ils ont monté son prix à 35$, ce qui signifie que les gens qui ont été forcés
de donner leur or ont perdu plus de 70% de leur pouvoir d’achat, par rapport
à l’or… donc, cela a amené la dépression, une période déflationniste… c’était
une dévaluation de la devise. Mais, cette fois, les gens qui achètent de l’or
connaissent cette histoire, et ce sera très difficile pour le gouvernement de
se l’accaparer. Je ne pense pas que cela se produira aux États-Unis; cela
pourrait arriver dans d’autres pays, je ne sais pas, mais cela sera de plus
en plus difficile à contrôler.
Et je crois aussi que, lorsque le prix de l’or grimpera, il ne le fera pas
de manière graduelle; il va exploser. Cette montée surviendra si rapidement
que l’or retournera à ses pics de 2011, qui seront considérés comme la norme.
Et, par la suite, l’or grimpera plus haut. Alors, je vois l’or, à long terme,
beaucoup plus haut que les pics de 2011, voir 800 ou 900$ plus haut…
Cependant, le risque baissier existe toujours, mais quel est-il ? L’or est
actuellement autour de 1 170$... quel est le risque baissier ? 1 000$ ?
Actuellement, l’or s'échange sous les coûts de production – on dit que cela
coûte 1 200$ l’once pour l’extraire. Je ne donne pas de conseils en
investissement, je ne fais que prédire les tendances et, comme vous l’avez
mentionné, ma devise est « Pensez par vous-même », alors je ne vais pas me
mettre à dire aux gens quoi faire – mais je pense que le risque baissier est,
dans le pire des cas, d’environ 1 000$. Mais quel est le potentiel haussier ?
Dan Popescu : Énorme…
Gerald Celente : Exactement.
Dan Popescu : Merci, Gerald, ce fut un
plaisir de vous parler. J’ai lu le Trends Journal, et je le
recommande à tout le monde. Au nom de Goldbroker.com, merci encore.
Gerald Celente : Merci, Dan.