Les turbulences politiques sont de
retour en Grèce. Les électeurs grecs doivent se rendre aux urnes pour des
élections anticipées le 25 janvier.
Syriza – un parti politique de la
gauche radicale dont le programme politique peut être comparé à celui du
Front de gauche en France – apparait comme le favori des intentions de vote.
Sa popularité vient de son rejet du programme de redressement économique demandé
par l’Union européenne (UE) et le Fond monétaire international (FMI) en
échange des plans de sauvetage successifs dont a bénéficié le pays depuis le
début de la crise des dettes publiques de la zone euro en 2009.
La perspective d’une victoire
électorale de Syriza fait planer de nouveaux doutes quant à la capacité de la
Grèce à réformer son économie et à l’avenir du pays au sein de la zone euro.
Pourquoi la Grèce est-elle en
crise ?
L’État grec vivait au-dessus de ses
moyens avant son adhésion à l'euro en 2002. Depuis, les dépenses publiques
ont encore grimpé grâce à la stabilité de la monnaie unique qui encourageait
l’État grec à s’endetter davantage pour financer ses dépenses. Le pays n’a
pas réussi à lutter contre l'évasion fiscale généralisée et l'inefficacité –
voire le gaspillage – des dépenses publiques, particulièrement au sein d’un
secteur public pléthorique.
Le déficit budgétaire – la différence
entre les dépenses de l’État et ses revenus (impôts, taxes, emprunts) - est
bientôt devenu hors de contrôle. La crise financière de 2008 a révélé que la
dette de l’État grec était bien plus importante que ce que les chiffres
officiels laissaient apparaitre. L’État grec a eu besoin d’un crédit
d’urgence afin de rester à flot.
En 2010, le FMI et l’UE ont accordé à
ce pays un emprunt de 110 milliards d’euro, payé par versements échelonnés.
En 2012, un nouveau prêt de 130 milliards a été accordé.
En échange de ce plan de sauvetage, le
gouvernement grec devait adopter des mesures afin de redresser les finances
de l’État. L'opposition aux mesures de redressement a retardé de nombreuses
réformes.
Trois scénarios pour le futur
Une victoire électorale de Syriza
pourrait entraîner l’Europe sur trois chemins différents.
Premier scénario : une fois au
gouvernement, Syriza pourrait soudainement changer sa posture politique et
continuer à contrecœur à mettre en œuvre les mesures imposées dans le cadre
des plans de sauvetage grecs. Ce premier scénario est improbable car ce
revirement détruirait tout le capital politique de Syriza et conduirait le
parti vers une large défaite lors des prochaines élections.
Deuxième scénario : le
gouvernement Syriza comme l’Union européenne campent sur leurs positions
respectives. Le blocage provoque une nouvelle crise des dettes publiques des
pays membres de la zone euro. La confusion qui s’ensuit voit la Banque
centrale européenne (BCE) intervenir massivement, palliant au manque
d’efficacité d’une série de sommets européens intensément médiatisés. Ni
Syriza ni l’UE ne pouvant se permettre de perdre la face, et ce même si cela
déclenche une panique et beaucoup d’agitation. Au bout du compte, avec une
BCE très active, il est peu probable que la Grèce quitte la zone euro, la
source du problème reste irrésolue et une nouvelle crise surviendrait
assurément à l’avenir.
Existe-t-il un autre scenario ?
Une victoire électorale de Syriza peut peut-être faire prendre conscience à
certains dirigeants européens que le problème grec ne peut pas être résolu
sans une sortie de la Grèce de la zone euro et un défaut (partiel) sur sa
dette souveraine. Cela ne permettrait pas de résoudre le problème de la dette
privée grecque, mais ce serait déjà un bon début.
Ainsi, dans le cadre d’u, troisième
scenario, le gouvernement Syriza et l'UE se mettraient d’accord sur une
sortie de la Grèce de la zone euro. Une fois que la Grèce aurait de nouveau
sa propre monnaie, il serait possible de remplacer le processus de
dévaluation interne en cours par une politique de dévaluation externe. Cela
permettrait de restaurer la compétitivité internationale du pays de manière
moins douloureuse qu’actuellement.
En plus d’une dévaluation de sa
nouvelle monnaie, l’État grec devrait essayer de déplacer ses finances
publiques sur une trajectoire plus durable. Mais avec un rapport dette/PIB de
plus de 170%, un défaut (partiel) semble inévitable. Lle plus tôt sera le
mieux.
En plus de cela, la Grèce devrait
encore viser à accroître sa productivité, en réduisant les formalités
administratives et en rationalisant son système fiscal. Ces réformes
structurelles sont peut-être les seuls éléments des conditions de sauvetage
actuellement prescrits par Bruxelles que la Grèce devrait poursuivre. À long
terme, ces réformes sont importantes car la Grèce a besoin d'avoir une
économie compétitive et productive afin de recréer les centaines de milliers
d'emplois qu'elle a perdu au cours des années de crise.
Au risque de sonner comme un disque
rayé, la zone euro est une construction inadaptée à ses États membres
actuels, condamnant la zone à des crises répétées comme c’est le cas en
Grèce. Il n’est pas trop tard pour mettre fin à cette expérience désastreuse
en reconfigurant la zone de manière fluide, responsable et apaisée.
Si l’on se fie aux expériences passées
pour envisager le futur, les dirigeants européens choisiront sûrement le
scenario le moins attrayant des trois (le deuxième décrit plus haut) et leur
attentisme militant ne le rendra pas meilleur.
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