Le projet de
taxe sur l’huile de palme pourrait ressortir à l’occasion
de la loi de santé publique préparée par la Ministre de
la santé Marisol Touraine. Baptisée
« taxe Nutella » du nom de la célèbre
pâte à tartiner qui en contient, la proposition n’avait
finalement pas été retenue. Elle n’a cependant jamais
été oubliée par le Sénateur Daubigny qui
s’est entiché du sujet et a produit un rapport avec Catherine Deroche défendant cette fois une proposition plus
subtile, à savoir l’harmonisation des taxes sur les huiles en
France.
Comme on peut le lire dans le rapport
« une harmonisation de la taxation des huiles permettrait
[…] d’inciter industriels et consommateurs à diversifier
leur consommation. » Puis de citer le professeur Jean-Michel
Lecerf qui explique « Il n’y a pas d’huile parfaite.
(…) Une bonne alimentation suppose de consommer un peu de toutes les
matières grasses. Une consommation excessive d’une seule
d’entre elle serait péjorative. » Dans cette logique,
il est effectivement difficile d’expliquer pourquoi certaines huiles
seraient plus taxées que d’autres.
C’est d’ailleurs là
un intérêt du rapport que de faire remarquer cette
incohérence de la fiscalité française. « Selon la réglementation en
vigueur, un kilo d’huile d’olive est aujourd’hui
taxé 53 % de plus qu’un kilo d’huile de colza, 42 % de
plus qu’un kilo d’huile de palme et 40 % de plus qu’un kilo
d’huile de coprah ou de palmiste. De même, l’huile de tournesol
est taxée plus de 40 % de plus que l’huile de pépins de
raisins, près de 25 % de plus que l’huile de palme et 23 % de
moins que les huiles de coprah ou de palmistes. »
D’où l’idée d’harmoniser les taxes
puisqu’il faudrait consommer un peu de toutes les matières
grasses. Il est clair que ce régime fiscal entraîne des
distorsions économiques difficilement explicables.
Seulement, voilà.
L’idée des sénateurs est d’harmoniser à la
hausse les taxes sur les huiles plutôt qu’à la baisse, ce
qui pourrait amener à taxer toutes les huiles à hauteur de
l’huile d’olive, soit 18,542 euros pour 100 kg. Cette hausse de
la taxation s’explique par la croyance en l’efficacité
d’une fiscalité comportementale qui détournerait les
industriels et les consommateurs de produits mauvais pour la santé, en
l’occurrence ceux qui contiennent une grande quantité
d’acides gras saturés.
À ce compte
là, il faudrait d’ailleurs aussi envisager
d’augmenter les taxes sur le beurre doux. Alors qu’il contient
plus d’acides gras saturés que l’huile de palme (54,9g
contre 49,36), il continue de bénéficier de la TVA à
taux réduit (5,5%) alors que les margarines et matières grasses
végétales se voient imposer la TVA à taux normal, soit
20%.
On y gagnerait sans doute en
cohérence mais pas en efficacité. Car si harmonisation, il doit
y avoir, c’est plutôt à la baisse qu’il faudrait
l’envisager afin de supprimer des distorsions économiques
inexplicables et acter des limites d’une fiscalité
comportementale qui n’a pas fait ses preuves en termes de santé
publique.
Cette fiscalité, qui nuit au
pouvoir d’achat des plus modestes, présente
l’inconvénient de susciter une multitude d’effets pervers
inattendus, comme les substitutions, le développement du commerce transfrontalier
ou le recours au marché noir.
Le tabac fournit un parfait exemple de
substitution. Face à la hausse des taxes sur les cigarettes en France,
les fumeurs ont eu tendance à se tourner davantage vers le tabac
à rouler. Or ses effets sur la santé sont au moins aussi nocifs
que ceux des cigarettes. Ce phénomène est aussi attesté
depuis des décennies aux États-Unis. Dans ce pays où une
taxe soda existe depuis les années 1920, des experts ont conclu
à l’absence d’impact réel sur le surpoids et
l’obésité. Du fait d'un changement des comportements
face à la politique fiscale, les jeunes se sont en effet mis
à consommer plus de calories provenant de boissons meilleur
marché.
Au Danemark, premier pays à
avoir imposé une taxe sur les graisses saturées, on a
constaté une croissance importante du commerce transfrontalier vers
l’Allemagne et la Suède. Conséquence la taxe en question
a été supprimée dans la foulée.
Enfin, cette fiscalité
présente l’inconvénient de nourrir les marchés
noirs, qui n’offrent pas de garanties aux consommateurs. Plus la part
de la fiscalité dans le prix final est significative, plus cela offre
des opportunités sur les marchés illégaux.
L’économie souterraine, qui permet aux individus de limiter
l’érosion de leur pouvoir d’achat, gagne
mécaniquement du terrain. Le sujet est loin d’être
anecdotique, l’économie souterraine étant
évalué à 18,5% du PIB européen.
Il y a une certaine ironie à
vouloir charger la barque de la fiscalité nutritionnelle quand dans le
même temps, le gouvernement français annonce des mesures
fiscales visant à favoriser les revenus faibles ou s’alarme de
l’essor de la fraude.
Il serait temps de montrer un peu de
cohérence, en commençant par harmoniser à la baisse les
taxes plutôt qu’à la hausse.
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