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Les pétrolières sont
rarement appréciées pour le service qu’elles rendent aux
consommateurs. Au contraire, pour le public en général, elles
sont plutôt vues comme des vilaines. Lorsqu’on considère
que la majorité des économistes leur attribuent la hausse
récente de l’inflation, que nombre de professeurs et de
commentateurs les dénoncent parce qu'« elles s’en
mettent plein les poches » et que les politiciens leur font
constamment des procès d’intention, il ne faut pas s’en
surprendre. Pour démontrer que les pétrolières ne sont
pas responsables de la hausse du prix de l'essence des trois dernières
années, on doit recourir à la théorie autrichienne
(libérale) de la monnaie et analyser les conséquences des
diverses interventions gouvernementales sur celle-ci.
Dans un monde libéré
des interventions monétaires et, par conséquent, où la
quantité de monnaie augmente peu, puisqu’elle provient de
minerai coûteux à extraire et à transformer, une hausse
du taux d’intérêt ne peut être le résultat
que d’une demande accrue de crédit (de monnaie
empruntée). À l’inverse, une réduction de ladite
demande entraîne une baisse du taux d’intérêt.
Celui-ci, comme tout autre prix, varie selon l’offre et la demande. On
parle de plusieurs taux d’intérêt dans la mesure où
l'on réfère à une variété
d’échéance.
Malheureusement, les
grands manitous des banques centrales, à l’instar des autres
gestionnaires de l’État, interviennent constamment sur le taux
d’intérêt sous le prétexte qu’ils savent
mieux que les consommateurs quand il est temps d’épargner et
quand il est temps d’emprunter. Ils ont tendance à maintenir bas
le taux d’intérêt, car cela encourage les gens à
emprunter, à consommer et à investir plus qu’ils ne le
feraient sans cette intervention. Les argentiers de l’État
agissent ainsi, car ils croient que la richesse a pour force motrice la
consommation.
En principe, ce
manège ne saurait durer que le temps qu’on s’aperçoive
que les ressources diminuent. Toutefois, en contrôlant la monnaie
fiduciaire et en la créant à volonté,
l’État entretient une illusion de richesse et encourage les gens
à la surconsommation, c’est-à-dire une consommation qui
n’aurait probablement jamais eu lieu sans cette fourberie.
Malgré cela, on continue à blâmer le capitalisme
plutôt que l'étatisme. Considérant que ces interventions
portent le sceau de la science économique, on peut comprendre la confusion.
Toutefois, il faut réaliser que celle-ci ne parle pas d’une
seule voix.
Erreur de diagnostic,
problèmes non répertoriés et accusations non
fondées
L’inflation est un
problème monétaire causé par l’utilisation
d’une monnaie fiduciaire imposée par les gouvernements. On
prétend que la monnaie fiduciaire mise en circulation ne cause aucune
difficulté tant que les « grands argentiers »
réussissent à convaincre les consommateurs que les prix des
biens et des services sont stables. Les consommateurs sont peut-être
convaincus, mais ils n’en sont pas moins trompés.
Trompés, car
ils ne sont pas incités à consommer par l’entremise
d’une publicité qui fait appel à leurs sens, mais par une
monnaie mise en circulation à profusion et qui n’a aucune
valeur, si ce n’est qu'une valeur attribuable à la confiance en
l’autorité qui l’émet. Sa mise en circulation
enrichit ceux qui la reçoivent en premier, au détriment des
autres, car elle n'a pas de contrepartie désirée pour
elle-même. Elle est également à la source des cycles
économiques, qui causent récession et chômage (voir
« Les
privilèges du secteur financier et la monnaie de crédit »,
le QL, no 155, et « Réserves
fractionnaires et cycles économiques », le QL,
no 135).
Puisque ce nouvel argent se retrouve
d’abord dans les mains d’une poignée d’individus,
ensuite dans les marchés boursiers, obligataires,
dérivés et immobiliers, il n’est pas comptabilisé
à titre d’inflation au sens utilisé par les médias
et défini par les économistes des écoles de
pensée populaires, soit une hausse des prix telle que
déterminée par les indices erronés qu’ils ont
concoctés. Ils concluent que la mise en circulation de monnaie
fiduciaire ne cause pas de problème. Pour la même raison,
lorsque les pétrolières haussent leurs prix, ils les accusent,
à tort, d'être les principales responsables de
l’inflation.
Sciences à revoir
Endoctrinés à
l’idée que la science économique doit passer par des
mesures et l’interprétation de chiffres, les économistes
des écoles de pensée populaires additionnent des biens qui ne
peuvent l’être (voir « Donner un sens aux indices
économiques », le QL, no 107).
En praxéologie et en
économie, aucun sens ne peut être attribué à la
notion de mesure. Dans l’état hypothétique où rien
ne bouge, il n’y a pas de changement à mesurer. Dans le monde
actuel en constante transformation, il n’y a ni points fixes, ni
dimensions, ni relations qui pourraient servir de norme. Le pouvoir
d’achat de l’unité monétaire ne change jamais
uniformément pour tous les biens qui s’achètent et se
vendent. Les notions de stabilité et de stabilisation sont vides si
elles ne réfèrent pas à un état fixe qui le
demeure. – Ludwig von Mises, Human Action
(1)
Puisqu’on ne peut mesurer
qu'à partir d'un point fixe et que l’action humaine ne
l’est pas, les économistes, qui prétendent la mesurer,
cautionnent donc les interventions monétaires qui cherchent, en vain,
la stabilité des prix. S’il y a stabilité apparente des
prix, c’est uniquement dû aux produits et services qu’on
répertorie et à la façon dont on s’y prend pour
aboutir à un pourcentage. D’une part, cela ne signifie pas
qu’il y ait stabilité réelle des prix. D’autre
part, quand bien même on atteindrait cet objectif, encore faudrait-il
s’y prendre de manière légitime. Or enrichir des gens au
détriment des autres, créer des cycles économiques, de
l’endettement, de la surconsommation et de fausses accusations, ne font
pas le compte.
Ces accusations sont
fausses, car la hausse du prix du pétrole ne contribue pas à
l’inflation. Celle-ci est un phénomène monétaire.
Et au-delà des catastrophes naturelles et de la disponibilité
de la ressource, qu’on ne doit pas négliger comme facteurs
affectant son prix, ce sont les interventions monétaires,
réglementaires et militaires qui expliquent mieux la hausse
récente du prix du pétrole.
Lorsqu’une
monnaie est mise en circulation sans restriction, elle donne lieu à
tous les excès. Aveuglés par cette fausse richesse, plusieurs
entrepreneurs se mettent à construire et à fabriquer des
produits, exerçant ainsi une demande accrue de pétrole.
L’expansion récente de la Chine illustre ce propos. Certes la
croissance chinoise repose également sur la base solide qu’est
la libéralisation de ses marchés, mais son inflation monétaire la propulse de
façon insoutenable, avec les dangers que cela comporte. Ne pouvant
prédire cette hausse soudaine de la demande, les
pétrolières ont tendance à augmenter leurs prix, car on
ne sort pas le pétrole de la terre comme on sort les billets de la
banque centrale.
Ainsi, non seulement
la hausse du prix du pétrole ne contribue-t-elle pas à
l’inflation, mais c’est le contraire qui est vrai.
C’est-à-dire que l’augmentation de la quantité de
monnaie fiduciaire conduit d’abord à une hausse des prix de
certains biens, dont le pétrole, et des biens, tels que les maisons,
qui ne sont pas comptabilisés par les indices erronés
d’inflation. Elle affecte ensuite l’ensemble des biens et des
services. En cherchant présumément la stabilité des
prix, on finit par déstabiliser l'ordre du marché et la
coopération sociale. Ceux-ci sont remplacés par le chaos
bureaucratique, c’est-à-dire par la prétention de
quelques hommes à planifier et à contrôler les actions de
millions d’autres.
D’une intervention à
l’autre
Avant d’extraire le
pétrole de la terre, on évalue si la demande est là pour
rester, s’il y a lieu de produire davantage, de construire des
raffineries, voire d’explorer des gisements. Il faut aussi obtenir des
permis, qui entraînent souvent des études et des consultations
gouvernementales interminables. Les dépenses liées à
l’ensemble de ces activités sont importantes. Le pétrole
qu’on extrait doit être transporté, transformé et
raffiné, et il doit encore se conformer aux politiques
environnementales qui varient d’une juridiction à l’autre,
ce qui engendre des coûts supplémentaires. Encore ici, les
gouvernements ont une responsabilité quant au coût
engendré.
À
l’intervention réglementaire, aux taxes, qui constituent quelque
40% du prix à la pompe, on doit ajouter les impôts sur les
sociétés, qui réduisent d’autant la
capacité de produire et d’explorer; et les interventions
militaires, notamment là où il y a production de pétrole
comme en Irak, qui ne font rien pour réduire le prix du brut.
L’ensemble de ces interventions maintient élevé le prix
du pétrole tout en le haussant sporadiquement selon le type
d’intervention. Si une intervention militaire a tendance à avoir
un effet spontané sur les prix, l’inflation (monétaire) a
tendance à se répercuter sur eux avec un décalage.
Le comble de
l’arrogance, c’est que suite à ces multiples interventions,
les politiciens exigent que les présidents de ces entreprises leur
expliquent pourquoi les prix sont élevés, dans une
atmosphère de procès stalinien. Les journalistes ne sont pas en
reste quand vient le temps d’exciter les passions. Lorsqu’ils ne
le font pas en leurs propres noms, ils invitent des
« spécialistes », en titre seulement, qui
expriment leur colère en criant à l’injustice du profit
« excessif » – comme s’ils étaient
capables de préciser ce qu’était un profit
adéquat. Il ne manque jamais de politiciens prêts à
répondre à cette paranoïa à coups de lois et
d’impôts. Ainsi, plutôt que de sortir du trou, on s’y
engouffre.
En somme, ce
n’est pas parce que les pétrolières sont
dénoncées par des professeurs, des politiciens, des journalistes
ou les gens en général qu’elles sont
nécessairement coupables. Les multiples interventions gouvernementales
constituent la principale cause de la hausse du prix du pétrole des
dernières années, comme elles sont la cause de nombreux autres
maux.
1. Il
s’agit d’une traduction libre de l’extrait suivant: «
In the field of praxeology and economics no sense can be given to the notion
of measurement. In the hypothetical state of rigid conditions there are no
changes to be measured. In the actual world of change there are no fixed
points, dimensions, or relations which could serve as a standard. The
monetary unit’s purchasing power never changes evenly with regard to
all things vendible and purchasable. The notions of stability and
stabilization are empty if they do not refer to a state of rigidity and its
preservation. »
André Dorais
André
Dorais a étudié en philosophie et en finance et vit à
Montréal.
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