Pour occuper votre dimanche, je vous propose de revenir sur un billet
paru quelques années en arrière et qui s’inscrit encore bien dans l’actualité
du moment, à savoir une élection… En novembre 2011, je tentais audacieusement
d’imaginer ce que serait une « présidence Hollande » alors que la
profondeur du personnage était peu connue des Français (mais déjà facile à cerner). Cinq années plus tard, on peut jauger
de la valeur du billet à ce qui s’est passé, en vrai. Je crois que le billet
souffre bien le passage des années, mais à vous de juger.
Tout le monde le sent maintenant : la France est à un tournant. Les mois
qui viennent devront marquer un profond renouvellement dans la vie de ce
pays. Et il est parfois nécessaire de faire un exercice prospectif, soit
parce que c’est courtoisement demandé (ici, par Val et l’Hérétique), soit parce que tout simplement, on veut
réfléchir deux minutes à ce que pourrait donner le pays au cas où …
On se souviendra que j’avais déjà tenté un exercice s’en rapprochant, le 28 septembre dernier, en imaginant les différentes
possibilités pour le second tour de ces élections présidentielles, tout en
prenant les précautions d’usage.
On est en effet encore assez loin de ce scrutin final, et la situation,
notamment économique, de l’ensemble du monde en général et de la France en
particulier laisse présager des moments assez rock’n’roll qui empêchent toute
certitude.
Pour l’exercice du jour, je vous propose de poser une hypothèse aussi
hardie que justement elle est contraire à mon propre pronostic du 28 septembre
dernier. Ce jour-là, j’envisageais en effet que Sarkozy serait réélu.
Oublions donc ce résultat, et partons du principe que Babar l’autre pays du chômage a décroché la timbale (par
exemple à la faveur d’un accord en béton armé avec Europe Eco-lol-gique comme
le dit fort bien Gérard Mentor dans son billet à ce sujet).
Partant de cette hypothèse, force est de constater que le nouveau
président se retrouve, dans le meilleur des cas, avec un pays au bord de
l’asphyxie financière. Dans le pire, c’est un pays exsangue et déjà en défaut
de paiement dont il hérite d’un Sarkozy bien trop heureux de lui filer la
patate bouillante.
Sur le plan stratégique, du reste, on comprendra que Sarkozy, s’il doit
perdre, a tout intérêt à rendre les clefs de l’Elysée alors que le pays peut
encore payer ses dépenses courantes. L’échec complet est alors imputable, au
moins en partie, au nouvel entrant, si celui-ci est au pouvoir depuis
quelques mois lorsque le pire advient. Dans le cas contraire, les socialistes
de gauche auront beau jeu d’accuser ceux de droite d’avoir saboté l’économie.
Comme on le comprend à l’évocation de ces événements économiques, je ne
crois pas beaucoup à une amélioration sensible de la situation pour les
caisses de l’état d’ici à mai 2012 : quand on voit que le FESF, normalement
destiné à soutenir les pays membres de la zone euro, est déjà en difficultés
et qu’il faut en recourir à de la tuyauterie financière digne d’un plombier de jeu
vidéo (coucou Super Mario) pour arriver à lui trouver des fonds, on
comprend que l’ensemble de l’opération « Sauvons l’Euro / Tous
Ensemble, On Peut Y Arriver » est partie pour rencontrer un platane
en descente avec le vent dans le dos au prochain virage.
Et c’est donc sans aucune espèce de surprise qu’on peut l’affirmer : le
prochain président n’aura strictement aucune marge de manœuvre. Ou plutôt,
les manœuvres qu’il pourra faire n’auront en réalité aucune incidence sur le
résultat final, le point de non-retour ayant été dépassé depuis au moins 5
ans.
Dès lors, les différences entre Sarkozy et Hollande seront purement
cosmétiques. De toute façon, aucun des deux n’a d’idées pratiques de ce qui
pourrait limiter la casse ; pire : comme ces idées sont toutes issues de la
boîte à outil libérale, que l’un comme l’autre se sont employés à tenir aussi
loin que possible de toutes les mains du pouvoir, on peut être certain que la
catastrophe continuera.
La seule question qui demeure alors est celle de la vitesse.
Car d’un côté, on a un frétillant crétin
à peu près inculte en économie dont la seule prouesse a toujours consisté à
brasser de l’air et nous le pomper simultanément, pour un résultat absolument
nul ; les dernières gesticulations grecques, assorties d’un G20 aussi inutile
que grotesque, sont une illustration limpide de son pouvoir de non-action.
Sarkozy dans un deuxième mandat, c’est l’assurance que l’absence de marge
de manœuvre sera camouflée par un de ces nuages d’encre opaque que certains
poulpes lâchent pour distraire leurs adversaires. Il n’est donc pas à exclure
que la situation empire et que l’ensemble du peuple n’en soit absolument pas
tenu au courant. Oh, les individus se rendront bien compte que la situation
se dégrade énormément, mais on peut s’attendre à une phase de déni assez longue.
Pour résumer, nous irons très vite à la catastrophe, mais nous ne le
saurons jamais clairement.
De l’autre côté, on
a une aimable
amibe, obstinée mais molle, et qui a l’insigne avantage sur son
concurrent d’avoir déjà été frotté, même si de façon lointaine, à quelques
notions d’économie.
Heureusement, la comparaison redevient d’emblée plus facile lorsqu’on lit
ses dernières propositions et qu’on se rend compte que ces notions ne seront
jamais mises à profit : comme dans n’importe quelle campagne électorale, le
magasin de bonbons fait portes-ouvertes et chacun y trouve son compte à pas
cher.
Et si l’on se
replace dans le cadre de notre hypothèse de base, Hollande élu se retrouvera
fort en peine de mettre l’une ou l’autre coûteuse lubie en action. Il sera,
comme l’autre, cantonné aux décisions d’apparat ou celles sur du très long terme
(comme poussoter mollement le retrait du nucléaire à 2050, moyennant la
fermeture d’un ou deux réacteurs, et encore, pour faire patienter ses
« alliés » verts qui lui claqueront de toute façon dans les doigts
dès qu’ils le pourront).
En réalité, on le comprend bien : tant Hollande que Sarkozy sont aussi
adaptés à la situation qu’un vélo à un poisson rouge (avec lequel ils
entretiennent le même lien étroit concernant la mémoire).
Aucun des deux ne pourra, le moment venu, se retourner vers les Français
et appeler, dans un élan rhétorique puissant, à une union nationale ou à
taire les querelles intestines.
Sarkozy n’a toujours existé qu’en clivant (aussi stupide le sujet du
clivage soit-il), ce qui est exactement aux antipodes de ce qu’on attend d’un
leader que tout le monde pourrait suivre en cas d’urgence.
Quant à Hollande, on peine à voir en lui l’homme providentiel. La
démonstration de cette semaine en dit suffisamment long sur ses capacités de
rassemblement, qui s’apparentent clairement à du petit bricolage politicien,
avec en plus cette maestria assez consternante dans le ratage de la
bidouille, médiatisation incluse. Tout ce qu’il évoque de façon persistante
est un sentiment d’ennui. On ne peut s’empêcher de l’imaginer faisant des
sudokus, ronchonnant vaguement pendant que le courant est coupé à l’Élysée
pour cause d’impayés massifs.
En tenant compte de tout ça, je ne peux que vous conseiller la même
occupation en avril et en mai 2012.
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