Je suis assez surpris. Je m’attendais à un vent de folie sur la presse
française lorsqu’on a appris, tout récemment, que l’UMP s’était lancé dans le
soutien scolaire. Il y a pourtant tous les ingrédients habituels des
polémiques stériles : de la politique politicienne, de l’éducation, des
générations futures plus ou moins en danger, bref, tous les ingrédients qui
assurent le spectacle…
Mais ces derniers jours, avec le bel anniversaire fêtant la première année
de Quinquennat Hollande se sont égrenées les nombreuses réalisations et les
multiples promesses tenues du Président des Bisous, ce qui a pas mal occupé
les ondes. Si l’on y ajoute les tracas atmosphériques, aériens même, de
Moscovici et des finances d’un pays qui continue de s’enfoncer dans la
médiocrité, ainsi que les rodomontades spectaculaires mais inoffensives de
Mélenchon, on comprend que nos journalistes avaient d’autres chats à fouetter
que s’occuper des velléités de l’UMP à endoctriner des gamins.
Oups.
Qu’ais-je dit là …
Évidemment, vous l’aurez compris, lorsque le Parti Qui N’Est Pas Au Pouvoir
(peut-on encore parler d’opposition ?) se mêle d’éducation, on ne peut
s’empêcher de poser la question : ne serait-ce pas là un moyen qu’il a trouvé
pour orienter discrètement et politiquement les élèves et leurs parents ?
Comme je l’ai dit, la presse ne s’est pas franchement emparée du sujet,
mais heureusement, les quelques articles qu’on trouve sur la toile posent en
effet cette même question et ne se gênent donc pas pour rapporter le
« vent d’indignation » soulevé par une telle incartade de la
politique dans les rangs des élèves auparavant si parfaitement à l’abri de tout prosélytisme de parti, ahem broum broum, kof kof kof.
Comme de juste, les habituels effarouchés sont sur le pont : Olivier-Ronan Rivat, secrétaire général de la Ligue de l’Enseignement
de Haute-Garonne, dénonce par exemple « une manœuvre
politique » destinée à « manipuler les esprits »
:
« Un parti politique, quel qu’il soit, n’a pas cette mission ! On
peut s’interroger sur la motivation d’une telle démarche. »
Si l’on peut convenir qu’un parti politique n’a en effet pas pour mission
de boucher les trous de plus en plus béants laissés par une Édulcoration
Nationale en pleine déconfiture, que notre enseignant / membre de la Ligue de
l’Enseignement Pas Du Tout Socialiste en vienne à s’interroger sur la motivation
d’une telle démarche montre qu’on n’a pas à faire à la première des lumières
: il est absolument limpide que l’UMP veut accroître son audience électorale
et que ce moyen en est un aussi efficace que des tractages ou des collages
d’affiches (et certainement plus que les lipdubs de
niaiseux militants pondus avec cette ringardise qui en dit long sur la
décrépitude mentale de ces partis politiques).
Cependant, de là à dire comme Yannick Trigance,
un élu ouvertement socialiste (oui, pour rappel, en France, ils ne se cachent
même pas), que cette opération serait dangereuse pour ce qui reste de laïcité
dans le pays, c’est assez comique, surtout qu’il rajoute (la hontectomie, ça aide) :
« C’est, enfin, nier la liberté de conscience des élèves et mépriser,
dans le même temps, les partenaires sociaux qui travaillent déjà depuis de
longues années dans ce domaine. »
Et il est vrai qu’en matière de sabotage de l’enseignement, les
partenaires sociaux et l’Édulcoration Nationale ont fait un fier travail ces
dernières décennies ; par exemple, l’habile suppression par Vincent Peillon, en mars dernier, de l’apprentissage dès 14 ans démontre une fois de plus que
le but de cette institution n’a jamais, jamais été d’amener les élèves à un
niveau de compétence quelconque en vue de les aider, plus tard, à trouver
leur métier, leur voie et une façon de participer à la société, mais bien
d’en faire de joyeux citoyens prêts à répondre présent, bulletin de vote à la
main, lorsqu’il s’agira de soutenir le Parti (peu importe qu’il soit de
droite ou de gauche).
En cela, l’initiative de l’UMP est donc dans la parfaite lignée de ce qui
existe déjà, que ce soit entrepris par les associations de parents d’élèves
aux obédiences catholiques ou communistes ou par les partis politiques
eux-mêmes, avec plus ou moins de publicité. L’éducation des enfants
est une méthode bien trop efficace d’endoctrinement des cerveaux influençables
pour être laissée aux seuls parents, enfin voyons !
L’UMP fait donc feu de tout bois pour tenter de convaincre un pays las des
idioties républicaines, citoyennes, festives et socialistes qu’il n’est pas,
lui, un parti républicain, citoyen, festif et socialiste. Bon. En fait, il
est quand même républicain, hein. Et puis citoyen, parce qu’un parti
politique pas citoyen, ce serait dangereux. Et logiquement, puisque citoyen,
il est festif ce qui fait qu’il ne se distingue du PS que par le fait que le
socialisme, chez lui, n’est juste pas assumé ou, disons, d’un parfum
différent. Bref, l’UMP fait sensiblement la même chose que le PS, mais de
façon marginalement différente.
Un partout, la balle au centre, donc ? Que nenni
! On peut aller plus loin dans les remarques idiotes et pour cela, rien de
tel qu’un bon micro mou collé sous le museau d’un quidam. C’est la blague qu’à réalisé La
Dépêche du Midi, délicieux canard local qui sent bon la garrigue, la lavande
et les grosses carabistouilles politiques. Propulsant leur engin d’interview
à proximité de Jean-Michel Ducomte, le président
national de la Ligue de l’Enseignement Toujours Pas Socialiste Avec Une
Cravate Délicieusement Seventies, ce dernier n’a évidemment pas pu s’empêcher
de lancer quelques anathèmes bien sentis sur cette effroyable initiative du
parti de droâte :
Je trouve ce projet scandaleux. Sur la forme et sur le fond, c’est indigne
! (…) Sur le fond, le problème est encore plus grave car l’histoire démontre
que les seuls partis politiques à s’être aventurés en territoire éducatif
sont les partis totalitaires et fascistes. (….) J’y vois l’expression de la
«ligne Copé» et de l’extrême-droitisation de ce parti.
Oui, vous avez bien lu : que des bénévoles (militants de l’UMP) offrent, à
qui le veut, un soutien scolaire n’est rien moins qu’une manœuvre totalitaire
et fasciste. Le brave Jean-Michel de la Ligue de l’Enseignement Pas
Socialiste Pour Un Sou a très rapidement gagné un point godwin,
à plastifier par ses soins, dans les plus brefs délais (on pourra le lui
faire parvenir en utilisant le timbre commémoratif ci-dessus ; le point
Godwin, c’est du lourd, au moins 100g de mauvaise foi pure).
Ducomte est tout remonté : toute cette belle
laïcité qui va se retrouver amoindrie par les efforts fourbes et captieux
d’un parti qu’il sait, maintenant, être de droite dure, extrême, méchante et
veule, ça le tourneboule au niveau du vécu. En attendant, il est très embêté
: légalement, rien ne peut être fait (pour le moment en tout cas) pour
empêcher formellement des individus, aussi militants soient-ils, de fournir
une aide bénévole à des élèves en perdition.
Et force est de constater que, même si les visées électoralistes de l’UMP
sont assez évidentes, personne, depuis les guignols de la Ligue de
l’Enseignement Même Pas De Gauche jusqu’aux militants de l’UMP en passant par
les Journalistes Neutres Politiquement, personne ne remet en
cause la raison initiale de ce soutien : la faillite complète de
l’instruction publique. Par exemple, les socialistes sont, évidemment, vent
debout contre la récupération de l’UMP, mais ne peuvent absolument pas se
permettre de dire « C’est inutile, l’EdNat
fonctionne très bien » : le constat de la catastrophe éducative du
pays crève à ce point les yeux que plus personne n’imagine mettre réellement
des bâtons dans les roues à toutes les bonnes volontés qui voudraient
rattraper les élèves du naufrage éducationnel dans lequel ils sombrent, même
si ce sont des bonnes volontés gravement politisées et pas marquées du Sceau
Officiel Du Camp Des Bons.
Oui, l’Éducation Nationale est à ce point en perdition que maintenant,
plus personne ne s’écharpe pour savoir à quel point telle ou telle enquête de
niveau est mal ficelée. Plus personne ne s’occupe de contester la nullité des
savoirs dispensés. Plus personne n’ose se lever pour brailler à qui veut
l’entendre que le Monde Entier nous envie notre beau système d’éducation,
gratuit, laïc, citoyen, festif et de plus en plus approximatif.
Maintenant, on en est à se chamailler pour s’assurer de la bien-pensance
de ceux qui veulent limiter la catastrophe.
Édifiant, non ?